Dans une interview récemment donnée à European Scientist, Samuel Furfari déclarait ceci : En octobre 2000, j’ai eu le privilège d’être en charge de la communication du livre vert sur la sécurité d’approvisionnement énergétique de la Commission européenne. Nous avions mis en évidence, à cette époque, l’indispensable « diversification » si nous voulions assurer une sécurité d’approvisionnement énergétique…
En 2000, les Français avaient déjà bien des raisons de relever un biais pernicieux dans cette façon d’appréhender une problématique énergétique ne concernant que la question électrique. Car ce qu’une UE fidèle à sa doctrine économique se devait et se doit toujours de viser en priorité c’est de tendre vers la plus grande indépendance énergétique possible, seule garante de cette sécurité d’approvisionnement. Or, si la diversification des sources d’électricité est un des moyens d’y parvenir, non seulement il n’est pas le seul, mais il n’est sûrement pas le principal : hiérarchiser ces sources à l’aune de leurs prodigalités en KWh et à celle du rapport qualité/prix de ces derniers doit passer bien avant.
Où l’on voit que la notion de souveraineté ne peut qu’être nationale et ne demeurer qu’une illusion à 27, quand ledit choix de la diversification n’est en fait que le choix du consensus entre désidératas plus ou moins partisans des pays membres, en tout cas, sûrement pas celui d’une approche collective économiquement rationnelle de la question, comme le fut celle du plan Messmer.
Je persiste donc à dire qu’il y a urgence à faire de la compétence politique énergétique une prérogative exclusivement nationale et à étendre en conséquence le domaine des subsidiarités statutaires de l’UE. Après tout, faudra nous expliquer en quoi un commerce des KWh guère différent de celui des bandes passantes internet, de ceux des transports routier ou ferroviaire et de leurs équipements est davantage stratégique pour l’Union qu’une défense européenne guère prête de voir le jour.
C’est pourquoi les Français ne doivent plus perdre une minute à assigner explicitement à leur futur Président de la République la mission d’engager sans tarder la procédure au terme de laquelle une authentique autonomie marchande sera restituée aux pays membres de l’UE, en matière d’électricité. Outre son caractère frelaté que personne ne conteste plus, l’actuel marché bruxellois est manifestement un marché de dupes dont les principales – et de loin ! – sont nos compatriotes et dont les régents politiques poussent les acteurs à une déresponsabilisation mise au service d’intérêts notoires.
En Europe de l’Ouest, les réseaux électriques d’interconnexion existaient bien avant la naissance de feue la CEE et se sont même densifiés depuis. Le technicien et l’économiste ne voient donc pas en quoi l’Europe ne pourrait pas revenir à la dotation d’un RTE autonome, par pays membre, qui tiendrait sa souveraineté nationale et ses prérogatives techniques et commerciales limitées au territoire national directement du pouvoir politique national, avec la mission de matérialiser l’indépendance énergétique nationale au meilleur prix, le plus confortablement et le plus sûrement possibles ; préserver cette sûreté prévoyant d’aller jusqu’à interrompre unilatéralement une interconnexion faisant courir un risque excessif à la stabilité du système électrique national.
Comment aurait à procéder ce nouveau RTE ? Comme dans tout marché réputé libre et non faussé, en tirant le meilleur parti des sources d’approvisionnement à sa disposition, parmi lesquelles continuerait bien entendu de figurer l’importation depuis les pays voisins. Mais ce nouveau RTE aurait pour instruction permanente de recourir à cette dernière beaucoup plus judicieusement que par le passé, c’est-à-dire aux moments de la journée jugés commercialement et techniquement les plus opportuns. De la sorte, remplir des STEP plus régulièrement vidées que par le passé, grâce à une électricité plus massivement importée aux heures les plus favorables, permettrait par exemple de limiter au maximum l’obligation du marché français d’être « marginal gaz », notamment aux heures de pointes.
De toute façon, notre parc de production dispose d’ores et déjà du moyen de limiter sensiblement cette obligation, avec une capacité technique à procéder aux réglages fréquence-puissance, à se plier au suivi de charge et à recourir à sa réserve tournante lui permettant de boucler l’équilibre production-consommation du pays en faisant le moins possible appel au gaz. Non seulement nos producteurs savent acheter ce dernier sans intermédiaire et selon leurs seuls besoins, mais une France énergétiquement émancipée disposerait de bien d’autres moyens pour traduire dans des prix commerciaux équilibrés ce que coûte vraiment et de moins en moins au pays l’électricité gazière : parmi eux, une règlementation visant à rémunérer en justes proportions les productions électriques de base et marginale… et le redémarrage de Fessenheim, dans les plus brefs délais, ne seraient pas les moins propres à obtenir la pratique durable de ces prix équilibrés.
