Une publication sur l’évolution des populations d’oiseaux d’Europe a été abondamment commentée ces derniers jours. Intitulée « Les pratiques agricoles provoquent le déclin des populations d’oiseaux en Europe » (1) , elle a généralement été présentée comme la preuve que les pesticides et les engrais sont la cause d’un déclin brutal des oiseaux sur notre continent. Il ne s’agit pas d’une interprétation abusive de la presse, c’est bien la thèse défendue par les auteurs, qui affirment dans leur conclusion que « la relation négative avec l’usage des pesticides et des engrais correspond à la cause principale du déclin des populations d’oiseaux».
Bien sûr, cette publication revérifie une fois de plus un truisme : l’agriculture intensive a un effet négatif sur la biodiversité, dans les régions où elle est pratiquée. Mais contrairement à ce que laissent entendre les auteurs, elle ne permet nullement de hiérarchiser l’effet des deux principales causes avancées pour expliquer cet effet négatif : l’usage des intrants (pesticides et engrais de synthèse), ou la simplification des paysages qui a accompagné l’intensification de l’agriculture au XXème siècle (arrachage des haies, suppression des mares et petits cours d’eau, etc…). Une lecture attentive de l’article montre que l’indicateur utilisé pour annoncer ce lien avec les intrants est loin d’être fiable, et que de nombreux résultats de l’étude, relégués dans les annexes, penchent plutôt en faveur d’un effet dominant de la destruction des habitats. Et surtout, cette étude a un mérite qui est passé un peu inaperçu : elle montre que la population totale des oiseaux européens se stabilise depuis les années 2000, et tend même à remonter !
Evolution globale des populations : 6ème extinction ou « grand remplacement » ?
En ce qui concerne l’évolution des populations d’oiseaux, on présente souvent les courbes d’évolution en fonction des préférences écologiques des espèces, ce qui souligne le fait que les espèces spécialistes des milieux agricoles sont celles qui régressent le plus vite.
Evolution relative des populations d’oiseaux françaises depuis 1989, en fonction de leur habitat (Source : Produire des indicateurs à partir des indices des espèces | Vigie-Nature (vigienature.fr)
Un des intérêts de cette publication Rigal et al (même s’il est relégué dans les annexes), est de présenter des chiffres globaux, toutes espèces confondues. Et l’on se rend compte alors que la tendance n’est pas toujours aussi noire qu’annoncé :
Fig S1 des Supplementary Documents de l’étude Rigal et al., 2023 (2)
L’index multi-espèces (a) montre une décroissance rapide et régulière depuis 1980. Il s’agit toutefois d’un indicateur de tendance générale, non quantitatif. En effet, il ne tient pas compte des effectifs de chaque espèce : si une espèce A, avec 1 million d’individus, a augmenté de 10%, et une espèce B, avec 10 000 individus a diminué de 10%, le bilan sera nul, alors que le nombre total d’oiseaux a fortement augmenté. C’est la figure b qui représente l‘évolution des effectifs totaux de la population aviaire européenne, pour les 115 espèces étudiées. Or on constate que, si cette population totale a fortement diminué depuis 1980, on observe une tendance à un rétablissement des effectifs depuis 2000. Et cette tendance est encore plus nette quand on s’intéresse à la biomasse totale (figure c).
Que signifie cette croissance récente de la biomasse totale des oiseaux européens ? Les auteurs mettent en avant le fait qu’elle serait due à la remontée des populations des espèces protégées, qui sont souvent des oiseaux de grande taille. Cela joue sans doute un rôle, mais probablement mineur, car ces espèces protégées gardent quand même pour la plupart des effectifs faibles. En fait, cette évolution vers un poids croissant des espèces de grande taille s’observe aussi chez des espèces très courantes et non protégées, tout au moins chez les espèces généralistes en nette croissance :
Tableau 1 : estimation de l’évolution de la biomasse des oiseaux généralistes en France depuis 2001 : leurs effectifs totaux ont augmenté de 10% environ, mais leur biomasse a augmenté de 33%, car les espèces de grande taille ont connu en moyenne une croissance plus élevée.
