Ce texte est la deuxième partie d’une tribune de Christian Lévêque. Accédez maintenant à la première partie.
Le faux consensus des conférences onusiennes et le rôle des ONG environnementales
L’ONU organise de temps à autre des « grand-messes » sur les grandes questions environnementales telles que le climat et la biodiversité. Selon la méthode onusienne, des scientifiques de tous pays sont invités à discuter dans des groupes de travail et de rédaction. Ils sont en principe compétents sur le sujet traité mais avec des niveaux variables de compétence…. Pour être politiquement correct, il faut en effet assurer une représentation de tous les pays du monde…. Mais les grandes ONG internationales y ont aussi leur place ainsi que les « politiques » … Et leur influence est loin d’être négligeable.
Il y a par exemple des liaisons formelles entre l’IPBES et l’IUCN (1). Sans entrer dans une polémique stérile, car les ONG ont leur rôle dans le débat public, il n’en reste pas moins que l’IUCN qui défend des valeurs en matière d’environnement n’est pas un organisme de recherche, et ne peut se targuer d’avoir une position neutre dans le domaine. J’en veux pour preuve la position de l’IUCN et d’autres grandes ONG vis-à-vis des zones humides, une question pour laquelle j’ai une certaine expérience. Lors des groupes de travail internationaux sous l’égide de l’ONU auxquels j’ai participé, à la fois dans le « Biodiversity Assessment » (1995) ou dans le « Millenium Ecosystem Assessment » (2001-2005) (2), il était clair que les faits susceptibles d’apporter un bémol à la protection des ZH étaient écartés. On pratique ainsi, et de manière délibérée, l’omerta sur une triste réalité : les ZH en milieu tropical sont une source majeure de maladies parasitaires. On évite aussi de parler des émissions de méthane dues aux ZH qui sont loin d’être négligeables. En conséquence, les recommandations en matière de conservation des ZH issues de ces groupes de travail sont biaisées par des considérations « stratégiques » car elles ignorent délibérément une partie des enjeux. J’ai parlé à ce propos de « tri sélectif », c’est-à-dire que l’on ne retient des connaissances disponibles que ce qui va dans le sens de l’idéologie défendue par l’ONG. Ce qui fait écho au « biais de confirmation » dont parle G. Bronner (3) : on va sur le web pas tellement pour s’informer mais pour trouver des arguments qui confortent ses convictions. Quoiqu’il en soit, les conférences onusiennes sont « noyautées » par les grandes ONG et leurs conclusions ne sont pas entièrement objectives. Si consensus il y a, il est politique, pas scientifique ! Pas de faux procès… Je ne veux en aucun cas dire qu’il ne faut pas protéger les zones humides, je dis simplement que la transparence est loin d’être de mise et que l’on manipule donc l’opinion par omission. Une réponse pourrait être, en milieu tropical, d’associer un programme de santé publique à leur protection… Mais évidemment cela couterait plus cher, et on n’en parle guère !
Le consensus imposé par la vindicte
De tout temps les débats scientifiques ont pris un aspect passionnel. Pensons à ceux qui ont suivi les écrits de Darwin et sa théorie de l’évolution. Nous n’échappons pas à la règle dans les domaines du climat, de la biodiversité, des biotechnologies…..avec souvent des échanges de noms d’oiseaux, si ce n’est plus !
Ainsi quand vous vous hasardez à poser des questions sur l’efficacité réelle de l’homéopathie vous avez toutes les chances d’être accusé d’être à la solde du lobby pharmaceutique. Et si vous soutenez que les OGM sont une piste de recherche intéressante, vous êtes aussitôt assimilé à des partisans de Monsanto. De même, rappeler le consensus académique sur les risques associés aux pesticides de synthèse – dans les conditions normales d’utilisation s’entend…- vous vaut d’être taxé de suppôts de l’agrochimie. Mettre en question les énergies renouvelables peut même faire de vous un valet de l’industrie nucléaire. Si vous critiquez les travaux de M. Seralini qui par ailleurs ont été réfutés par la communauté internationale, il vous fait un procès ! Bel exemple de débat scientifique ? Et, bien entendu, la moindre allusion au fait que peut-être… on n’a pas en main tous les paramètres pour modéliser l’évolution du climat, vous condamne à la lapidation médiatique !
