L’adoption récente de la nouvelle PAC (Politique Agricole Commune) a été largement commentée dans la presse, le plus souvent pour discuter de son caractère suffisamment écologique ou non. Toutefois, peu de commentateurs ont souligné son importance historique : elle va lancer le test, à l’échelle d’un continent entier, d’une nouvelle science agricole, bien connue de tous les citoyens, mais dont ils ne saisissent pas toujours les avancées décisives par rapport à l’agronomie classique. Nous proposons ici de lui donner un nouveau nom : l’agrologie, et de donner quelques clés pour bien clarifier ses différences avec l’agronomie du XXéme siècle.
La révolution agrologique
Le monde agricole est régulièrement frappé par des controverses concernant ses impacts sanitaires ou environnementaux : les OGM, futurs sauveurs de l’humanité, ou catastrophe environnementale ? le glyphosate, cancérigène ou inoffensif ? l’agriculture bio peut-elle nourrir le monde ou pas ?
Pour les citoyens non issus du milieu agricole, l’élément le plus perturbant de ces controverses est qu’elles ne sont pas seulement alimentées par des journalistes ou des experts auto-proclamés, comme c’est souvent le cas dans d’autres domaines. A chaque fois, il y a des scientifiques reconnus, dans les deux camps. Il est donc particulièrement difficile pour les profanes de se faire une opinion sur ces polémiques, d’autant plus surprenantes qu’elles portent sur des disciplines habituellement rattachées aux sciences exactes. Or on considère habituellement que ces sciences « dures », contrairement aux sciences humaines, portent sur des questions qui ont une réponse objective, indépendante de l’opinion de l’observateur, et que leurs méthodologies devraient permettre d’aboutir rapidement à un consensus pour départager les hypothèses contradictoires.
C’est oublier que l’agronomie, comme la plupart des disciplines scientifiques ayant de fortes implications politiques, a connu de grandes mutations pendant les 30 dernières années. Science à l’origine très réductionniste (qui étudie l’impact de chaque action de l’agriculteur), elle a de plus en plus intégré dans ses raisonnements les approches systémiques, qui visent à analyser les systèmes complexes en privilégiant l’approche globale par rapport à l’étude exhaustive des détails[1], et les apports des sciences humaines, en particulier dans l’évaluation des impacts environnementaux et sociétaux de l’agriculture.
Une révolution aussi rapide ne s’est pas faite sans résistances, au point que l’écart ne cesse de se creuser entre les adeptes les plus avancés de ces nouvelles approches, et les agronomes les plus traditionnalistes. C’est le plus souvent entre ces deux camps que se jouent les controverses scientifiques que nous évoquions en introduction, au point qu’il devient maintenant nécessaire de donner des noms distincts à ces deux approches, pour les différencier clairement. Cette situation n’est pas inédite dans l’histoire des sciences : l’étude des corps célestes a connu un schisme du même ordre il y a quelques siècles. Par analogie avec ce précédent historique, nous proposons donc de distinguer désormais l’agronomie et l’agrologie, tout comme l’astronomie et l’astrologie ont divergé au début des Temps Modernes.
Pour aider les lecteurs peu familiers avec ces sujets à reconnaître chaque discipline, nous allons résumer ici les principaux points de divergence entre ces deux sciences, avec des liens vers des exemples éclairants pour mesurer l’ampleur de la révolution agrologique.
Vision et méthodologie générale
- Les agronomes considèrent que certains domaines de leur activité relèvent encore des sciences exactes (par exemple l’évaluation des impacts environnementaux de l’agriculture), et d’autres ressortent des sciences humaines et politiques (comme le choix des mesures à prendre suite à cette évaluation des impacts). Les agrologues ont montré que toute question doit être traitée en intégrant l’apport des sciences humaines (sociologie, anthropologie,… à l’exception notable de l’économie), ainsi que l’avis de toutes les Parties Prenantes (ce qui, pour l’agriculture, inclut toute personne à qui il arrive de s’alimenter). La supériorité évidente de cette méthode est son caractère beaucoup plus démocratique, sans compter le fait qu’elle met automatiquement en minorité ces retardataires d’agronomes.