On n’observe pas le même phénomène chez les oiseaux spécialistes des milieux agricoles, dont la biomasse diminue dans les mêmes proportions que les effectifs :
Tableau 2 : estimation de l’évolution de la biomasse des oiseaux spécialistes des milieux agricoles en France depuis 2001 : les effectifs totaux, tout comme la biomasse, ont diminué d’un peu plus de 20%. NB : comme dans le Tableau 1, faute de chiffres absolus de population pour 2001, nous avons pris comme point de départ les effectifs de l’inventaire 2009/2012 de la LPO. Cela fausse peut-être un peu les chiffres absolus de population, mais pas les ratios entre généralistes et spécialistes agricoles.
Plutôt qu’à une extinction généralisée, comme on le croit souvent, on assiste donc plutôt à une homogénéisation de l’avifaune, avec un petit nombre d’espèces généralistes en nette augmentation, et qui se répandent dans tous les milieux, alors que les espèces spécialistes régressent. Ce phénomène est particulièrement frappant en termes de biomasse : en 2001, la biomasse totale des espèces spécialistes agricoles représentait 32% de celle des espèces généralistes. En 2018, ce rapport est tombé à 18% ! Si l’expression n’avait pas pris des connotations politiques nauséabondes, on serait tenté de dire qu’il y a un « grand remplacement » des espèces spécialistes par les espèces généralistes. Reste à savoir pourquoi.
Effet des pesticides ou de la simplification des paysages ?
Il est évident que le passage de l’Europe à une agriculture intensive pendant la 2ème moitié du XXème siècle a provoqué une forte baisse de la biodiversité des paysages agricoles. Mais il est plus difficile de définir la part, dans cette tendance générale, des deux causes les plus souvent suspectées :
- l’utilisation des pesticides. Elle peut avoir un effet direct (intoxication des oiseaux) ou indirect : baisse des ressources alimentaires disponibles pour eux, qu’ils soient granivores (effet des herbicides) ou insectivores (effet direct des insecticides qui les éliminent, et effet indirect des herbicides qui réduisent la flore adventice, et donc les populations d’insectes qui s’en nourrissent)
- l’extrême simplification et uniformisation des paysages agricoles qui l’a accompagnée
(remembrement et arrachage des haies, suppression des petits cours d’eau et des jachères). A plus grande échelle, elle a même conduit à une spécialisation des régions, entre les grands bassins sédimentaires de plaine consacrés aux grandes cultures, et les régions montagneuses ou pénéplaines à sol plus pauvre, vouées à l’élevage, avec une forte régression des exploitations de polyculture-élevage.
Ces deux facteurs défavorables à la biodiversité sont inextricablement liés. De nombreuses études ont montré l’impact négatif des pesticides sur la biodiversité (3) ; d’autres ont montré aussi un impact fort de la complexité des paysages agricoles sur la biodiversité, en particulier pour les oiseaux (4). Mais il reste difficile de hiérarchiser ces deux types d’impact.
De ce point de vue, la publication du CNRS n’apporte malheureusement aucun élément clair, car parmi les pressions humaines exercées sur les milieux, elle n’a intégré aucun indicateur de la complexité des paysages agricoles. L’indicateur qu’elle a utilisé pour caractériser la pression de l’agriculture sur l’environnement est simplement un indicateur global d’intensification, le High Input Farm Cover. Il s’agit en fait d’un indicateur comptable, et non agronomique : il désigne la part de surface agricole occupée par les 33% de fermes dont les dépenses en intrants par hectare sont les plus élevées. Il est donc bien lié au niveau d’intensification global des moyens de production, mais très médiocrement aux consommations de pesticides et d’engrais. En effet, la liste des intrants pris en compte dans la définition des High Input Farms, est un inventaire à la Prévert, qui comprend aussi les aliments pour le bétail, les protections contre le gel, etc (5) … De plus, comme il s’agit d’un tertile, il est basé non pas sur la consommation absolue d’intrants, mais sur la distribution statistique de leurs coûts. Il peut donc fluctuer fortement d’une année à l’autre en fonction de l’hétérogénéité de l’utilisation des intrants, et non de leur utilisation réelle sur le terrain. On voit bien sur la figure 2a que les variations inter-annuelles de cet indicateur présentent des anomalies qui n’ont sans doute aucun lien avec l’utilisation réelle des pesticides : voir par exemple la courbe en cloche de l’Allemagne, ou celles en zig-zag du Royaume-Uni, de la Suède et de la Finlande. La Figure S4 (6) montre bien que la corrélation du High Input Farm Cover (HIFC) avec la consommation globale de pesticides est médiocre, et même carrément nulle avec l’utilisation d’insecticides, les pesticides que l’on peut le plus légitimement soupçonner d’avoir des effets graves sur la biodiversité. D’ailleurs, dans les rares pays où le HIFC a nettement régressé pendant la période étudiée (Pologne, Allemagne, Danemark, Slovénie), la tendance pour les oiseaux des milieux agricoles n’est nullement à l’amélioration. C’est particulièrement clair pour le Danemark, qui est pourtant le pays européen qui a eu la politique de restriction des pesticides la plus stricte et la plus ancienne, dès la fin des années 80.