Il est devenu fréquent d’accuser des scientifiques d’avoir des relations avec l’industrie, alors que, par ailleurs, ils sont fortement incités à le faire par leurs organismes de tutelle et dans divers appels d’offre nationaux ou européens. On confond ainsi sans discernement recherche de financement et corruption ! L’argument « conflit d’intérêt » est utilisé sans discernement. En revanche, on ne met jamais en cause les conflits d’intérêt idéologiques qui existent pour des scientifiques participant à des mouvements militants… ! Dire par exemple que l’écologie est une science engagée (4), affiche clairement un parti pris qui instrumentalise la science et la met au service des idéologies (5). Difficile ensuite de penser que l’écologie puisse apporter un regard dépassionnalisé sur les questions d’environnement !
Donc par la vindicte on crée un climat de suspicion et de lynchage idéologique qui conduit à un manque de transparence et à la rétention d’informations. Le résultat est de tarir le débat et d’imposer une pensée unique. Ici encore nous sommes loin de la déontologie scientifique, et pourtant c’est la situation que l’on observe sur la plupart des thèmes liés à l’environnement. Ce qui est encore plus accablant c’est que certains chercheurs en mal de reconnaissance contribuent à ce lynchage médiatique !
Les jeux de rôle « politiques »
Il est pour le moins curieux que les groupes sociaux qui ostracisent les scientifiques qui s’interrogent sur les causes du changement climatique, ou sur la réalité de la sixième extinction en matière de biodiversité, soient souvent les mêmes qui s’opposent aux OGM sous le prétexte qu’ils seraient dangereux pour la santé alors que pour la majorité des scientifiques cette technique est sans danger. La réalité est qu’ils ne font pas confiance en la science lorsqu’elle ne correspond pas à leurs convictions écologiques (OGM), mais l’instrumentalise quand elle va dans le sens des idées qu’ils défendent (climat).
Il est également curieux que ceux qui font campagne contre le glyphosate dont les effets sur la santé sont loin d’être catastrophiques, quand on respecte les conditions d’utilisation, ne semblent pas se mobiliser avec autant d’ardeur contre le tabac, l’alcool, les stupéfiants qui font des dizaines de milliers de mort chaque année en France (les faits sont prouvés et il y a consensus scientifique sur cette question). Mais boire de l’alcool, c’est festif et c’est bon pour l’économie… ? De même qu’il est prouvé que la voiture tue, blesse, pollue… mais on s’insurge contre le prix de l’essence, pas contre la voiture !
La recherche à tout prix d’énergies alternatives s’accompagne de beaucoup de démarches tout aussi opaques que le nucléaire. Rappelons l’engouement pour les biocarburants à la fin du XXe siècle qui a sérieusement ralenti quand on a fait le calcul des surfaces qui devraient être cultivées pour ne satisfaire qu’une faible partie de nos besoins (5). Et que dire des énormes masses de béton nécessaires à l’implantation des éoliennes mais dont on ne chiffre pas les coûts écologiques ou de démantèlement ? Le silence des écologistes est éloquent !
Dans les faits, à toutes les époques, des groupes sociaux porteurs d’une croyance essaient d’imposer leur idéologie contre toutes les évidences scientifiques. Ne revenons pas sur les guerres de religions qui sont toujours d’actualité… Mais que penser du fait que près de 40 % des américains et 75 % des citoyens de l’Arabie Saoudite adhèrent aux théories créationnistes ? Que penser également de cette information selon laquelle 16% des Américains pensent aujourd’hui que la planète Terre est plate, ainsi que 9% des Français ? On les appelle des « Terreplatistes »…(6) Peut-on réellement penser que l’on peut convaincre ces « croyants » que la science ne valide pas les fables de la Bible ? Bien évidemment non et nous sommes confrontés à une véritable situation d’affrontement ce qui fait de la recherche de consensus une douce utopie ! Pourtant c’est en permanence ce qui nous est suggéré ! Il n’y a aucun compromis possible car nous ne parlons pas dans le même registre.
