
Nos ancêtres, nous dit-on, craignaient que le ciel leur tombe sur la tête. Ce cliché quelque peu condescendant rappelle l’intimité de leur lien avec le cosmos et leur appréhension intuitive du caractère dérisoire de leurs existences, exposées à la démesure de cataclysmes susceptibles d’anéantir l’ensemble de ce qu’était alors le monde connu, et dont la foudre céleste symbolise la force.
Depuis, alors que certains ne voient dans le progrès que destruction du vivant, là où il permet de nourrir l’humanité et de repousser toujours plus loin son espérance de vie, la démesure des ambitions du fondateur de Space X pourrait avoir marqué le jour du 24 novembre 2021, comme celui où sa fusée Falcon 9 aura préfiguré la délivrance de notre planète d’une malédiction originelle en propulsant la mission Dart.
La malédiction des astéroïdes
La collision d’un astéroïde d’un diamètre de 10 km avec la terre entraînerait des extinctions massives dont l’espèce humaine ne se relèverait probablement pas en raison de l’«hiver d’impact » [1] alors provoqué par les projections. Fort heureusement, la fréquence moyenne d’un tel événement n’est que d’une fois tous les 100 millions d’années. Mais cette probabilité est d’autant plus grande que l’objet impacteur est petit. On considère que chaque année environ 6100 météorites son assez grosses [2] pour atteindre notre sol.
Le média Futura donne un tableau exhaustif des probabilités et conséquences [3] de ces objets selon leur taille. Un astéroïde de taille kilométrique dégagerait déjà une énergie supérieure à la totalité de l’arsenal nucléaire mondial et suffirait ainsi à reléguer dans l’histoire ancienne nos préoccupations d’expansion démographique et de réchauffement de la planète. Selon Notre-planète.infos [4] , cette taille d’1 km serait même suffisante pour mettre fin à l’humanité.
Dans la catégorie immédiatement inférieure, entre 100 m et 1 km, Apophis est l’un de ces géocroiseurs, c’est-à-dire que son orbite autour du soleil l’amène dans une région où peut se trouver la terre. Après sa découverte en 2004 et l’estimation de sa taille à 335 mètres, les calculs avaient suggéré une possibilité d’impact avec la terre en 2029. Cette éventualité a ensuite été écartée par la NASA qui diffuse en temps réel l’impressionnant suivi de l’image interactive [5] de son orbite qui précise que le 13 avril 2029 Apophis passera à 37.399 km de la terre, soit juste au dessus de nos satellites géostationnaires. Cette distance sera la plus proche de nous jamais enregistrée pour un objet de cette taille. C’est grâce à son passage plus proche de la terre de mars 2021, c’est-à-dire à 17 millions de kilomètres, que de nouvelles observations avaient permis de calculer précisément sa position à 150 mètres près, et conclure que l’impact en 2068, qui n’était jusqu’alors pas exclus, n’était plus lui-même envisageable et que le risque d’une collision était écarté pour les 100 prochaines années.
2024 YR4
Mais depuis le 27 décembre 2024 [6], la NASA se penche sur le géocroiseur « 2024 YR4 » [7] qui mesure entre 40 et 90 mètres de diamètre, en raison d’un possible impact avec la Terre le 22 décembre 2032, avec une probabilité dépassant 1%. Quoiqu’infime, le caractère significatif de cette probabilité est suffisant pour avoir dépassé le seuil impliquant la « notification officielle du risque aux autres agences gouvernementales américaines impliquées dans la défense planétaire ainsi qu’au Groupe consultatif de planification des missions spatiales et au Bureau des affaires spatiales des Nations Unies, conformément à la charte de notification du Réseau international d’alerte aux astéroïdes. »
Le 7 février, la NASA publiait une réévaluation du risque à 2,3% [8] , et le 13 février, l’Agence spatiale européenne (ESA) le recalculait à 1/49 [9], soit un peu plus de 2%. En tout état de cause, la taille de 2024 YR4 et sa probabilité supérieure à 1% l’avaient déjà classé au niveau 3 sur l’échelle de Turin [10] qui en comporte 10 et dont le niveau 5 « constitue une menace sérieuse, mais encore incertaine, de dévastation régionale. » et évoque l’opportunité d’une mise en œuvre de plans d’urgence gouvernementaux. La NASA tient également à jour les paramètres des impacteurs [11] potentiels dans laquelle 2024 YR4, évalué cette fois plus précisément à 54 m, figure bien entendu en tête avec aujourd’hui ce risque de 2,1% (2,1e-2) qui le laisse au niveau 3 de l’échelle de Turin, tandis que les 28 autres identifiés « à risque » sont de niveau 0.