Fig. 2a et 1a de Rigal et al. 2023 : On voit bien à gauche que l’indicateur utilisé (le High Input Farm Cover, HIFC) n’est que très peu corrélé avec l’utilisation des pesticides par ha (cf Fig 3), et que ses variations sont chaotiques, sans rapport avec l’évolution des pratiques agricoles. De même, la tendance d’évolution des populations d’oiseaux spécialistes des milieux agricoles n’a aucun rapport clair avec le HIFC, que ce soit sa valeur absolue ou sa tendance d’évolution) (cf exemples dans le texte du présent article)
Fig. 3 : ventes de pesticides en Europe (kg/ha cultivé). On voit que la corrélation avec l’indicateur High Input Farm Cover utilisé dans Rigal et al est très médiocre.
Source : Pesticide sales per utilised agricultural area, by country — European Environment Agency (europa.eu)
Dans ces conditions, pourquoi le HIFC, s’il est mal corrélé avec la consommation de pesticides, est-il quand même l’indicateur de pression humaine le plus corrélé à la décroissance des populations d’oiseaux ? En fait, l’explication la plus probable est qu’il est au moins fortement corrélé à la part des exploitations de grandes cultures, celles dont les paysages se sont le plus appauvri dans les dernières décennies. On note d’ailleurs que cet impact du HIFC n’est que de peu supérieur à celui de l’augmentation des surfaces urbanisées, qui ne concerne pourtant que des surfaces limitées. Il est assez inattendu de voir que l’effet de l’urbanisation croissante est presque aussi fort que celui de l’intensification agricole, alors qu’il ne concerne qu’une surface beaucoup plus faible, et ne s’accompagne pas a priori d’émissions de substances aussi toxiques que les pesticides. Par contre, l’urbanisation a en commun avec l’agriculture intensive de réduire les ressources alimentaires disponibles pour les oiseaux. Ce qui nous ramène à la question de l’évolution de leur biomasse totale.
Les oiseaux sont placés relativement haut dans les chaines alimentaires. Même les espèces au régime principalement granivore dépendent souvent des insectes pour nourrir leurs poussins. C’est d’ailleurs pour cette raison que le niveau des populations aviaires est un bon indicateur de la santé globale des écosystèmes. Pour cette raison, on explique souvent leur « régression » par une réduction massive des ressources alimentaires générée par l’agriculture intensive, en particulier une extinction massive des insectes, dont la gravité exacte est pourtant très discutée (7). Or les besoins alimentaires d’une population hétérogène sont proportionnels à sa biomasse, beaucoup plus qu’au nombre d’individus qui la compose. Le fait que la biomasse globale des oiseaux est en augmentation est donc contradictoire avec l’hypothèse, souvent formulée, d’un effondrement massif de leurs ressources alimentaires, en particulier des insectes. Cette hypothèse est apparemment soutenue, dans Rigal et al, par le fait que les populations d’oiseaux insectivores diminuent plus vite que celles des granivores. C’est la tendance globale, mais dans le détail, on observe que les insectivores ou omnivores généralistes se portent globalement bien (voir dans le Tableau 1 le cas de la fauvette à tête noire, de l’hypolaïs polyglotte, de la huppe fasciée, de la corneille noire et du geai des chênes, la seule exception notable étant celle de l’accenteur mouchet). Tout se passe donc comme si le vrai facteur de risque était d’être une espèce spécialiste, plutôt que d’être insectivore ou carnivore. Ce qui se comprend facilement d’un point de vue écologique : contrairement aux espèces spécialistes des milieux semi-naturels, les espèces généralistes, qui s’adaptent parfaitement aux paysages anthropisés, sont peu ou pas touchées par la régression et la fragmentation de leurs habitats potentiels. Par contre, même si les ressources alimentaires restaient inchangées, leur développement exercerait une pression de concurrence croissante sur les espèces spécialistes agricoles : d’après les ordres de grandeur estimés dans les tableaux 1 et 2, l’augmentation de la biomasse des pigeons ramiers entre 2001 et 2018 (+ 1,8 t) est à elle seule supérieure à la biomasse totale actuelle des espèces spécialistes agricoles (1,5 t) !