- Pour les agronomes, les approches systémiques et réductionnistes sont complémentaires, car l’approche systémique permet d’identifier tous les facteurs agissant sur et à l’intérieur d’un système, et l’approche réductionniste permet de quantifier l’importance de chaque facteur et les interactions entre eux. Pour les agrologues, les approches systémiques sont supérieures aux approches réductionnistes et permettent de s’en dispenser, et sont elles-mêmes encore surpassées par les approches holistiques. Par exemple, l’agriculture bio est supérieure à l’agriculture raisonnée (approche réductionniste), car elle est plus systémique (elle prend en compte les services écosystémiques[2]). La biodynamie est encore plus holistique que le bio, car elle prend aussi en compte les cycles des astres et l’état de dynamisation de l’eau.
- Les agronomes croient encore que les agricultures françaises ou européennes ont pour mission de produire des aliments de qualité, et éventuellement des biocarburants, à un coût acceptable pour tous les citoyens, et en évitant tout risque pour la santé humaine et l’environnement. Les agrologues ont pris acte de ce que leur rôle réel est de produire des services écosystémiques (dont l’alimentation fait certes partie, mais son importance ne doit pas être surestimée), en s’interdisant tout danger pour la Santé Unique (santé humaine et animale, et bon état des écosystèmes). En conséquence :
- Pour les agronomes, le principe de précaution doit s’appliquer quand une technique n’a pas réussi à démontrer l’absence de risque. Pour les agrologues, il doit s’appliquer sitôt que l’on a montré que cette technique présente un danger. Cela tombe bien, car la démonstration d’un danger est beaucoup plus facile que celle d’une absence de risque[3]. Cela explique la remarquable productivité des toxico-agrologues, par rapport aux tâcherons des agences sanitaires, qui passent leur temps à courir après les lanceurs d’alertes des agrologues[4].
- Les agronomes estiment que les risques associés à l’usage des intrants agricoles doivent être évalués de la même façon, quelle que soit l’origine de ces intrants. Les agrologues considérent que les pesticides issus de la chimie organique doivent être beaucoup plus surveillés que ceux issus de la chimie minérale (comme le sulfate de cuivre) ou les extraits de plantes (comme l’huile de neem, dont les effets pertubateurs endocriniens sont sans danger, puisque naturels). A l’inverse, les engrais issus de la chimie minérale leur paraissent beaucoup plus polluants que les engrais issus de la biochimie organique[5]. On voit par là que l’agrologie est une science plus subtile, et que sur certains sujets elle peut être plus réductionniste que l’agronomie.
- Les agronomes pensent que l’agroécologie devrait être la forme d’agriculture qui permet de minimiser les impacts environnementaux de l’agriculture nécessaire pour nourrir le monde. Les agrologues estiment qu’elle doit être un changement de paradigme conduisant à une 3ème révolution agricole qui éradiquera l’agriculture intensive, même si cela conduit à promouvoir des modes de production extensifs ayant une plus forte empreinte carbone ou plus néfastes à la biodiversité globale[6].
- En résumé, les agrologues enjoignent les agronomes de changer de paradigme. Les agronomes trouvent que les agrologues devraient mettre des bottes plus souvent.
Méthodologies statistiques :
- Les agronomes considèrent qu’une corrélation ne démontre pas une causalité ; d’après eux, une corrélation suggérant une relation de causalité devrait être vérifiée par une expérience sur le facteur supposé causal, pour confirmer (ou pas) ce lien de causalité. Pour les agrologues, cette approche prouve un attachement maladif au réductionnisme, alors qu’une corrélation suffit largement à prouver une causalité, du moment que l’on a bien ajusté les facteurs de confusion.[7] Exemple : une corrélation positive au champ entre une forte présence d’abeilles et un rendement élevé chez le colza montre que les butineurs font gagner 35 % de rendement, même si les expériences réductionnistes montrent que des colzas sous grillage, inaccessibles aux abeilles, n’ont que des pertes de rendement minimes[8].
- Pour les agronomes, une absence de corrélation ne démontre pas une absence de causalité. Pour les agrologues, c’est une preuve suffisante, par exemple pour démontrer que les pesticides n’ont aucun effet sur le rendement et les revenus des exploitations agricoles, et donc que ces benêts d’agriculteurs, qui ne savent pas comment dépenser tout leur argent, se font berner par l’agrochimie[9]. Ou, pour prendre un exemple plus technique, que les hyménoptères parasitoïdes du méligèthe du colza sont un agent de biocontrôle efficace, quelle que soit la densité de population des méligèthes, bien que les expérimentations réductionnistes prétendent que l’efficacité des agents de biocontrôle dépend toujours de la densité de population des insectes ravageurs (d’où la notion bassement réductionniste de courbe de réponse fonctionnelle)[10].