Le Mail Online en décrit les conséquences [12] sur une ville comme Londres ou Cardiff qu’il soufflerait sur un rayon de 40 kilomètres. Mais se veut rassurant en montrant la faible probabilité de sa trajectoire vers une zone densément peuplée.
La mission Dart (Double Asteroid Redirection Test)
Le 26 septembre 2022, la NASA réussissait la première mission de protection de la planète jamais entreprise en démontrant sa capacité à dévier de sa trajectoire Dimorphos [13], un astéroïde de 160 m de diamètre. La sonde dont l’impact a permis cette déviation a été propulsée par une fusée Falcon 9 de la société privée : Space X, fondée par Elon Musk. Les conditions du lancement de cette mission avaient été publiées 10 mois plus tôt sur le blog du Mont Champot [14] dans « Il faut sauver la planète terre ». [15]
Une menace permanente
Au moins 4 astéroïdes ont impacté la terre au XX siècle [4], dont celui qui aurait blessé gravement plus de 1500 personnes en 2013 à Tcheliabinsk en Russie. Désormais, les progrès fulgurants des observations permettent en principe de prévoir avec précision les conditions d’un impact futur avec plusieurs années d’avance. En regard de l’effroi suscité par l’annonce d’une collision certaine en Ile de France et du désarroi de la seule alternative d’un exode de 12 millions d’habitants, on imagine avec quel soulagement serait accueillie l’annonce, quelques mois avant l’impact fatidique, de la réussite d’une mission ayant dévié l’astéroïde. Et l’impact sur la perception des progrès technologiques serait considérable dans l’opinion.
L’ambivalence de la technologie
Cette protection est encore du domaine de la science-fiction et le risque est infime. Selon la revue Space.com [16] aucun astéroïde de plus d’1 km ne serait d’ailleurs susceptible de frapper la terre dans les 1000 prochaines années. Mais la NASA joue également un rôle crucial dans la compréhension du principal combat de l’écologie qu’est le réchauffement du climat, notamment grâce à des satellites spécifiquement conçus pour mesurer le CO₂, comme l’Orbiting Carbon Observatory-2 (OCO-2) lancé en 2014 ou l’OCO-3 en 2019 [17]. La NASA diffuse de nombreuses informations et animations, notamment sur la circulation du CO₂ [18] autour de la planète. Elle dispose également de satellites géostationnaires tels que Tempo [19], qui mesure en temps réel la concentration de quantité de polluants. Ces données sont reprises par de nombreux sites tels que l’excellent Earth [20] (cliquer sur earth en bas à gauche), qui permet de suivre en temps réel et historique, l’évolution d’une quantité impressionnante de paramètres physiques et chimiques sur n’importe quel point du globe. Autant d’informations sans lesquelles l’écologie ne serait qu’un canard sans tête.
L’empreinte environnementale des missions spatiales est considérable. Ses opportunités dépassent l’imagination, même dans le domaine de la protection de la planète. C’est cette ambivalence de la technologie qui rend inconciliables ceux qui y voient un problème là où d’autres anticipent des solutions.
Mise à jour du 19 février : après un weekend de pleine lune, le retour de meilleures conditions d’observation ont permis à la NASA de recalculer le risque [21] et le rehausser à 3,1% et d’indiquer « Il s’agit de la probabilité d’impact la plus élevée jamais enregistrée par la NASA pour un objet de cette taille ou plus. Cependant, mercredi 19 février, de nouvelles données collectées dans la nuit ont réduit la probabilité d’impact à 1,5 %. »
Par NASA/Johns Hopkins APL — https://dart.jhuapl.edu/Gallery/media/images/lg/DART_still-revisedA.jpg from https://dart.jhuapl.edu/Gallery/, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=90615410
1 https://fr.wikipedia.org/wiki/Hiver_d%27impact
4 https://www.notre-planete.info/terre/fin_du_monde/asteroides-risques-Terre.php
5 https://science.nasa.gov/solar-system/asteroids/apophis/
7 https://science.nasa.gov/solar-system/asteroids/2024-yr4/
9 https://neo.ssa.esa.int/risk-list
10 https://cneos.jpl.nasa.gov/sentry/torino_scale.html
11 https://cneos.jpl.nasa.gov/sentry/
12 https://www.dailymail.co.uk/sciencetech/article-14359347/interactive-reveals-asteroid-hits-UK.html
13 https://science.nasa.gov/mission/dart/
14 http://lemontchampot.blogspot.com/
15 http://lemontchampot.blogspot.com/2021/12/il-faut-sauver-la-planete-terre.html
16 https://www.space.com/earth-probably-safe-devastating-asteroid-impact-thousand-years
18 https://www.dailymotion.com/video/x2an7oa
19 https://science.nasa.gov/mission/tempo/
20 https://earth.nullschool.net/
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