Une érosion de la biodiversité, oui, mais quel risque d’extinction ?
Même si la tendance quantitative est plutôt positive depuis les années 2000, l’évolution des populations d’oiseaux va bien dans le sens d’une réduction qualitative de la biodiversité. En termes écologiques, l’abondance des oiseaux se stabilise, et tend même à remonter (en nombre et surtout en biomasse), mais l’équitabilité de leurs populations diminue fortement, avec l’aggravation de la prédominance des espèces généralistes, au détriment des espèces spécialisées, en particulier des oiseaux des champs. C’est bien sûr regrettable, mais si on se place dans une perspective historique plus large, il faut se rappeler que ces espèces spécialistes des milieux agricoles ont longtemps bénéficié du développement de l’agriculture, qui a beaucoup étendu en Europe tempérée les paysages ouverts auxquels elles sont adaptées, auparavant marginaux sous nos climats (8). Il n’est donc pas étonnant que la population de ces spécialistes soit très sensible aux changements défavorables des pratiques culturales, et cela ne signifie pas forcément qu’elles soient en voie d’extinction. On cite souvent le cas de l’alouette des champs et du bruant jaune, dont le déclin depuis 2001 est particulièrement marqué, au point que le bruant jaune a été classé, de façon assez surprenante, comme espèce vulnérable en France (9). Au dernier inventaire 2009-2012 de l’Atlas des Oiseaux de France (10), ses effectifs nicheurs dans notre pays étaient pourtant encore proches de 800 000 couples, ce qui le situe dans les 10% des espèces les plus abondantes sur notre territoire. Quant à l’alouette des champs, malgré sa régression spectaculaire, elle reste une des rares espèces dont la population soit supérieure à un million de couples. La lecture de cet Atlas donne d’ailleurs beaucoup de clés pour mieux contextualiser les données de population des oiseaux sur notre territoire métropolitain :
- en 2009/2012, la population totale d’oiseaux nicheurs était estimée entre 130 et 230 millions de couples. En homogénéisant les méthodes de comptage avec celles de l’inventaire précédent de 1998-2022, les auteurs retenaient une fourchette entre 65 et 116 millions de couples pour 2009/2012, contre 48 à 210 millions de couples en 1998/2002. Il y a donc en France moins de 10 oiseaux nicheurs sauvages par personne, toutes espèces confondues.
- Ces effectifs 2009/2012 se répartissaient sur 327 espèces, soit 14 de plus qu’en 1998/2002. Dans le détail, 17 espèces nouvelles se sont installées sur notre territoire, contre 3 qui en ont disparu (mais n’ont pas disparu d’Europe pour autant : pour rappel la seule espèce d’oiseau européenne éteinte est le Grand Pingouin, disparu au milieu du XIXème siècle).
- Les effectifs moyens de chaque espèce sont faibles (de l’ordre de 750 00 couples nicheurs), mais cette moyenne cache de grandes disparités : une poignée d’espèces (presque toutes généralistes) dépasse, parfois largement, le million de couples. Pour la plupart des espèces spécialistes, y compris celles dont les populations sont stables, les effectifs ne sont que de quelques centaines de milliers de couples. Des diminutions d’effectifs d’oiseaux spécialistes agricoles comme l’alouette des champs ou le bruant jaune n’ont donc rien d’inquiétant vu leurs populations actuelles.
Une publication écologiste, pas écologique
En conclusion, cet article très médiatisé soulève de vraies questions, mais apporte bien peu de vraies réponses. Il rappelle bien à quel point les populations aviaires d’Europe sont façonnées par les pressions exercées par l’homme : par l’agriculture, bien sûr, mais aussi par l’urbanisation, et, plus indirectement, par le changement climatique. Les résultats présentés (dans les annexes…) sur l’évolution de la biomasse des oiseaux pointent une autre influence indirecte peu étudiée : par les perturbations de toutes sortes qu’il produit sur les paysages, l’homme favorise les espèces généralistes les plus adaptables, qui deviennent ses commensales, et, par leur concurrence alimentaire, supplantent les espèces moins tolérantes à la simplification des paysages, ou simplement plus craintives.
