Nous entendons souvent le slogan selon lequel « les énergies renouvelables sont et seront moins chères dans l’avenir que le nouveau nucléaire. » Qu’en est-il exactement ? Plutôt que de lancer une vérité, chacun la sienne, que nous disent les faits pour que le client, qui cumule les fonctions d’électeur et de contribuable finançant la construction des ENR par subventions publiques massives, puisse avoir les éléments de comparaison factuels.
Prix du nucléaire vs prix de l’éolien offshore
Quel est le prix de vente du MWh nucléaire aujourd’hui vendu à ses concurrents à raison de 100TWh par an ? L’ARENH, Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique, fixe un prix de 42€ / MWh (1). C’est le prix du MWh du parc nucléaire français cohérent de 59 réacteurs, dont 58 de même type. Sachant qu’aujourd’hui, seuls 56 sont en activité avec Creys Malville et Fessenheim arrêtés par décision politique, respectivement en 1998 et 2020.
Quel est le prix du MWh du prototype EPR de Flamanville 3 ? Dans un rapport d’Avril 2019, la cour des comptes indique un prix compris entre 110 et 120€ / MWh (2). Le prix du MWh des 2 EPR d’Hinkley Point en Grande Bretagne a été également estimé à 105€ / MWh. Ces EPR sont des prototypes, qui ne bénéficient pas d’un lissage sur un carnet de commande garanti de plusieurs réacteurs de même type, comme ce fût le cas pour le déploiement du parc nucléaire Français de 58 réacteurs REP construits et démarrés entre 1970 (Début de construction de Fessenheim 1) et 1999 (démarrage de Civaux 2), soit 2 réacteurs en moyenne par an, financés par emprunt d’état, aujourd’hui remboursé. D’ailleurs l’établissement public ADEME, Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie, a estimé un prix de 85€/MWh d’EPR construits en série pour les 3 premiers et 70€/MWh pour les suivants (3).
Par ailleurs, l’Europe et donc la France grâce aux aides européennes, souhaitent se doter de parcs éoliens offshore conséquents de 60GW à l’horizon 2030 et de 300 GW à l’horizon 2050 par subventions publiques. Ces parcs bénéficieront d’un lissage des coûts de construction compte tenu du carnet de commande garanti par les décisions politiques. L’avantage de l’éolien offshore est d’offrir un facteur de charge plus élevé que l’éolien terrestre, notion que nous aborderons plus loin, sans toutefois gommer l’intermittence inhérente à ce type de production. Les parcs offshore belges, danois et du Royaume Uni le démontrent facilement. Quel est le prix du MWh de ces parcs éoliens offshore ? Dans un rapport de la commission européenne du 26/07/2019, les prix garantis aux promoteurs s’échelonnent entre 131 et 155€/MWh (4).
Une histoire de « Facteur de charge »
Devons-nous nous arrêter sur ce constat ? A savoir que le MWh de l’éolien offshore est plus élevé que le prix du nouveau nucléaire ? Non, parce qu’il faut comparer le service rendu au client de l’électricité d’origine nucléaire à celui de l’électricité issue de l’éolien offshore, à qualité de fourniture égale.
Concernant l’impact carbone, l’ADEME a déterminé un impact carbone de 6g CO2/kWh (5) pour le nucléaire français et de 15g CO2/kWh (6) pour l’éolien offshore sur l’ensemble du cycle de construction et d’utilisation.
EDF a calculé l’impact carbone du kWh nucléaire à 4g CO2/kWh (7), extraction, fabrication et transport des combustibles, construction et déconstruction des installations industrielles et traitement des déchets inclus.
Il nous faut aussi comparer les 2 moyens de production à qualité et continuité égales de service au public. Autrement dit, lorsque le client appuie sur l’interrupteur, que la lumière soit ! Le client attend d’un producteur la même qualité de service qu’il s’agisse d’un MWh nucléaire ou éolien offshore, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit et quelle que soit la météo. Regardons alors quel est le facteur de charge de ces deux moyens de production.
Qu’est-ce que le facteur de charge ? Le facteur de charge est le rapport entre l’énergie réellement produite sur une durée donnée et l’énergie que le moyen de production aurait pu produire s’il avait été à sa puissance nominale égale à la puissance installée. Le facteur de charge est généralement calculé sur un an. L’éolien terrestre à un facteur de charge de 25% (chiffre RTE 2020), il est estimé à 40% pour l’éolien offshore. Puisque la production d’un parc éolien offshore est fonction de la vitesse du vent et non de la demande des clients, il n’ y a que ce facteur de charge qui peut être considéré.
Pour le nucléaire, pilotable et modulable, c’est différent. Le nucléaire adapte sa puissance en fonction de la consommation de manière à satisfaire les besoins des clients et garantir en même temps la stabilité du réseau. De fait, un moyen de production pilotable fournit toujours moins de puissance qu’il peut fournir réellement. Pour les moyens de production pilotables, on parle alors de coefficient de disponibilité, c’est à dire du rapport entre la puissance disponible et la puissance installée qui est évidemment plus élevé que le facteur de charge. La différence entre facteur de charge et coefficient de disponibilité constitue, ce que le gestionnaire de réseau RTE appelle, « les réserves de puissance » qui garantissent la sûreté du réseau en cas d’aléa. C’est un service de qualité de fourniture qu’offre un moyen de production pilotable comme le nucléaire, notamment pour éviter les black out. L’éolien offshore, comme l’éolien terrestre et le parc solaire, ne contribuent en rien à la constitution des réserves de puissance et donc en rien à la garantie de la sûreté du réseau.