Conclusions
La science qui s’est substituée à la pensée magique pour tenter d’expliquer le fonctionnement du monde est une recherche permanente des causes et des conséquences des processus naturels ou sociaux que nous observons. Elle progresse par étapes en fonction de l’accumulation des connaissances et des progrès techniques, mais aussi par l’intégration de plus en plus nécessaire de nombreux paramètres qui interagissent en synergie. L’image d’Epinal du chercheur solitaire et génial est largement dépassée en raison de la nécessité de faire coopérer de nombreuses disciplines. Il n’est pas surprenant dans ce processus itératif, que les vérités d’hier évoluent elles aussi. C’est pourquoi la science ne peut que dire : « dans l’état actuel des connaissances » nous pouvons affirmer que… ». C’est pourquoi également il est normal, et sain, que des opinions divergentes puissent s’exprimer !
La prudence ne semble pas souvent respectée car les médias, l’opinion publique et les gestionnaires exigent des « certitudes » et beaucoup de propos d’étapes sont alors caricaturés et instrumentalisés pour répondre à ces attentes. Ainsi, beaucoup de travaux sur les raisons du déclin de la biodiversité font état de la conjonction de plusieurs facteurs dont les modifications de l’habitat et des paysages, le climat, l’urbanisation, les pollutions de toutes natures, les parasites, etc., dont il est difficile (et peu rationnel) de déterminer le rôle respectif de manière globale. Pourtant certains groupes de pression résument cette diversité des causes au seul impact des pesticides, qui sont devenus leur obsession. Avec des conséquences économiques et sociales qu’ils se gardent d’évaluer.
Une autre conséquence des incertitudes inhérentes à la démarche scientifique est que la prévision devient un exercice difficile. Dans le cas des OGM par exemple prouver qu’il existe un risque est aussi difficile que de prouver qu’il n’y en a pas ! Dans les débats, les « anti » profitent de cette incertitude pour retourner le propos : « si vous ne pouvez pas me prouver que ce n’est pas dangereux, c’est donc qu’il y a un doute »…DONC vous nous faites prendre un risque… Un raisonnement circulaire qui ne fait en rien avancer le débat. Mais on peut faire le constat que des OGM sont consommés depuis deux décennies par des hommes et des animaux sans que l’on ait mis en évidence pour autant des conséquences en matière de santé. A contrario, on n’a pas fait beaucoup de publicité sur le fait que l’agriculture bio était responsable de la mort de plus de cinquante personnes en Allemagne et que des centaines avaient été hospitalisées (7)…. C’est l’autre volet de la manipulation, le tri sélectif de l’information par des groupes de pression soucieux avant tout d’imposer leur idéologie.
Dans d’autres domaines comme le climat et la biodiversité, la prévision à moyen et long terme est un exercice pour le moins délicat. Le modèle s’est substitué aux astrologues (8). Si le modèle est un instrument utile sans aucun doute pour formaliser les connaissances, et contribuer à la réflexion, l’ériger en instrument prospectif est une faute car le futur est sous la contrainte d’événements aléatoires que le modèle ne peut intégrer. Pour le moins faudrait-il prendre beaucoup de précautions quand on les utilise (dans l’état actuel des connaissances…), ce qui est loin d’être le cas le plus souvent. Je dois néanmoins saluer le fait que le GIEC (9) utilise une démarche probabiliste pour traiter de ces questions d’incertitude en faisant des recommandations partant des notions d’évidence et de concordance pour qualifier les niveaux d’incertitude des tendances annoncées. Le degré d’évidence est qualifié de limité, moyen ou robuste selon le niveau de preuve apporté par la théorie, les observations ou les modèles relatifs à cette information. Celui de concordance est qualifié de faible, moyen ou large selon le niveau d’accord entre les experts sur les documents dont ils disposent.