Les auteurs ont choisi de se focaliser sur l’impact de l’agriculture, ce qui est compréhensible, puisque c’est sans doute l’activité humaine qui a le plus d’influence sur les populations aviaires. Mais il est moins compréhensible qu’ils n’aient pas cherché à départager les effets respectifs des deux principaux facteurs reconnus comme potentiellement néfastes de l’agriculture : l’usage de pesticides, et la simplification extrême des paysages agricoles. Ce serait pourtant nécessaire pour identifier les mesures qui permettraient le mieux de rétablir la situation, et de trouver l’équilibre optimal entre agriculture intensive et extensive dans la perspective du débat land sharing/ land sparing (11).
Les auteurs ont choisi de mettre en avant l’effet des pesticides et engrais, mais en utilisant un indicateur de comptabilité agricole qui n’est en fait que peu corrélé à leur usage. C’est probablement ce qui explique que cet indicateur ait à peine plus de poids statistique que l’évolution de l’urbanisation, qui concerne pourtant des surfaces beaucoup plus restreintes que les pratiques agricoles. Dans leur discussion, les auteurs privilégient l’hypothèse d’un effet dominant des pesticides, en particulier par leur effet trophique indirect (réduction des ressources alimentaires disponibles pour les oiseaux). Pourtant leur constat, un peu glissé sous le tapis, que la biomasse totale des oiseaux augmente, est contradictoire avec cette hypothèse. De même, l’augmentation des populations d’oiseaux généralistes ne plaide guère en faveur d’un effet toxique direct des pesticides, sauf à supposer que ces espèces généralistes leur seraient devenues résistantes. Par contre, ce « grand remplacement » des espèces d’oiseaux spécialistes est tout-à-fait cohérent avec l’appauvrissement des paysages agricoles, qui défavorise les espèces les plus exigeantes en termes d’habitat, au profit des espèces les plus adaptables et qui s’accommodent le mieux de la présence proche de l’homme. Pour toute personne qui s’intéresse réellement à l’écologie (et non à l’écologisme politique), il est très frustrant que les auteurs n’aient pas cherché à intégrer dans leur étude un indicateur de complexité du paysage, tels que ceux du suivi européen de l’occupation des sols CORINE Land cover. Il y aurait pourtant urgence, car la situation est un peu désespérante : malgré le verdissement de la Politique Agricole Commune, on voit bien que les populations d’oiseaux spécialistes continuent à diminuer. Il est urgent de trancher ce débat, afin de privilégier les mesures les plus efficaces pour inverser la tendance.
Tarier Pâtre espèce spécialiste en voie de disparition. Photo par Philippe Stoop
(1) Farmland practices are driving bird population decline across Europe | PNAS
(2) https://www.pnas.org/doi/suppl/10.1073/pnas.2216573120/suppl_file/pnas.2216573120.sapp.pdf
(3) Voir par exemple Pesticides, agriculture et environnement : Réduire l’utilisation des pesticides et en limiter les impacts environnementaux. | INRAE
(4) Voir l’intervention d’A. Barbottin (INRAE) dans le Webinaire Acta – Agreenium « Oiseaux & Agriculture », 20/05/2023 : https://www.youtube.com/watch?v=vLxSVncUNNU&list=PL8jzuH8XI8v3H_ksvE4TXk6oWxYJWGkwq&index=11
(5) Farming intensity (europa.eu)
(6) https://www.pnas.org/doi/suppl/10.1073/pnas.2216573120/suppl_file/pnas.2216573120.sapp.pdf
(7) https://www.europeanscientist.com/fr/environnement/lextinction-de-75-des-insectes-comment-nait-une-legende-scientifique/
(8) C. Levêque, (PDF) Chapitre 2 Un âge d’or de la biodiversité ? (researchgate.net)
(9) Emberiza citrinella Linnaeus, 1758 – Bruant jaune-Statuts (mnhn.fr)
(10) Issa & Muller, Atlas des Oiseaux nicheurs de France de France, Delachaux-Niestlé/LPO, 2015
L’agriculture extensive favorable à la biodiversité ? (Première partie)
Agriculture ou environnement ? Le faux « dilemme ukrainien »
Merci pour cette analyse de l’article de Rigal et al.
