Historiquement la science est née pour s’affranchir de l’emprise de la pensée religieuse, et des croyances qui faisaient intervenir des forces surnaturelles pour expliquer les phénomènes observés. Cette démarche qui s’est progressivement imposée a conduit au XIXème siècle au scientisme et au rationalisme qui sont d’autres forme de croyance selon lesquelles la raison, et elle seule, a la capacité d’accéder à la vérité. En bref, dans le domaine qui nous concerne ici, la science écologique naissante avait pour mission de comprendre le fonctionnement des systèmes écologiques, sur des bases rationnelles en prenant ses distances avec la pensée créationniste. Elle s’est employée pour cela à rechercher des lois, à l’image de celles de Newton pour l’astronomie, expliquant le fonctionnement des écosystèmes.
Force est de constater néanmoins que le rationalisme ne fait pas l’unanimité. Les croyances les plus diverses continuent de circuler et à faire des adeptes. Certains professent ainsi, contre toute évidence, que la terre est plate. Mais d’autres vont exploiter des domaines que la science n’a pas pu défricher jusqu’ici, telles que l’origine de la vie. Si la théorie de l’évolution donne bien une explication mécaniste à la création des espèces elle n‘apporte pas pour autant une explication « rationnelle » à l’origine de la vie. Et ce secteur qui touche aux mythes des origines, reste investi par des courants de pensée qui continuent à se référer à des forces surnaturelles. Nous constatons ainsi que la croyance en la création du monde par Dieu, reste vivace. Elle a toujours de nombreux adeptes dans les milieux religieux, ainsi que dans le grand public comme en témoignent différents sondages réalisés aux Etats Unis. En France, un jeune sur quatre selon la Fondation Jean Jaures (1), conteste l’évolutionnisme.
Du Grand être de Robespierre à la Déclaration Universelle des Droits de la Terre-mère
Mais l’approche mystique de la nature peut prendre d’autres formes. Le culte de l’être suprême instauré par Robespierre, a laissé des traces. En remplaçant le Dieu chrétien par une entité abstraite, le « Grand être », auteur de l’Univers, il s’agissait dans l’esprit de ses promoteurs de propager une morale « naturelle » fondée sur la bonté de l’homme dans l’état de nature et d’inciter le peuple à s’y conformer. Robespierre espérait que des moments de grande émotion, tels que des cérémonies grandioses, permettraient de faire émerger un engouement pour les vertus civiques. Robespierre n’eut pas eu le temps de mener son projet à terme, mais l’idée n’est pas restée lettre morte. Ainsi, l’être suprême s’appelle actuellement Gaia, ou Mère Nature, ou Terre Mère. Il n’y a la rien de nouveau puisque la nature est considérée comme une mère nourricière, fertile et féconde dans beaucoup de cultures. En agriculture les moissons et les vendanges ont fait et font toujours l’objet de rites pour que l’homme puisse s’approprier la récolte : la violation de la nature exige en effet un rituel de réparation que nous avons connu sous la forme de procession et de bénédictions. Ce qui est nouveau, c’est la résurgence de ces croyances. La journée de la terre nourricière célébrée depuis 1970 aux Etats-Unis, a été décrétée « Journée internationale de la Terre nourricière » le 22 avril 2009 par les Nations unies qui reconnaissent ainsi l’importance de « vivre en harmonie avec la nature ». En 2010, s’est tenue à Cochabamba (en Bolivie) la Conférence Mondiale des peuples contre le changement climatique, initiée par Evo Morales. De cette Conférence naîtra la Déclaration Universelle des Droits de la Terre-Mère (2). Les mots sont révélateurs d’une nette résurgence de la pensée mystique.
La métaphysique en embuscade des discours écologistes
Il y a dans le discours écologique, une dimension théologique indéniable, qui a fait dire que l’écologie était une nouvelle religion (Durieux, 2019 (3)). Le discours « prêt à penser » tel qu’il est distillé actuellement par des mouvements militants et des ONG, avec la complicité de quelques scientifiques, s’appuie sur une représentation mystique de la nature de type « Paradis perdu ». On y fait souvent référence à « l’équilibre de la nature » ou à « l’harmonie de la nature », si ce n’est à la Mère nature ! Les discours médiatiques ne parlent que de dégradation de la nature par les humains. La science écologique elle-même ne s’est pas totalement affranchi des scories du créationnisme. Si les écologues évoquent fréquemment le « bon état » ou le « bon fonctionnement des écosystèmes », des expressions qui parlent à l’imagination, ils pensent implicitement que l’état idéal est celui d’une nature vierge de toute artificialisation, c’est-à-dire une nature qui serait belle si l’homme ne la détruisait pas. En réalité, c’est tout simplement la croyance, dans une démarche téléologique, qui présuppose l’existence d’un ordre de la nature, d’un état idéal, celui de la Création. La métaphysique est toujours en embuscade dans les discours écologistes.