- Pour les agronomes, un résultat significatif à 5% signifie que l’on a une chance sur 20 de se tromper en l’acceptant ; pour un agrologue, cela signifie que ce résultat est démontré, même s’il sort d’une liste de 20 résultats dont 19 non significatifs[11].
Relations avec la société civile et la politique
- Les agronomes conseillent les agriculteurs ; les agrologues conseillent Nicolas Hulot et le personnel politique éclairé.
- Les agronomes considèrent que la politique agroécologique devrait être basée sur des indicateurs d’impact environnementaux (émissions de gaz à effet de serre, impacts sur la biodiversité) ; les agrologues exigent que les indicateurs environnementaux ne soient publiés que s’ils sont en cohérence avec les politiques publiques et les attentes des consommateurs[12],[13]. Cette approche permet de s’assurer que les objectifs affichés par la politique agroécologique ne seront jamais démentis par les faits, ce qui aurait un effet désastreux sur la confiance des citoyens dans le pouvoir politique.
- Les publications les plus importantes des agronomes sont parfois citées dans La France Agricole ; celles des agrologues ont une place d’honneur, le jour même de leur parution, dans Libération et la rubrique « Planète » du Monde (Journal dont nous tenons à souligner ici le rôle majeur dans le triomphe actuel de l’agrologie). S’ils sont martelés suffisamment longtemps, les travaux des agrologues finissent même par entrer dans les manuels scolaires (exemple : les « glyphotests » de Générations Futures, qui trouvent du glyphosate partout, même là où la chromatographie n’en voit pas[14], sont à l’honneur sous le thème « S’approprier, Analyser, Raisonner les connaissances scientifiques » dans certains manuels de Physique-Chimie de 2nde [15])
- Les agronomes considèrent que toute forme d’agriculture peut être critiquée, si c’est avec des arguments scientifiques. Les agrologues partagent ce point de vue (et l’appliquent sans modération) pour l’agriculture conventionnelle, mais considèrent qu’un scientifique qui l’applique à l’agriculture bio se range dans la catégorie honnie des « marchands de doute ». Pour donner des exemples parlants pour tous les téléspectateurs : malgré les réactions outrées des Gardiens de la Raison dénoncés par Stéphane Foucart du Monde[16], les reportages d’Elise Lucet, qui donnent la parole à toutes les parties prenantes[17], sont bien supérieurs à ceux de Mc Lesggy, agronome de formation et donc représentant d’un point de vue partial[18]. Les plus modérés des agrologues concèdent toutefois que l’on peut critiquer un aspect de l’agriculture bio, à condition de rappeler immédiatement tous ses innombrables bienfaits par ailleurs,[19].
- Le point de vue des agronomes recoupe souvent celui des agriculteurs et des acteurs de l’agrofourniture : cela prouve leur collusion avec le lobby agro-industriel. Celui des agrologues est toujours en phase avec les intérêts du secteur de l’agriculture bio : cela démontre leur indépendance d’esprit, et la force de leur engagement anti-capitaliste.
Pour éviter toute ambiguïté et tout amalgame, il est important de rappeler que les différences entre l’agronomie et l’agrologie portent sur leurs méthodes, et non sur leurs objets d’étude. L’agroécologie, en tant que « façon de concevoir des systèmes de production qui s’appuient sur les fonctionnalités offertes par les écosystèmes » (définition du Ministère de l’Agriculture) peut donc être abordée aussi bien par l’agronomie que par l’agrologie (même si c’est surtout sa version agrologiste qui est présentée dans les médias).
« Farm to Fork » et nouvelle PAC : première application de l’agrologie à l’échelle d’un continent
Les postulats théoriques de l’agrologie semblent complexes, mais ils ont finalement une traduction assez simple en matière de politique agricole : l’agriculture intensive est à l’origine de tous les maux. Un développement massif de l’agriculture bio, accompagné de restrictions des intrants de synthèse sur les cultures conventionnelles qui restent, est donc la garantie d’un retour à un monde meilleur, si dans le même temps on réduit suffisamment la consommation de viande et produits animaux et le gaspillage alimentaire. Avec ses objectifs de réduction des pesticides et des engrais (50 et 20% respectivement), de développement du bio à 25% des surfaces, et de passage à 10% des Surfaces d’Intérêt Écologique non productives, le plan européen Farm to Fork et sa traduction dans la nouvelle PAC (Politique Agricole Européenne) constitueront le premier test de déploiement du projet agrologique à l’échelle d’un continent. De nombreux agrologues ont dénoncé le manque d’ambition de cette nouvelle PAC[20], mais voyons le verre à moitié plein : malgré son manque de radicalité, elle constitue déjà une expérimentation systémique d’une ampleur inédite, et ses instigateurs ont su tirer les leçons des tentatives précédentes pour se donner toutes les chances de succès dans ce grand bond en avant. En effet le chemin de l’agrologie pratique a jusqu’à présent été plutôt caillouteux.