Pour conclure, il nous faut sortir du ghetto des idées reçues selon lesquelles il existerait une seule et unique vérité que chaque groupe social (qui porte la sienne) essaie d’imposer. La « science a dit » est une affirmation de nature politique destinée à masquer des partis pris. Il s’agit alors de revenir à l’idée de prises de décisions en univers incertain qui avait contribué à l’élaboration du principe de précaution, pas celui que l’on applique maintenant pour empêcher toute action, mais celui qui disait que lorsque nous avons des interrogations sur les conséquences d’une innovation il faut prendre les mesures nécessaires pour suivre sa mise en œuvre et vérifier ainsi qu’il n’y a pas de conséquences indésirables (10). Une question de bon sens qui aurait dû faire consensus, si ce n’est que les faucheurs d’OGM s’ingénient à détruire les preuves éventuelles que l’on pourrait obtenir par des essais aux champs.
(1) https://www.iucn.org/sites/dev/files/ipbes-iucn_memorandum_of_understanding_2016.04.06.pdf
(2) Évaluation des écosystèmes pour le millénaire: écosystèmes et bien-être humain: zones humides et synthèse de l’eau. https://www.semanticscholar.org/paper/Millennium-Ecosystem-Assessment%3A-Ecosystems-and-and-Finlayson-Cruz/32b41b787905ebf0f65c2b4248e9d8f63f4ccded
(3) Bronner G., 2013. La démocratie des crédules. Paris, PUF.
(4) Savants ou militants ? Le dilemme des chercheurs face à la crise écologique par Audrey Garric https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/03/09/savants-ou-militants-le-dilemme-des-chercheurs-face-a-la-crise-ecologique_6032394_1650684.html
(5) Guindé L., Jacquet F. & Millet G., 2008. Impacts du développement des biocarburants sur la production française de grandes cultures. Revue d’Etudes en Agriculture et Environnement – Review of agricultural and environmental studies, INRA Editions, 89 :55-81. ffhal-01201189f
(6) https://www.rtl.fr/actu/international/bresil-organisation-d-une-convention-pour-ceux-qui-croient-que-la-terre-est-plate-7799410665
(7) Poudelet E., 2012. La toxi-infection alimentaire de 2011 due à E. coli O104:H4 en Allemagne et en France : bilan et leçons à en tirer. http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/48818/AVF_2012_4_347.pdf?sequence=1
(8) Lévêque C., 2013. L’écologie est-elle encore scientifique ? Ed. QUAE
(9) GIEC, 2012. Managing the Risks of Extreme Events and Disasters to Advance Climate Change Adaptation. A Special Report of Working Groups I and II of the Intergovernmental Panel on Climate Cambridge University Press, Cambridge, UK, and New York, NY, USA, 582 pp. ·
(10) Godard O., 1997. Le Principe de précaution dans la conduite des affaires humaines. Editions de la Maison des sciences de l’homme et de l’Institut national de la recherche agronomique, Paris, 351 p.
Lire la première partie
Article remarquable (ainsi que son premier chapitre), merci.
Pourtant non, le GIEC ne prend pas une voie probabiliste pour évaluer des conjectures climatiques. Il ne fait que ce la statistique interdit, à savoir moyenner les résultats de différents modèles comme si chaque « expérience » s’inscrivait dans un continuum de probabilités dont la distribution serait connue. Or les modèles ne sont pas des thermomètres, surtout s’ils n’ont pas pu être calibrés. Entre un modèle systématiquement faux et un autre faux mais dans un autre sens la valeur moyenne entre les deux n’évalue aucune moyenne vraie (« true mean »).
Le GIEC opère par vote consensuel selon l’opinion de ses experts qu’un résultat soit plus ou moins « likely » ; ce vote est influencé par le mandat à charge contre l’action anthropique qui leur a été confié par les Nations Unies.