En 2020, le facteur de charge du parc nucléaire, généralement proche de 70%, a été particulièrement bas, plusieurs causes à cette situation. La crise sanitaire a réduit considérablement la consommation. La production des ENR étant prioritaire par décision politique, la production nucléaire a été, de fait, plus faible. Le facteur de charge a été de 62% en 2020, 337TWh produits d’après RTE pour 541TWh possibles (61,8GW installés). À titre de comparaison, le parc hydraulique a eu un facteur de charge de 29% en 2020 d’après RTE, 65,1TWh produits pour 223TWh possibles (25,5GW installés).
Les EPR ont la caractéristique de pouvoir faire de la maintenance en fonctionnement grâce au doublage de leurs trains de sauvegarde, ce qui réduit d’autant les périodes d’arrêt pour rechargement du combustible. Le coefficient de disponibilité estimé dépasse ainsi les 90%.
L’éolien offshore a donc un facteur de charge nettement moins élevé que le nucléaire et a donc besoin de moyens de production pilotable et / ou de batteries pour assurer la même qualité et continuité de service. Raison pour laquelle, pour le comparer au prix du nouveau nucléaire à qualité de fourniture égale, il faut encore y ajouter ces 2 éléments au prix du MWh de l’éolien offshore.
- Dans l’esprit de la transition énergétique, la compensation de l’intermittence de l’éolien offshore ne pourra être réalisée qu’à partir de moyens de production bas carbone, nucléaire et hydraulique. A noter que le parc hydraulique français ne peut pas se développer plus au regard de l’hydrographie de la France (25,5GW installés). Les moyens de production d’origine fossiles seront évidemment exclus d’un mix bas carbone , le gaz à 418g CO2/kWh, le fuel à 730g et le charbon à 1050g (5).
- Concernant les batteries, il y en a de plusieurs types. Notamment les batteries qui nécessitent des ressources minières, par définition finies et polluantes en matière d’extraction, comme le lithium par exemple. Pour assurer la même qualité de service que le nucléaire, il faut ajouter au coût du MWh éolien offshore, le coût élevé du stockage qu’il convient de réitérer périodiquement, compte tenu de la durée de vie des batteries estimées à 15 ans.
Durée de vie et bilan
Pour terminer la comparaison du prix des MWh, il convient aussi de comparer la durée de vie des 2 moyens de production. Les centrales nucléaires REP ont une durée de vie supérieure à 40 ans, en France soumise à autorisation de prolongation tous les 10 ans par l’Autorité de Sûreté Nucléaire. Des centrales de même type ont dépassé les 50 ans, comme la centrale REP de Beznau en Suisse de 52 ans d’âge. Les centrales américaines REP ont des autorisations de fonctionnement à 80 ans. Les éoliennes, quant à elles, ont une durée de vie de 20 à 30 ans.
En résumé, si on compare le prix du MWh du nucléaire et de l’éolien offshore, il faut le faire à qualité de fourniture égale. Le prix du nucléaire comprend l’adaptation de la production aux besoins des clients, la garantie de sûreté du réseau et depuis le déploiement des ENR, la compensation de l’intermittence des ENR, tout en assurant le développement durable. L’éolien offshore, dont la production est fonction de la météo, a un prix du MWh plus élevé que le nouveau nucléaire. Mais il doit aussi prendre en compte les autres moyens de production et de stockage pour assurer la même qualité et continuité de service, sur une durée de fonctionnement moitié moindre.
Sources et références
(1) https://www.edf.fr/entreprises/electricite-gaz/le-benefice-arenh#:~:text=Il%20permet%20%C3%A0%20tous%20les,%C3%A9gal%20%C3%A0%20100%20TWh%2Fan
(2) Extrait page 14/148 du rapport public de la cour des comptes – Thématique « La filière EPR » d’avril 2019
(3) https://librairie.ademe.fr/cadic/1176/evolution-mix-electrique-horizon-2020-2060-010655.pdf?modal=false (Octobre 2018)
(4) Extrait page 6/25 de la version publique d’un document référencé « C(2019) 5498 final »
de la commission européenne du 26/07/2019
(5) https://www.bilans-ges.ademe.fr/documentation/UPLOAD_DOC_FR/index.htm?renouvelable.htm
(6) https://www.bilans-ges.ademe.fr/fr/basecarbone/donnees-consulter/liste-element/categorie/71
(7) https://www.edf.fr/sites/default/files/contrib/groupe-edf/engagements/rapports-et-indicateurs/c02/edfgroup2020_methode_elaboration_ges.pdf (Mars 2020)
Image par mohamed Hassan de Pixabay
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Bonjour,
Une remarque importante
L’Etat français n’a pas financé la construction des centrales nucléaires.
EDF était un EPIC, Etablissement Public Industriel et Commercial, chargé de produire transporter et distribuer l’électricité au meilleur coût au bénéfice des usagers, et ne pas faire de spéculation. Ce qu’elle a fait pendant des dizaines d’années.
Son statut faisait que ses emprunts étaient de facto garantis par l’Etat, mais c’est l’entreprise, avec ses services financiers qui assurait ses besoins financiers.
A une période les emprunts étaient faits à l’étranger, sous la présidence Giscard, et ce flux financier entrant améliorait de fait la balance des paiements du pays.
Ce n’a jamais été un quelconque financement par le gouvernement et son budget.
C’est l’entreprise qui aidait l’Etat, en versant une dotation annuelle qui atteignait à l’époque jusqu’à 1 milliard de francs.
Après le passage en SA, les échelles ont changé, car jusqu’à 2 à 3 milliards d’euros par an ont été versés aux actionnaires, donc principalement l’Etat.
Car suivant un dogme de Bruxelles, peu importe le statut et les actionnaires,ceux-ci doivent être traités de la même façon, généreusement.
Plusieurs dizaines de milliards d’euros ont été ponctionnés au détriment des investissements. A méditer.