Un précurseur malheureux, victime de son époque
Malgré son audace, le test grandeur nature de la nouvelle PAC n’est pas tout-à-fait sans précédent. Dans les années 30 à 50 du siècle dernier, l’URSS avait tenté une expérience de même ampleur, en appliquant à grande échelle les théories d’un illustre précurseur de l’agrologie, Trofim Lyssenko. Ce pionnier avait senti le premier la nécessité de décloisonner l’agronomie, en la fertilisant par l’apport des sciences humaines, en l’occurrence le marxisme, et en prenant en compte les Parties Prenantes, pour bâtir une agronomie prolétarienne et évincer la génétique bourgeoise[21]. Certes, cette première expérience n’était pas holistique, car elle ne portait que sur la génétique, et elle n’a pas été très concluante, mais il faut la replacer dans son contexte : comme tout génie trop en avance sur son époque, T. Lyssenko a toute sa vie été en butte aux critiques répétées des forces réactionnaires, et sa doctrine a fini par se fracasser sur deux écueils :
- Il a dû déployer ses théories dans un pays encore très rural, très pauvre, et à l’économie complètement fermée. Les petites erreurs de jeunesse inhérentes à toute politique agricole disruptive se payaient donc immédiatement en milliers de victimes.
- Il avait tenté de démontrer la justesse de ses théories par des expérimentations de terrain : c’était vouloir se battre contre les agronomes avec leurs propres armes. Ceux d’entre eux qui n‘étaient pas partis au Goulag n’ont pas manqué de fomenter une contre-révolution agronomique, sitôt que le despotisme éclairé qui avait permis l’essor du lyssenkisme a commencé à vaciller.
En rappelant cet exemple historique, nous sommes bien conscients du fait que l’allusion à Lyssenko est pour les agronomes l’équivalent du point Godwin, qui met fin à tout espoir de discussion constructive (tout comme le rôle des firmes chimiques allemandes pendant le nazisme pour les agrologues). Comme nous sommes ici entre lecteurs policés, cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir sereinement aux risques qu’encourt une politique agricole très innovante, et que l’on qualifiera prudemment comme pas totalement éprouvée sur le terrain. De ce point de vue, il faut bien reconnaitre que le contexte est maintenant différent, et que l’époque est sans doute plus mure pour tenter une nouvelle expérience à l’échelle d’un continent :
- Elle va se dérouler dans 27 pays uniformément prospères, dont les 445 millions de citoyens ont tous exprimé avec enthousiasme leur acceptation d’une transition vers une alimentation plus sobre, et l’augmentation des prix alimentaires qui en résultera. Et si par hasard la réduction de leur demande alimentaire n’était pas tout de suite à la hauteur de la baisse de production qui ne manquera pas de se produire, ce ne serait pas si grave : dans notre monde globalisé actuel, des voisins bienveillants comme les USA, le Brésil et l’Argentine, ou l’Ukraine et la Russie se feront un plaisir de suppléer aux déséquilibres provisoires qui pourraient surgir entre l’offre et la demande alimentaire de l’Europe, comme ils le font déjà depuis plusieurs décennies pour les protéines. D’ailleurs les USA ont déjà fait tourner leurs calculettes, pour évaluer dans quelle mesure cette expérience grandiose pourrait solliciter de nouveau leur philanthropie agricole[22].
- Les agrologues modernes, instruits par l’expérience lyssenkienne, se gardent bien de soumettre leurs théories à la tyrannie des faits mesurables dans des expériences de terrain, forcément réductionnistes : comme nous l’avons déjà vu à propos des références 8 à 10, quand leurs méthodes statistiques conduisent à des résultats contradictoires avec ceux de l’agronomie classique, ils se gardent bien de le souligner, et de chercher à départager les deux approches, même quand ils ont déjà toutes les données pour le faire[23]. Seule une expérience grandeur nature à l’échelle d’un continent serait suffisamment systémique pour démontrer la justesse de leurs vues. C’est à cet instant historique que nous arrivons maintenant.