Oui, la société, dont l’opinion est exprimée par des tordeurs de pensée, aspire au risque zéro, surtout s’il est pris collectivement. Le politique qui exprimerait la nécessité de vivre en accueillant le risque, même mortel, n’a donc aucun avenir, même si c’est notre tragique condition humaine. C’est pourquoi le principe de précaution a promptement été dévoyé.
De fait, les ardents militants pour une cause n’ont pas intérêt qu’un consensus se dégage d’une quelconque controverse scientifique. Laisser croire que ce soit possible (et mentir à son sujet) leur permet de mettre en doute tout ce qui ne leur convient pas, jusqu’à ce que l’opinion ait adopté leur folie. Le lobby des ONG écologistes est passé maître en la matière.
La science n’a pas besoin d’interprète de cet acabit. C’est pourquoi il faut bannir l’illusion qu’un consensus scientifique serait possible, il n’est même pas souhaitable.
Depuis quelque temps, des intellectuels remettent en cause l’idée que le « consensus », sur un sujet scientifique donné, émanant des experts de ce domaine, n’est pas la bonne façon d’apprécier, à un moment donné, l’état des connaissances. Très souvent, ces intellectuels ne sont pas acteurs dans le monde de la recherche qui se construit, ce qui n’est pas le cas de Christian Levêque, ce que je tiens à préciser. Néanmoins, il y a d’une part, une mauvaise interprétation de ce peut représenter ce terme de « consensus » et, d’autre part, l’oubli que la méthode scientifique requiert d’autres critères qui pondèrent tout consensus, critères que j’espère pouvoir rappeler dans un prochain article…
Sur un sujet donné, le consensus peut très bien être qu’il n’y a pas encore d’explication, ou encore qu’il y a plusieurs possibilités ou théories concurrentes. Ou encore, s’il y a une bonne explication, que celle-ci est obligatoirement assortie d’un domaine de validité ou d’une incertitude (Barre d’erreur quand il s’agit d’une mesure) assimilable à une certaine probabilité. La science est, par définition, amorale (elle ne dit pas ce qui est bien et ce qui et mal), apolitique, etc. Cela signifie que lorsque des considérations morales, politiques, religieuses, économiques ou autres se mêlent au débat scientifique, la définition du consensus éclate.
Restons dans le cas « idéal » où seule la science intervient : ceux qui rejettent le consensus proposent quoi en échange ? La conclusion d’une « autorité suprême », du type « académie des sciences ». C’est typiquement ce qu’il ne faut pas faire, car leurs membres ne sont pas experts dans tous les domaines, et les risques de délivrer des conclusions erronées augmentent, y compris la difficulté, pour eux, d’apprécier justement les biais et les bonnes marges d’incertitudes que seuls les experts peuvent estimer de façon réaliste. Le consensus sur un sujet peut très bien, à terme, se révéler faux, néanmoins il aura été utile et permettra, par sa remise en cause, d’accéder à une nouvelle vision du sujet.
Heisenberg est évoqué. Les « inégalités d’Heisenberg », improprement appelées « relations d’incertitude », ne sont pertinentes que dans le monde de l’infiniment petit. Les évoquer dans tout autre domaine n’a pas de sens, et cependant cette analogie de s’y rapporter est fréquente dans tous les domaines, macroscopiques en science, et même ailleurs, dans la vie courante. Même Heisenberg, physicien remarquable, s’y est risqué, à tort.
Enfin, il est question des systèmes complexes, difficiles à analyser. C’est un fait, mais en aucun cas, contrairement à ce que prétendent certains philosophes postmodernes, ni le principe de causalité ni l’approche rationnelle ne doivent être abandonnés. Lorsque des prévisions sont incertaines, il y a deux possibilités : les donner, accompagnées de bonnes estimations des marges d’erreur, ou renoncer carrément à les donner si on estime que c’est plus raisonnable. Il est bien évident que le monde du vivant présente d’énormes difficultés en raison, effectivement, de la multitude de paramètres qui peuvent intervenir. Dans tous les cas, des « sciences dures » aux « sciences sociales », en passant par « celles du vivant », ne propageons le message qu’il y aurait mieux que le « consensus », lorsque celui-ci est bien modulé par les autres critères de la méthode scientifique.