Un monde de Bisounours
Sans rentrer ici dans des discussions byzantines, à la fiction d’une nature généreuse mise à mal par les humains qui est au cœur des discours des ONG, s’oppose la réalité d’un monde vécu, beaucoup moins bucolique, qui est celui dans lequel évoluent la grande majorité des humains. Car ce monde réel est en réalité très violent. Dans la nature chaque espèce ne vit qu’aux dépens de la mort d’autres espèces dont elle se nourrit. Le concept de chaine trophique traduit de manière pudique ce grand holocauste. Et chaque espèce, sapiens y compris, cherche en permanence à se protéger des prédateurs et des éléments naturels. Sans compter les menaces invisibles et combien dévastatrices des virus et des bactéries qui ont ponctué l’histoire de l’humanité. En bref si la nature de notre imaginaire est un monde de bisounours, celui dans lequel vivent une majorité d’êtres humains est un monde beaucoup plus contrasté dans lequel la nature est à la fois pourvoyeuse de ressources, et source inépuisable de nuisances (prédateurs, maladies et leurs vecteurs, aléas climatiques, ravageurs de cultures, etc..).
ONG : les multinationales porteuses d’une idéologie mystique
Mais cet autre visage de la nature, on fait en sorte de ne pas en parler. Summum de la manipulation médiatique, comme nous l’avons vu à propos de l’épisode Covid, on va même jusqu’à inverser le propos pour dire que les nuisances de la nature sont en réalité une vengeance de la nature en raison des dégradations que nous lui faisons subir. Le grand retour de la pensée magique. La nature serait-elle rancunière, elle qui n’est qu’amour ? On fait ainsi de la surenchère pour dresser l’acte d’accusation de l’espèce humaine en alimentant un discours anxiogène et à charge contre les humains avec des informations instrumentalisées. Car il faut bien reconnaitre que la raison d’être des ONG conservationnistes, qui sont des multinationales porteuses d’une idéologie mystique qui sacralise la nature, est de restaurer une nature sans hommes. Elles ne peuvent pas s’embarrasser de nuances qui viendraient brouiller leur discours alarmiste. Dire que la nature est source de nuisances ? quelle horreur… vous allez mettre en danger ce qu’ils appellent la « bonne cause » qui est de protéger la nature des humains. Et vous allez surtout mettre en danger les sources de financement de ces ONG… Plus grave encore, des scientifiques ont alimenté la doxa en développant la notion de services écosystémiques qui ne parlent que des nombreux avantages que la nature nous procure en occultant, contre toute logique, et contre toute objectivité, les nuisances dont la nature est prodigue et qui elles, mettent réellement en danger notre bien-être ?
Discours mystico-romantique
Dans le fatras des discours mystico romantiques essentiellement à charge contre les humains, alimentés par des informations instrumentalisées, que reste-t-il de la science écologique ? Celle-ci, qui s’affiche objective, puisque scientifique, s’est pourtant spécialisée elle aussi dans la seule dénonciation des impacts des humains sur la nature. La frontière entre science et militantisme est devenue totalement poreuse à tel point que l’IPBES (3) que l’on aime présenter comme le GIEC de la biodiversité et donc comme la référence scientifique en la matière, a passé des accords de coopération avec des grandes ONG environnementales. Il n’est donc pas surprenant que l’IPBES fasse expressément référence aux représentations mystiques de la nature de ces ONG dans son organigramme, comme on peut le constater sur la figure ci-jointe extraite d’un rapport publié en 2019. Les références clairement affichées dans cet organigramme à l’harmonie de la nature et à la Terre mère ne sont certainement pas celles que l’on attendrait de la part d’un organisme qui prétend informer objectivement les décideurs. On peut donc sérieusement s’interroger sur la qualité de l’informations qui est diffusée.
Le public est ainsi trompé et manipulé en croyant faire confiance à la science alors qu’en réalité il fait confiance au faux nez scientifique d’une pseudo-science !
(1) https://www.jean-jaures.org/publication/la-mesinformation-scientifique-des-jeunes-a-lheure-des-reseaux-sociaux/
(2) http://rio20.net/fr/propuestas/declaration-universelle-des-droits-de-la-terre-mere/
(3) Durieux B., 2019. Contre l’écologisme. Pour une croissance au service de l’environnement. Editions de Fallois, Paris.
(4) IPBES . 2019: Summary for policymakers of the global assessment report on biodiversity and ecosystem services of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services. IPBES secretariat, Bonn, Germany. 56 pages. https://ipbes.net/sites/default/files/2020-02/ipbes_global_assessment_report_summary_for_policymakers_fr.pdf
Lévêque C., 2023. Le double visage de la biodiversité. La Nature n’est pas le jardin d’Eden. L’Artilleur ed.