L’agrologie est donc désormais prête à démontrer sa validité à grande échelle dans le monde actuel, mais il faut rester vigilants. Une autre expérience toute récente, et non close à l’heure actuelle, rappelle la capacité de nuisance intacte de l’agronomie. Le Sri Lanka s’est lancé début 2021 dans une conversion totale de son agriculture vers le bio. Dès cet automne, il a dû faire machine arrière en réautorisant certains pesticides, et annoncer des actions pour que les engrais organiques, seuls autorisés en bio, soient disponibles pour tous les agriculteurs, contrairement à ce qui s’est passé en 2021. La principale mesure annoncée pour l’instant dans ce but est la lutte contre la « mafia des importateurs d’engrais de synthèse », ce qui devrait sans doute régler ce problème de disponibilité des engrais organiques, éternel goulot d’étranglement du bio. Les forces réactionnaires ont sitôt conclu à un échec de cette conversion totale au bio[24], comme pour d’autres expériences récentes, au Bouthan par exemple[25]. La réalité est toute autre : le Président Sri-Lankais a confirmé que la politique agricole nationale restera verte, et que les problèmes rencontrés en 2021 sont l’effet de la mauvaise formation des agriculteurs, pour laquelle il a tancé les officiels responsables de cette mauvaise éducation[26]. Ce recul apparent de la politique verte sri-lankaise n’est donc sans doute que provisoire, le temps de ré-éduquer les agriculteurs, encore conditionnés par des décennies de propagande agronomique.
Ces évènements récents confirment que, si l’époque est enfin favorable à l’agrologie, les vents contraires se lèvent très vite en cas de problèmes, et que les gouvernements qui choisissent cette voie doivent être plus persévérants que le gouvernement sri-lankais, pour ne pas discréditer cette jeune science dès le premier obstacle. De ce point de vue, nous pouvons être optimistes : l’Union Européenne a montré à de nombreuses reprises sa capacité à résister à la dictature des faits, et à ne pas renoncer dès les premières difficultés à faire prévaloir ses théories avant-gardistes.
Cette modeste tentative pour clarifier les évolutions récentes des sciences agricoles ne prétend pas à l’exhaustivité, mais nous espérons qu’elle sera utile aux lecteurs désireux de mieux comprendre les enjeux des débats environnementaux autour de l’agriculture. Nous avons déjà signalé par ailleurs[27] les efforts éminents de Stéphane Foucart au Monde, pour repérer et faire connaître les publications les plus marquantes de l’agrologie, et pour dénoncer l’excès de rigorisme scientifique des agronomes[28]. Mais un seul journaliste, si talentueux soit-il, ne peut à lui seul faire un inventaire complet des pistes que l’agrologie propose pour la politique agro-environnementale. Notre ambition est d’aider à la reconnaissance du changement de paradigme qui a touché l’agronomie, et de lui proposer un nom qui permettra de mieux reconnaitre ce bouleversement épistémologique. Nous espérons que ce néologisme d’« agrologie » aidera les citoyens à mieux reconnaître la bonne science agricole, et que le monde agricole s’en saisira pour faire connaitre tous les travaux scientifiques qui font vraiment entrer l’agriculture dans la science post-moderne.
[1] https://dicoagroecologie.fr/encyclopedie/approche-systemique/
[2] Rappelons ici que les agronomes affirment que l’agriculture raisonnée les intègre aussi, mais c’est encore un autre débat dans lequel nous ne rentrerons pas ici.