Tout d’abord je suis entièrement d’accord avec votre second paragraphe et en premier lieu
« le consensus peut très bien être qu’il n’y a pas encore d’explication, ou encore qu’il y a plusieurs possibilités ou théories concurrentes »… J’aimerais comme vous que ce soit le cas…Mais ce n’est pas ce que j’ai vécu… La pensée unique pour s’imposer écarte en les discréditant les autres démarches pour avoir le champ libre…. et ce que j’ai voulu dénoncer c’est la récupération par des groupes sociaux d’informations scientifiques parfois discutables pour en faire des « vérités ». Car en réalité dans le domaine qui est le mien, il n’y a pas (peu ?) de cas « idéal » où l’on pourrait sereinement confronter des théories ? La science est en permanence confrontée aux tentatives de récupération des observations pas des groupes sociaux ayant des objectifs idéologiques ou politiques. Les médias travestissent trop souvent les conclusions prudentes des chercheurs….
Je reçois les remarques sur Heisenberg. Je suis surtout marqué par d’autres théories : celle du chaos et de la sensibilité des systèmes aux conditions initiales, et le discours de Stephen Gould sur l’évolution qui nous dit que si l’on devait refaire le film de la vie, il aurait été fort différent. Ce qui laisse penser que les théories déterministes en écologie par exemple ne reflètent pas la réalité… mais on a du mal à accepter et formaliser une vision dynamique qui fasse intervenir hasard et conjoncture. Pour l’instant il y a peu de recherches dans ce sens car ça remettrait en cause beaucoup de politiques environnementales. Et notamment, j’y reviens, la pensée unique. Cette thématique ainsi que le champ ouvert par les découvertes sur la communication entre les organismes vivants, sont des domaines nouveaux et passionnants, mais on continue à discutailler sur l’érosion de la biodiversité sous la pression des mouvements militants… Difficile de prendre ses distances.
Je préfère souvent utiliser le terme « paradigme partagé » que celui de
consensus, car ce dernier a une connotation plus politique, et c’est ce que j’essayais de dénoncer ici car il est utilisé comme argument d’autorité. Et le paradigme me semble-t-il se rapproche de l’idée de « l’état de la science à un moment donné », qui laisse entrevoir une perspective d’évolution… Le cas idéal serait en effet que l’on puisse échanger sereinement des informations pour faire avancer la réflexion. Mais le recours péremptoire aux « modèles » rend souvent ce débat plus difficile
J’attends avec beaucoup d’intérêt votre prochaine article pour poursuivre la réflexion.
>> Le GIEC opère par vote consensuel selon l’opinion de ses experts qu’un résultat soit plus ou moins « likely » ; ce vote est influencé par le mandat à charge contre l’action anthropique qui leur a été confié par les Nations Unies.
Il n’y aucun vote pour décider d’un consensus au sein du GIEC et le mandat des Nations Unies stipule: « Le GIEC a pour mission d’évaluer, sans parti pris et de façon méthodique, claire et objective, les informations d’ordre scientifique, technique et socio-économique qui nous sont nécessaires pour mieux comprendre les risques liés au réchauffement climatique d’origine humaine, cerner plus précisément les conséquences possibles de ce changement et envisager d’éventuelles stratégies d’adaptation et d’atténuation. Il n’a pas pour mandat d’entreprendre des travaux de recherche ni de suivre l’évolution des variables climatologiques ou d’autres paramètres pertinents». Vous faites un procès d’intention et de la diffamation.
Le GIEC est composé de trois groupes qui établissent des rapports indépendants suivis d’une synthèse. L’objet du premier groupe est de rédiger un rapport sur les sciences du climat. Le groupe 2 se focalise sur les impacts du changement climatique, alors que le groupe 3 le fait sur les stratégies d’adaptation et d’atténuation.
