Alors que la polémique est retombée, quels sont les arguments scientifiques pour ne pas supprimer la viande dans les cantines.
L’intérêt nutritionnel de la viande pour les enfants
L’importance des viandes pour les enfants ne repose pas exclusivement sur l’apport de protéines de qualité, contrairement à ce qui ressort souvent du débat public. En effet, l’intérêt des viandes pour les enfants, comme d’ailleurs pour les adultes, est aussi et d’abord lié spécifiquement à 3 nutriments principaux et vitaux : la vitamine B12, le fer sous sa forme absorbable, et le zinc. C’est surtout la viande rouge qui permet d’apporter la vitamine B12 et le fer absorbable, tandis que toutes les viandes sont sources de zinc et de protéines de qualité.
La vitamine B12 n’est en effet pas synthétisée par les végétaux, elle est synthétisée par les levures et micro-organismes du rumen des ruminants. Certes, il n’y a pas besoin de beaucoup de B12, (3 à 6 µg/jour chez l’adulte). Il n’est donc pas nécessaire de manger de la viande rouge tous les jours. En revanche, être carencé en vitamine B12 peut conduire à une situation gravissime chez l’adulte et ne permet pas la croissance des enfants. Se priver des viandes volontairement quand on est adulte, c’est prendre un risque majeur. La preuve est que les adultes qui choisissent ce mode d’alimentation prennent des compléments alimentaires pharmaceutiques pour compenser. Alors priver de viandes les enfants en croissance n’est pas éthiquement acceptable. Enfin, réduire la question de la viande aux seules protéines est donc une erreur nutritionnelle.
Les œufs et le poisson ne remplacent pas la viande
En enlevant les viandes (et surtout les viandes rouges), le risque est de manquer de ces fameux 3 nutriments évoqués précédemment. En effet, Les besoins en vitamine B12, en fer et en zinc ne seront pas couverts, puisque ni les œufs ni les poissons ne compenseront. À cela s’ajoute un autre risque : celui de la teneur en protéines. Comprenons-nous bien : oui, la composition en acides aminés est tout aussi correcte dans le poisson et les œufs que dans la viande. Mais ce qui compte aussi et surtout en croissance, c’est la quantité de protéines ingérée. Or, pour obtenir la même teneur en protéine que dans 100 g de blanc de poulet, il faut 4 œufs. Pour le poisson, c’est le même raisonnement puisqu’il en faut 120 à 130 g pour l’équivalence de 100 g de blanc de poulet. La notion de teneur équivalente est primordiale, ou alors il faut augmenter énormément les portions. Mais quel enfant ou ado va manger 4 œufs à la cantine (de plus, 4 œufs par jour apporteraient une quantité trop élevée de cholestérol). Cette notion de teneur est au cœur de la nutrition (et pas seulement pour les protéines), mais n’est pas assez connue ni prise en considération dans les débats actuels. La présence de protéines dans tel ou tel aliment ne signifie pas qu’il en contient en quantité suffisante pour couvrir les énormes besoins de la croissance. Enfin, s’ajoutent aussi les allergies, plus fréquentes au poisson et à l’œuf qu’à la viande.
La croissance requiert des besoins spécifiques et très élevés
Priver un enfant ou un jeune de viande pendant la croissance, et même en présence d’œuf et de poisson, c’est donc créer une situation de sous-nutrition. C’est une situation de sous-nutrition qualitative et quantitative en vitamine B12, fer et zinc, et de sous-nutrition quantitative pour les protéines. Si ça ne dure que quelques jours, ce n’est pas un drame. En revanche si la situation perdure, alors c’est une prise de risque très importante, qui n’est pas éthiquement acceptable. C’est d’autant plus crucial que nous nous adressons à des êtres en croissance. Il faut concevoir la croissance comme un flux tendu. Le besoin protéique chez l’enfant n’est pas du tout le même que chez l’adulte. Lorsqu’il est exprimé par kilogramme de poids corporel, le besoin de l’enfant est énorme par rapport à l’adulte (au moins 3 fois plus élevé pour les 10-12 ans et encore plus pour les plus jeunes). De même, le pourcentage des acides aminés indispensables dans l’apport protéique est important et doit être respecté : chez le nourrisson il est de 43%, chez les 10/12 ans il est de 36%, tandis que chez les adultes, il n’est que de 19 %. D’où l’intérêt de ne pas évincer les viandes, aliments les plus riches et les plus concentrés en acides aminés essentiels dans les menus des enfants.
Par ailleurs, les besoins des enfants sont plus importants s’ils pratiquent une activité sportive, car les protéines participent aussi à la couverture énergétique dans ce cas, avec un flux encore plus tendu pour assurer les structures protéiques. La viande, puisqu’elle est hyper concentrée en protéines, garantit que les apports de chacun soient couverts. En ne mettant pas de viande au menu, nous exposerions certains enfants à un déficit délétère, en fonction de leur taille, de leur âge, de leur musculature, de leur activité physique ou encore de leur fragilité infectieuse et de l’éventuelle pauvreté protéique des repas « hors cantine ». Pour certains enfants qui peuvent déjà être en situation délicate, la diminution de 10 à 20 % de l’apport de certains acides aminés peut devenir très problématique.
La santé de l’omnivore est dans la variété des aliments
Enfin, pour élargir la réflexion, la recherche en nutrition découvre en continu de nouvelles interactions entre nutriments, positives pour la santé et le vieillissement. Aussi, par principe de précaution, pour assurer la croissance optimale et plus tard pour vieillir mieux, on devrait plutôt introduire de la variété et donc de nouveaux aliments végétaux et animaux, plutôt que d’en éliminer. Ce n’est qu’en mangeant de tout, et en quantité adaptée et modérée, que nous sommes sûr de ne manquer de rien.
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