[3] https://www.academie-agriculture.fr/system/files_force/seances-colloques/20200513presentation1.pdf?download=1
[4] https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/antibiotiques-glyphosate-le-cocktail-de-la-6eme-extinction/
[5] https://www.linkedin.com/pulse/engrais-azot%C3%A9s-le-gros-mensonge-par-omission-du-monde-philippe-stoop/
[6] https://www.europeanscientist.com/fr/environnement/quand-lagriculture-bio-veut-censurer-lademe-et-linrae/
[7] https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/1722020-n3af-2020-1-sante-et-alimentation-attention-aux-faux
[8] https://www.agriculture-environnement.fr/2020/01/23/agroecologie-attention-aux-promesses-prematurees
[9] http://www.forumphyto.fr/2018/02/28/inutile-le-desherbage-quand-lagroecologie-nie-lagronomie-et-lecologie/
[10] https://www.agriculture-environnement.fr/2020/06/23/agroecologie-transition-revolution-ou-saut-dans-vide-cas-des-meligethes-du-colza et https://www.agriculture-environnement.fr/storage/pdf/agroecologie-cas-meligethes-colza.pdf pages 7-8 pour des explications plus détaillées
[11] http://www.forumphyto.fr/2016/04/01/pours-sourire-et-sinstruire-statisticien-epidemiologiste-astrologue-quel-scientifique-etes-vous/(pour la théorie) et http://www.forumphyto.fr/2017/10/10/perturbateurs-endocriniens-une-etude-hautement-significative-des-troubles-du-comportement-des-chercheurs/ (pour la pratique)
[12] http://itab.asso.fr/divers/Note%20ITAB_ACV%20&%20Agribalyse%2020201211_web.pdf , page 42
[13] https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/lacv-analyse-du-cycle-de-vie-indicateur-dimpact-environnemental-ou-concours-de-vertu-ecologiste/
[14] https://www.lepoint.fr/societe/preuve-a-l-appui-les-glyphotests-sont-bidon-19-12-2019-2354140_23.php
[15] Manuel de Physique-Chimie de 2nde, collection SIRIUS, éditions NATHAN, page XX
[16] https://www.afis.org/Glyphosate-sur-France-2-decryptage-de-deux-heures-de-desinformation
[17] https://www.france.tv/actualites-et-societe/magazines-d-actu/860147-glyphosate-comment-s-en-sortir.html
[18] https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/03/16/la-recherche-publique-doit-se-mobiliser-pour-se-premunir-de-l-instrumentalisation-du-doute-scientifique_6073381_3232.html
[19] https://www.youtube.com/watch?v=vWmGrTlF1z0 , à partir de 1h30’
[20] https://www.novethic.fr/actualite/environnement/agriculture/isr-rse/la-nouvelle-pac-est-votee-deux-nouvelles-regles-pour-verdir-l-agriculture-font-polemique-150338.html
[21] https://fr.wikipedia.org/wiki/Trofim_Lyssenko
[22] https://www.ers.usda.gov/webdocs/publications/99741/eb-30.pdf?v=863.3
[23] https://www.agriculture-environnement.fr/2020/03/10/agroecologie-attention-aux-promesses-prematurees-biodiversite-adventices
[24] https://www.europeanscientist.com/en/features/the-adoption-of-organic-agriculture-by-sri-lanka-was-a-debacle-others-take-note/
[25] Les échecs du 100% bio, exemples de quelques tentatives (agriculture-environnement.fr)
[26] https://dailynews.lk/2021/11/23/local/265376/no-change-green-agriculture-policy
[27] Un diplôme de désinformation décerné par S. Foucart (Le Monde) | LinkedIn
[28] https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/10/27/en-matiere-de-sante-publique-le-rigorisme-scientifique-est-une-posture-dangereuse_5375460_3232.html
A lire également
The Adoption of Organic Agriculture by Sri Lanka Was a Debacle. (Others, take note.)
L’extinction de 75% des insectes : Comment naît une légende scientifique
Agribashing : procès contre les agriculteurs ou crime contre l’humanité ?
Borlaug vs Vogt : limiter la population, ou développer l’agriculture de précision ?
L’affaire Lysenko : retour d’une fake news à plusieurs millions de morts ?
Avènement de l’Agrologie ? Vraiment ?
Le Que Sais-Je ? n° 1412, sorti en 1971, il y a 50 ans, a pour titre « L’agrologie », par Jean Boulaine. On y trouve , page 7, « Le Domaine de l’Agrologie ».
Pour rester dans l’actualité, je me permets de vous indiquer la sortie de mon livre: « La Vache Heureuse. Cheminer avec des pionniers de l’Agriculture du Vivant », Vérone Editions, 14€, par Philippe Godin et Anton Sidler, agriculteur; préface de Stéphane Le Foll, Ministre de l’Agriculture promoteur de l’agroécologie.
Cordialement.
Vous avez raison, le mot existait déja. Cela m’a fait un peu hésiter, mais comme il est très peu usité dans ce sens en France (apparemment un peu plus au Québec si j’en crois Google), je me suis permis de l’accaparer.
A noter que, dans son sens ancien, l’agrologie a un synonyme qui me parait plus approprié : l’édaphologie, un nom qui annonce mieux ses spécificités par rapport à l’agronomie générale.
Bien cordialement