Les Français n’ont donc aucune raison de payer leur électricité au prix prohibitif résultant d’une manipulation bruxelloise concertée du marché, consistant à tarifer « marginal gaz », 24 heures sur 24, le cours européen du KWh électrique.
Il va par ailleurs de soi que, dans le contexte commercial revendiqué ci-avant, conserver l’ARENH relèverait d’une provocation génératrice de troubles sociaux.
D’aucuns ne manqueront pas de prétendre qu’un tel assainissement du marché européen, par la responsabilisation de ses acteurs, tourne cyniquement le dos au devoir de solidarité communautaire. J’ai envie de demander à ceux-là de quelle solidarité communautaire ils parlent : de celle au nom de laquelle certains pays membres de l’UE s’opposent farouchement à la taxonomie nucléaire ou de celle qui conduit Belges, Allemands et autres Polonais à acheter des chasseurs F35 plutôt que des Rafales ?
L’intérêt de nationaliser le commerce de l’électricité passe indiscutablement par sa rationalisation technique, mais le rendre probe c’est restituer à chaque pays le pouvoir de choisir et d’assumer ses options industrielles et commerciales. Il s’avère que celles heureusement choisies par la France des années 70 étaient les meilleures, ce que mes compatriotes doivent plus que jamais faire largement savoir en donnant un grand écho au présent article.
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Je ne comprends pas pourquoi l’auteur cite d’emblée Samuel Furfari, alors que ce dernier n’a pas abordé, dans cette tribune, le point qu’il traite .
Il est vrai que S. Furfari avait déjà écrit l’an dernier dans Contrepoints ce que M. Pellen propose maintenant : https://www.contrepoints.org/2021/10/29/409671-le-marche-de-lelectricite-europeen-est-caduc.
Et donc, en fait, M. Pellen et S. Furfari sont parfaitement d’accord: Il n’y a absolument aucune justification à ce que les français paient leur électricité au même prix (erxhorbitant) que les allemands. Oui, le marché de l’électricité est caduc. Pas celui du gaz naturel
Vous avez parfaitement raison. Je me suis servi de la citation de Samuel Furfari pour alerter mes compatriotes sur le fait que diversifier les sources d’énergie électrique, tant au plan qualitatif qu’en ce qui concerne l’origine des productions, ne doit non seulement pas être une fin en soi, ni un préalable absolu à toute politique énergétique, mais que la France n’a depuis longtemps aucun besoin de cette diversification forcée.
Comme dans tout secteur économique et commercial, ce vers quoi une politique électro énergétique doit tendre avant tout c’est vers une indépendance privilégiant les critères d’abondance de la production et de maitrise des prix, ce qu’avaient parfaitement compris les pères du plan messmer. C’est la raison pour laquelle une telle politique ne peut qu’être nationale.
En résumé, comme le dit mon ami Loïc Lefloch-Prigent, il est plus que temps de changer radicalement de paradigme en considérant que, désormais, l’énergie doit être abondante, relativement bon marché et le plus nationale possible, si l’on veut pérenniser nos économies à un niveau décent. Où l’on (re)découvre qu’il ne s’agit là que de la quête éternelle du prolongement de la vie.
Je vous engage à prendre connaissance de l’excellent article suivant de Loïc Lefloch-Prigent : https://www.loikleflochprigent.fr/lallemagne-ce-traitre-energetique/
Vous avez parfaitement raison. Je me suis servi de la citation de Samuel Furfari pour alerter mes compatriotes sur le fait que diversifier les sources d’énergie électrique, tant au plan qualitatif qu’en ce qui concerne l’origine des productions, ne doit non seulement pas être une fin en soi, ni un préalable absolu à toute politique énergétique, mais que la France n’a depuis longtemps aucun besoin de cette diversification forcée.
Comme dans tout secteur économique et commercial, ce vers quoi une politique électro énergétique doit tendre avant tout c’est vers une indépendance privilégiant les critères d’abondance de production et de maitrise des prix, ce qu’avaient parfaitement compris les pères du plan messmer. C’est la raison pour laquelle une telle politique ne peut qu’être nationale.
En résumé, comme le dit mon ami Loïc Lefloch-Prigent, il est plus que temps de changer radicalement de paradigme en considérant que, désormais, l’énergie doit être abondante, relativement bon marché et le plus nationale possible, si l’on veut sauver nos économies. Où l’on (re)découvre qu’il ne s’agit là de rien d’autre que de la quête éternelle du prolongement de la vie.
Je vous engage à prendre connaissance de l’excellent article suivant de Loïc Lefloch-Prigent : https://www.loikleflochprigent.fr/lallemagne-ce-traitre-energetique/