Après avoir décidé de mettre un terme à sa carrière politique, Bernard Accoyer, ancien président de l’Assemblée nationale, a lancé Patrimoine Nucléaire et Climat. Cet homme politique passionné de science nous dit tout sur son nouveau projet d’ONG.
TheEuropeanscientist : Tout au long de votre carrière politique vous vous êtes investi sur les problématiques scientifiques. Pourquoi cet intérêt ?
Bernard Accoyer : J’ai toujours été passionné par les sciences. Les capacités cognitives et de communication de l’homme ont conduit notre espèce à dominer toutes les espèces vivantes à l’exception de micro-organismes … dont les virus, ils nous le rappellent aujourd’hui.
Les défis qui sont devant nous, quels qu’ils soient, ne pourront être surmontés que par la science. Qu’il s’agisse du dérèglement climatique, de la ressource hydrique et alimentaire ou de l’économie circulaire.
TES : En 2017 vous êtes avec Jean-Yves Le Déaut à l’origine d’une résolution sur les sciences et le progrès dans la République. Quelles étaient les grandes idées de ce texte ? Pourquoi avoir lancé cette initiative ? Quel bilan tirez-vous ? Votre combat a-t-il été repris par des politiques ?
B.A. : Portée par des députés de tous les groupes politiques, cette résolution a été adoptée à l’unanimité. Elle fait le constat que la République a peu à peu restreint la place des sciences dans ses débats et ses décisions.
Nous avions jugé cette résolution nécessaire en raison de la remise en cause ou de la méconnaissance de données scientifiques reconnues au profit de croyances ou d’idéologies.
Quatre ans plus tard, force est de reconnaître, hélas, que la situation n’a guère changé. Le débat sur la vaccination en est un exemple concret. Espérons que cette satanée pandémie restaurera quelque peu la place de la science dans les décisions des pouvoirs publics et dans l’esprit de nos compatriotes.
TES. : Alors que vous avez pris votre retraite politique, vous lancez PNC-France, une ONG au service du nucléaire dans nos territoires. Quels sont les enjeux et quelles sont vos ambitions au travers de cette association ?
B.A. : Nous avons créé l’ONG « Patrimoine Nucléaire et Climat » avec des soutiens de personnalités scientifiques dont deux Prix Nobel, et de politiques de toutes sensibilités.
Notre but est de préserver à la fois le climat et la filière nucléaire française qui constitue un précieux patrimoine scientifique, industriel et humain fournissant 70 % de notre électricité décarbonée faisant de la France le leader des pays du G7 et le co-leader en Europe quant à ses émissions de gaz à effet de serre.
Il s’agit pour PNC de mettre en garde contre un affaiblissement déjà patent de notre filière nucléaire pourtant remarquable et de la relancer car elle est jugée indispensable pour atteindre nos objectifs climatiques, industriels, économiques et sociaux.
TES. En France, le débat sur la transition énergétique mobilise de plus en plus l’opinion comme on l’a vu récemment au travers de passe d’armes entre l’animateur Stéphane Bern et la Ministre Barbara Pompili. Par ailleurs on voit que les choses évoluent : 6 Français sur 10 se disent favorables au nucléaire et l’opposition aux ENR monte de plus en plus. Pourtant le gouvernement semble s’obstiner dans sa politique de développement des ENR et de sacrifices de la filière nucléaire. Jusqu’où cela peut-il évoluer ?
B.A. : Les Français ont du bon sens et malgré le matraquage des lobbys des énergies renouvelables, devant les décisions gouvernementales défavorables au nucléaire, sans fondement autre que politique, telle la fermeture de la centrale de Fessenheim en 2020 qui aurait pu produire encore vingt ans, pour un coût de 10 milliards d’euros, devant le développement à marche forcée des énergies renouvelables intermittentes et coûteuses pour le contribuable et le consommateur, les Français à juste titre, prennent conscience que cette politique énergétique conduit à des échecs. Echecs sur le plan environnemental, climatique, industriel, social et financier. Les Français ont conscience que le nucléaire est un atout national, ils l’ont financé, et ils vont demander des comptes sur cette politique ainsi qu’un changement de cap pour l’avenir.
L’élection présidentielle s’emparera, c’est inévitable et nécessaire, de ce débat aux enjeux majeurs.
TES. : Pourquoi la défense du nucléaire est importante pour un pays comme la France ?
B.A. Quand on dispose d’un atout envié, il doit être préservé. C’est le cas de la filière électro nucléaire française qui compte 220 000 emplois, dont beaucoup de haute technologie, fournit une électricité décarbonée et pilotable, à un prix raisonnable, un avantage compétitif et pour le pouvoir d’achat.
TES. : Les adversaires du nucléaire affirment qu’ils sont contre au nom de principes écologistes. Qu’avez-vous à leur répondre ?
B.A. : Pour les choix énergétiques, comme en toute chose les préjugés n’ont pas leur place. Il ne s’agit pas d’être par principe pour ou contre telle ou telle énergie. Il s’agit de tenir nos objectifs climatiques dans les meilleures conditions de supportabilité financière et d’acceptabilité sociétale. Autrement dit de rechercher les meilleures solutions afin d’obtenir le prix le plus bas pour la tonne de carbone évitée.
Le nucléaire est avec l’hydraulique, l’énergie pilotable la plus décarbonée. Elle est totalement nationale, assurant notre indépendance ce qui n’est pas le cas des énergies renouvelables, sa densité énergétique lui confère des avantages majeurs quant à l’espace occupé, son empreinte paysagère et sur la biodiversité, elle est l’activité la plus surveillée et la première à avoir instaurée en recyclant ses déchets un système industriel circulaire. Elle est selon l’UNCSEAR (ONU) la plus sûre et elle a développé en France une solution sécurisée pour ses déchets ultimes.
TES.: Que pensez-vous de la politique énergétique européenne ? Le Green deal va-t-il dans le bon sens ? L’UE n’est-elle pas sous l’influence de l’Energiewende et si oui, est-ce une bonne chose ?
B.A.: La politique énergétique européenne, si elle n’est pas modifiée, conduira par la fermeture de puissances pilotables fossiles et nucléaires très importantes, soit au black-out, soit à la construction de centrales à gaz pour suppléer à l’intermittence des énergies renouvelables. Dans les deux cas, ce sera un échec.
Cette politique ruineuse est déjà un échec en Allemagne, qui ne sortira du charbon qu’en 2038, où 500 milliards d’euros ont déjà été investis dans les énergies renouvelables sans réduire les émissions suffisamment, tant s’en faut, pour atteindre les objectifs fixés par l’Union Européenne : diminution de 55 % en 2030 par rapport à 1990 et neutralité carbone en 2050.
La pression de l’Allemagne et de quelques pays qui sont opposés au nucléaire ne peut méconnaître les intérêts des dix pays de l’UE qui se sont tournés vers le nucléaire pour relever le défi climatique.
Le nucléaire ne saurait être exclu de la taxonomie de la finance durable.
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