Les travaux du groupe 1 sont les plus médiatisés et aussi ceux qui sont le centre des attaques. Rétablissons quelques vérités. Le groupe 1 est rédigé par environ 250 scientifiques dont les employeurs acceptent qu’ils consacrent une partie de leur temps à cette tâche. Ils sont sélectionnés par le bureau du GIEC sur la base de critères scientifiques à partir d’une liste proposée par les États. Ils ne reçoivent aucune rémunération supplémentaire pour ce travail.
Le GIEC ne fait pas de recherche. Il évalue la connaissance scientifique sur la base des articles publiés et établit un rapport qui synthétise cette connaissance et les incertitudes. Il n’y a pas de « modèle du GIEC » ou de « chercheurs du GIEC ». Cependant, la communauté scientifique des climatologues se positionne par rapport aux rapports du GIEC et leurs échéances. Ainsi, une inter-comparaison des différents modèles de climat existant dans le monde est organisée et ses résultats sont utilisés pour les rapports du GIEC. De plus, à chaque nouveau rapport un tiers des chercheurs écrivant celui-ci doivent laisser la place à une nouvelle volée afin de favoriser un tournus.
Je rappelle aussi que de nombreuses institutions respectables, comme la NASA et les associations américaines de physique, chimie ou géologie, soutiennent le consensus et la qualité des rapports du GIEC:
https://climate.nasa.gov/scientific-consensus/
>> Pourtant non, le GIEC ne prend pas une voie probabiliste pour évaluer des conjectures climatiques. Il ne fait que ce la statistique interdit, à savoir moyenner les résultats de différents modèles comme si chaque « expérience » s’inscrivait dans un continuum de probabilités dont la distribution serait connue. Or les modèles ne sont pas des thermomètres, surtout s’ils n’ont pas pu être calibrés. Entre un modèle systématiquement faux et un autre faux mais dans un autre sens la valeur moyenne entre les deux n’évalue aucune moyenne vraie (« true mean »).
Je vous trouve mal placé pour lancer cette accusation quand vous-même vous essayez de réfuter le rôle dominant du CO2 dans le réchauffement climatique actuel à l’aide de corrélation.
Cf : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01146608v3
En dehors des modèles numériques, il existe des observations concrètes qui pointent en direction des gaz à effet de serre.
On observe une augmentation du rayonnement lié à l’effet de serre (le forçage radiatif) :
– https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1029/2003GL018765
– https://www.researchgate.net/publication/12065270_Increases_in_greenhouse_forcing_inferred_from_the_outgoing_longwave_radiation_spectra_of_the_Earth_in_1970_and_1997
On observe aussi des fluctuations de ce rayonnement en relation avec les fluctuations saisonnières et l’augmentation annuelle du CO2, quantitativement c’est même exactement ce qui était prédit par la physique :
– https://phys.org/news/2015-02-carbon-dioxide-greenhouse-effect.html
– https://www.nature.com/articles/nature14240
Encore une fois ces observations correspondent à notre compréhension de la physique de l’atmosphère, la même physique qu’on applique pour étudier les autres planètes :
– https://geosci.uchicago.edu/~rtp1/papers/PhysTodayRT2011.pdf
– https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/2016GL068837
La manière dont les températures varient au sein des différentes couches de l’atmosphère indiquent aussi que les gaz à effet de serre ont le premier rôle:
– http://www.ufa.cas.cz/html/climaero/topics/global_change_science.pdf
Et pour finir, d’autres analyses statistiques plus poussées que la vôtre indique aussi le rôle du CO2 dans l’augmentation des températures:
– https://www.nature.com/articles/srep21691
A côté de ça, le rayonnement solaire et le rayonnement cosmique ne suivent pas la tendance qu’il faudrait pour expliquer le réchauffement:
– https://www.carbonbrief.org/why-the-sun-is-not-responsible-for-recent-climate-change
Il m’est bien difficile de répondre à un message qui est incompréhensible car apparemment tronqué ou mal retraduit sur le site….
Le message était adressé à M. Rougemont, il semblerait effectivement qu’il y a un problème de mise en page. Vous pouvez copier-coller l’ensemble du message dans un fichier texte, c’est plus agréable pour le lire.