Il y a quelques semaines, le Président s’est déplacé au Creusot (1), au cœur même de la fabrique du nucléaire, mais face à l’aréopage de métiers dans l’attente qu’on éclaire leur futur, il s’est avancé masqué. Débuté par un « je t’aime », vite suivi d’un « moi non plus », cette nouvelle acception du « en même temps » n’a pu que décontenancer une filière dont la vitalité reste essentielle pour le pays, au regard des enjeux qu’elle porte.
Flou industriel
Derrière des déclarations avenantes, la procrastination était au menu du jour, car sans surprise, l’échéance de 2022, ne permettait guère au Président d’offrir des gages à l’atome.
Cette frilosité politique est dommageable pour la troisième filière industrielle du pays, car il y a urgence. Dans un contexte entretenu d’indécisions sur les objectifs, chaque année blanche pèse davantage, car sans avenir tangible, les compétences nucléaires du pays s’étiolent déjà et leur renouvellement va devenir problématique.
Vieil adage, inusable pourtant : « quand on n’attend rien, on est servi tout de suite ! » et c’est, hélas, dans cet état d’esprit, que la filière nucléaire aurait du se placer pour n’être pas déçue par les déclarations du Président.
Maltraitée par les média, malmenée par le politique, avec l’assentiment de l’opinion, grande muette, sans réactions devant ce qui l’accable, elle ne se présentait pas en position de force, mais à bien écouter le propos (en fait l’interview à BRUT, retravaillée dans la forme), la filière ressort étrillée de l’exercice présidentiel.
Que la construction nucléaire française ait une légitimité à recouvrer n’était certes pas discutable, après les désastreux enchaînements du chantier de Flamanville 3 et les dérives qualité de l’usine du Creusot, même si l’ASN (celle que présidait PF Chevet) ait joué de la grosse caisse et pris, à chaque occasion, le bon peuple à témoin pour mieux imposer des options industrielles drastiques (contrôles ou réparations). Symétriquement, que dans l’intervalle, la filière se soit profondément réorganisée, aurait logiquement dû être souligné, quitte à dire vouloir juger au résultat.
Le nucléaire a été qualifié d’important, mais surtout parce qu’il est là et qu’il faut faire avec. Oui, c’est bon pour le climat (car c’est le plus décarboné des moyens pilotables…tout reste relatif), mais on doit quand même le réduire au nom de la techo-diversité et d’ailleurs, le pouvoir précédent a déjà engagé un processus, qui conduira à l’objectif fixé de 50% en 2035
2022, l’échéance verte
Tous les gestes et dires du Président sont là pour préparer sa réélection, laquelle ne se fera pas sans un verdissement appuyé dans toutes les directions.
Il ne fallait donc pas s’attendre à autre chose qu’une ode à l’avenir renouvelable, à peine tempérée par le principe de réalité, qui fait qu’aujourd’hui et demain, c’est le nucléaire qui porte et portera encore la charge de la production électrique, sa résilience en phase covid en atteste.
Il ne fallait pas désespérer Le Creusot, mais quand on écoute, et réécoute bien, le propos, le Président a fait « service minimum » et les perspectives entrouvertes, toutes situées au-delà de la présente mandature, sont conditionnelles. Ce n’est pas seulement de la prudence politique, c’est un positionnement foncier.
On peut, bien sûr, imaginer que le second mandat (de moins en moins optionnel) soit celui du réalisme, et que les promesses, vert foncé, qui auront été faites ne seront pas tenues telles-quelles, car bien trop inconséquentes.
Mais chaque année « non décisionnelle » qui passe, affaiblit davantage une filière nucléaire qui a besoin d’un futur balisé. Il faut assigner un but, au moins un cap, à la lourde machine et ce discours, sous des paroles, non exemptes de flagorneries, ne contenait aucun signe encourageant, même au second degré.
Forfanteries
A l’opposé, l’option chimérique du 100% d’électricité renouvelable, présentée explicitement comme « l’autre voie », n’a pas manqué d’être agitée, une véritable provocation face à cet auditoire averti.
Une bravade qui rappelle celle ayant eu lieu à l’Assemblée Nationale, lors d’une récente séance de questions au Gouvernement. La Ministre de la transition écologique a en effet répondu, sur un ton narquois, au Député du Haut Rhin, Raphaël Schellenberger qui avait eu l’outrecuidance de mettre en regard les perspectives de coupures de courant, la réactivation des centrales charbonnières et la fermeture de la centrale de Fessenheim.
Dans un échange, écourté à dessein par le Président de l’Assemblée, Madame Pompili moquait l’élu, qui n’a pu répliquer, arguant que les grands desseins écologiques portés par l’audacieuse PPE, ne sauraient être obérés par des considérations contingentes.
Asynchronisme
Que la propulsion du futur porte-avions soit nucléaire, doit d’abord aux avantages spécifiques conférés, entre autres en termes d’autonomie, plus qu’à la volonté de donner un peu d’air à la filière. D’ailleurs, cette décision ne la nourrira guère, deux chaudières (de type SMR) à construire d’ici 2038 !
Reste que l’avenir électrique de la France s’accommode mal d’un « en même temps » où les deux temps ne sont ni synchrones, ni pondérés de la même façon.
Une bien curieuse manière de considérer le devenir d’une de nos réussites industrielles et de préserver, voire d’accentuer, les avantages insignes qu’elle procure. Le pays, trop habitué à se les voir servir, n’en voit plus que les inconvénients, que d’aucun lui désigne avec constance et avec outrance et que le Président n’a pas désavoués.
(1) https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/apres-l-interview-a-brut-macron-se-rend-au-creusot-pour-soutenir-a-nouveau-la-filiere-nucleaire-865152.html
Par Christophe.Finot — Travail personnel, CC BY-SA 2.5, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3279422