Qu’est ce que le NutriScore ? Pourquoi est-il là ? Est ce nécessaire, utile, efficace ? Toutes les questions que les consommateurs se posent et qui ne trouvent pas de réponse.
L’idée est certainement bonne, on estime que la grande disponibilité d’aliments peu nutritifs et hypercaloriques est une cause importante de l’épidémie d’obésité et de maladies attribuables à cette dernière dans le monde. « En donnant aux consommateurs les moyens de faire des choix alimentaires plus sains à l’aide d’un étiquetage nutritionnel valable et utile, nous pourrions endiguer cette épidémie, souligne le professeur Shultz1 professeur de psychologie et d’informatique à l’université McGill. Si les consommateurs ont l’information nécessaire pour choisir des aliments nutritifs, cela poussera peut-être les producteurs et les détaillants à améliorer leurs produits. »
Il est évident que nous sommes tous livrés à nous même en entrant dans un supermarché, seul face a l’ingéniosité débordante des producteurs et détaillants pour nous vendre leurs produits. Coca-Cola vend 1,5 milliards de canettes de sodas par jour et 54% des boissons gazeuses vendues en France sont produites par Coca-Cola. Alors comment ne pas essayer de comprendre comment ils font pour parvenir à un tel succès ? Le NutriScore est-il le meilleur outil pour donner une chance au consommateur face à des entreprises qui utilisent les données neurobiologiques de la population pour vendre le plus au meilleur prix ?
Dans un premier temps il faut remettre les choses dans leur contexte, en effet la population française et mondiale se nourrit très mal, il en résulte un nombre très important de personnes obèses, diabétiques et de manière général en mauvaise condition physique et mentale. Il s’agit certes d’un problème de santé publique mais dans qu’elles mesures l’État doit il intervenir ? Est-il responsable de la façon dont la population se nourrit ? Est-ce son rôle d’interdire des produits sous prétexte qu’ils sont mauvais pour la santé ?
Il y a comme bien souvent deux façons de voir les choses, si nous considérons que ce problème est un problème de santé publique alors il est normal de voir dans un pays ou la santé est financée par l’État, la ministre de la santé essayer de nous guider dans nos habitudes alimentaires. Dans d’autres pays en revanche la population serait sans aucun doute très surprise de voir l’État faire ingérence de telle sorte dans les rayons des supermarchés.
Néanmoins en France, la ministre de la santé Madame Buzyn a tranché. La santé est publique, l’État est omni présent et c’est lui qui s’engage à votre place à choisir vos aliments. Mais pour que son système fonctionne il faut impérativement qu’un certain nombre de conditions soient remplis.
En effet tout d’abord il faut que les français soient prêts à recevoir des consignes de notre ministre pour savoir ce qu’ils doivent ou ne doivent pas manger.
En suite il faut que la ministre soit absolument persuadée et ce grâce à des preuves scientifiques solides que les choix qu’elle fait pour notre population sont les bons et n’entraineront pas une fois encore de grands scandales comme nous en connaissons malheureusement trop. Peut on être sure aujourd’hui que la ministre est en mesure de discriminer sans se tromper entre deux aliments dans un rayon de supermarché lorsque l’on sait aujourd’hui que les guidelines en matière de nutrition sont fausses depuis 50 ans ?
De plus il s’agit bien évidement de s’interroger sérieusement sur le rôle de l’État. Est ce vraiment à la ministre de la santé de nous dire ce que nous devrions ou pas manger ? Mais c’est certainement une question philosophique voire politique que je vous invite à traiter ultérieurement. En ce qui me concerne je pense clairement que si l’éducation est un rôle primordial de l’État je doute fort que l’assistanat en soit un.
Enfin il est indispensable comme toujours de s’interroger sur les conflits d’intérêt qui peuvent nous amener à prendre des décisions qui sont parfois clairement à l’opposé de l’intérêt général, lorsque l’on connaît aujourd’hui le pouvoir de l’industrie agroalimentaire il est normal de se demander comment l’État va pouvoir demander a Coca-Cola de mettre une lettre E rouge sur ses boissons sucrées …
Une des raison principale pour lesquelles ce NutriScore est certainement un mauvais système est la suivante, le façon dont sont calculés les points pour attribuer une note à chaque produit est fausse. En effet une des raisons principales en est la suivante, un produit riche en graisse saturée comme le beurre va avoir un NutriScore E rouge alors même qu’il s’agit d’un produit fini naturel extrêmement bon pour la santé. Pour ces mêmes raisons si nous étudions maintenant un autre produit comme les Lentilles façon petit salé de Jardin bio il obtient une note de A au NutriScore, pourtant il s’agit d’un produit transformé avec beaucoup d’ajout de matière comme l’amidon de mais, le sirop de glucose, le sucre brut de canne. Tout ce sucre ajouté n’est donc pas sanctionné par le NutriScore qui va donc vous encourager à acheter ce produit alors même qu’il est transformé, cher et mauvais pour votre santé. Une fois de plus si nous analysons les quantités de nutriment nous constatons que le produit de lentille est très sucré, avec 12,6 g pour 100 g de glucide, contre seulement 2,0 g de matière grasse et 8,3 g de protéine.
De plus pourquoi si ce système est utile ne pas l’avoir rendu obligatoire ? Seulement très peu de distributeurs disent vouloir le mettre en place.
Enfin et avant de conclure il est important de réfléchir a ce que font nos voisins européens et américains. En effet il y a déjà longtemps aux USA et au Canada que les consommateurs peuvent avoir toutes les informations concernant les produits qu’il achètent mais malheureusement cette information est bien trop souvent jugée confuse et ne permet pas de faire un choix éclairé pour le consommateur comme le montre l’étude du Pr Shultz. Tout le problème réside dans la manière dont est traitée l’information et si le consommateur a les connaissances intellectuelles et scientifiques nécessaire pour aller au bout du processus décisionnel.
Pour conclure il est important de noter que même si les efforts sont importants pour essayer de mettre en sorte des gardes fous pour que la population soit en meilleure santé consomme moins de soins, et par la même que l’État puisse faire des économies, les moyens mis en place sont inefficaces et contre productifs. Nous pourrions avoir le même discours pour les cigarettes, ou l’affichage sur le paquet est inutile, une augmentation de prix de 100 % ou plus serait une solution efficace mais clairement intrusive de gérer le problème.
Néanmoins la population est de plus en plus malade et l’État de plus en plus endetté alors il faut agir. Il faut du courage politique pour que les choses changent et même si beaucoup d’observateurs disent aujourd’hui qu’une génération est sacrifiée par des choix politiques critiquables, il est grand temps de penser aux générations futures et de préparer un meilleur avenir pour nos enfants.
1 « The effects of nutrition labeling on consumer food choice: a psychological experiment and computational model »
Peter Helfer, Thomas R. Shultz
Annals of the New York Academy of Sciences, décembre 2014
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24913496
This post is also available in: EN (EN)DE (DE)