Un élément qui me perturbe c’est la variance expliquée par les 2 composants principales de la PLS: 0.01 + 0.01 selon le tableau 1 dans l’annexe 2. Si l’analyse principale de l’article n’explique que 2% alors toute la partie de l’article qui cherche a expliquer les facteurs corrélé au déclin des populations d’oiseaux n’a aucune pertinence. Ou est ce que j’ai mal interprété les résultats de cet article ? Merci
Merci pour votre question, j’avoue que je n’avais pas remarqué ces R² de la PLS, je m’étais concentré sur la pertinence des choix a priori des variables explicatives choisies par les auteurs.
Cela parait effectivement très étrange, j’espère que ce n’est qu’une faute de frappe… 🙂
Il est dommage que cet article, bien fait, fasse l’impasse sur les questions de prédation.
Il est vrai que la question de la prédation dans la diminution de nombreuses espèces n’a fait quasiment l’objet d’aucune étude scientifique.
Au doigt mouillé, la LPO assure qu’elle est négligeable et se fait le grand défenseur de leurs massacreurs au point de mener d’ahurissantes campagnes de défense du renard, de la belette et du blaireau (grand amateur d’oeufs et oisillons).
Il est quand même curieux de constater que tous ces spécialistes des oiseaux ne semblent pas se rendre compte que le point commun qu’ont la quasi totalité des oiseaux dont les effectifs diminuent ou disparaissent, est l’endroit où ils font leur nid.
Un oiseau qui fait son nid au sol a fait l’objet de solides études notamment par les fédérations de chasseurs qui tentaient d’enrayer son déclin, c’est la perdrix, rouge ou grise. Toutes les études sont concordantes, à 80-85% les nichées sont détruites par prédation. Cela devrait interpeller !
Comment peut-on s’imaginer que dans un monde où prolifèrent de façon alarmante, loups, lynx, renards, fouines, belettes, blaireaux et autres mustélidés, écureuils (un grand ravageur de nid en tenue de soirée), corvidés, sangliers, serpents, sans compter les chats, les oiseaux faisant leur nid au sol ou près du sol, ne soient pas des proies faciles et systématiques.
Même si votre tableau comporte des bizzareries, comme la baisse des effectifs de corbeaux freux ? corbeaux et corneilles pullulent ces dernières années… penchez vous sur les sites de nidification des oiseaux dont le nombre décroit.
Vous trouverez qu’ils font très majoritairement leur nid au sol (alouette, les différents bruants, pipit farlouse, tariers, vanneaux huppés…), ou près du sol (linotte mélodieuse, accenteur mouchet), ou éventuellement dans un creux d’arbre ou de mur de que les belettes adorent.
Corrélation n’est pas forcément causalité, mais le fait que quasiment personne n’étudie la question de la prédation est quand même une effarante marque d’ignorance de la vie et de la mort quotidienne de la faune sauvage.
Le monde des animaux ce n’est pas Walt Disney, ils ne dansent pas ensemble, il y a eu ceux qui croquent les autres et plus il y a de croqueurs, plus il faut de proies…
Le site de nidification joue peut-être un rôle, mais sans doute plus modeste. Aucune fauvette ne niche au sol, mais la plupart régressent, alors que la très opportuniste fauvette à tête noire prospère. Idem pour toutes les mésanges autres que bleue et charbonnière.
On pourrait aussi citer l’effet du climat (les espèces declimatfrais régressent plus vite), mais on ne peut pas tout traiter dans un article de cette longueur. Ce qui me paraissait important de montrer, c’est qu’il est faux de prétendre que les populations d’oiseaux s’effondrent, elles se redressent même depuis 20 ans (tous les articles catastrophistes sur ce thème citent la baisse sur 30 ans pour gonfler les chiffres), et de souligner les biais de présentation des résultats du STOC, dont la mise en forme (tendances relatives par groupe de specialisation), sans tenir compte des effectifs réels) masque les vraies évolutions de fond (augmentation de la biomasse mais réduction de la richesse spécifique). C’est d’autant plus choquant qu’il faut aller chercher ailleurs (dans l’atlas de la LPO qui n’est pas disponible en ligne) les chiffres de populations. La collecte des données est participative, mais la synthèse et la présentation des résultats est orientée en fonction des a priori des chercheurs…
Susceptibility to Predation Varies with Body Mass, Foraging Niche, and Anti-Predator Responses among Bird Species de Guy Beauchamp in Birds 2023, 4(1), 73-84; https://doi.org/10.3390/birds4010006
Received: 12 January 2023 / Revised: 1 February 2023 / Accepted: 2 February 2023 / Published: 5 February 2023