La France et l’Allemagne qui s’opposent sur la place du nucléaire dans la production d’électricité se rejoignent pourtant sur l’obligation de recourir au charbon afin de faire face aux possibles pénuries qui menacent l’Europe ce prochain hiver (1).
La France et l’Allemagne qui s’opposent sur la place du nucléaire dans la production d’électricité se rejoignent pourtant sur l’obligation de recourir au charbon afin de faire face aux possibles pénuries qui menacent l’Europe ce prochain hiver. Alors que la centrale à charbon de St-Avold en Moselle avait cessé sa production d’électricité le 31 mars dernier, le gouvernement vient ainsi de décider son redémarrage dès l’hiver prochain. Confronté aux conséquences de l’une des pires crises de l’énergie que le monde ait connue, c’est un premier geste de l’Exécutif en direction d’une politique de l’énergie qui se veut pragmatique. Tant pis pour le climat, les centrales à charbon contribuant au réchauffement climatique avec des émissions de 1000 grammes de CO2 pour chaque Kwh produit, contre seulement 4 g de CO2 par kWh produit par les centrales nucléaire comme celle de Fessenheim arrêté prématurément il y a deux ans et qui apportait 3 fois plus de puissance et émettait 250 fois moins de CO2 par kWh que la centrale de St-Avold.
C’est la même situation en Allemagne, où l’on va massivement remettre en route des installations similaires. Mais aussi où, mangeant leurs chapeaux, nos amis d’Outre-Rhin envisagent enfin de reporter l’arrêt annoncé de leurs derniers réacteurs, l’essentiel étant bien d’éviter des coupures l’hiver prochain.
Il n’est que temps de passer des paroles aux actes …
La situation actuelle démontre que la politique énergétique de ces dernières années ne permet pas de garantir la disponibilité d’une électricité répondant à tout moment à la demande, et cela malgré une envolée de son prix. Alors que la filière nucléaire se met en ordre de bataille pour relever le défi proposé par le Président de la République le 10 Février à Belfort, la mise en œuvre d’un plan « Marshall » pour lancer notamment un programme cohérent de construction de 6 à 14 réacteurs nucléaires, comme l’a réclamé l’ASN, est une évidence.
Pourtant, il est incompréhensible que notre gouvernement qui a décidé d’une loi sur l’accélération des seules énergies renouvelables, ait « oublié » au passage l’énergie nucléaire dont on connait le temps nécessaire pour instruire les premières étapes conduisant à la promulgation d’un DAC (Décret d’Autorisation de Création) d’une centrale. Une disposition qui sera par conséquent très loin d’être suffisante pour éviter ces prochaines années des coupures de courant aux effets délétères.
C’est pourquoi l’annonce faite le 24 Août à la sortie du Conseil des ministres d’un projet de loi en septembre pour accélérer tous les projets de production d’énergie, et pas seulement les renouvelables, est une bonne nouvelle avec l’espoir d’une réduction des délais administratifs concernant l’implantation de nouvelles installations nucléaires, sans affecter pour autant leur niveau de sûreté.
Des choix stratégiques pragmatiques et clairement assumés
Dès lors qu’il est admis que l’énergie nucléaire est et restera le socle de notre outil de production d’électricité, les énergies renouvelables étant une composante d’appoint, il peut être utile de rappeler les points demandant des prises de décision rapides pour disposer d’une électricité à prix stable et accessible, répondant à nos objectifs climatiques :
- Révision immédiate des textes législatifs et règlementaires qui définissent notre politique énergétique sur la base d’analyses validées scientifiquement et non sur une approche dogmatique, en cohérence avec le plan de relance du nucléaire décidé par Emmanuel Macron.
- Remise à niveau de l’ensemble des compétences et moyens industriels nécessaires, dans une vision à long terme portant sur toutes les étapes du cycle de vie des installations.
- Prolongation de l’exploitation des réacteurs actuels aussi longtemps que possible, sous réserve de l’accord de l’ASN.
- Construction dans les meilleurs délais de 6 réacteurs EPR2 et engagement a minima de 8 autres. L’estimation des besoins en 2050 devrait être réactualisée avec des hypothèses réalistes, ce qui conduira à engager la construction d’un nombre de réacteurs significativement plus élevé.
- Engagement des travaux de CIGEO, installation de stockage géologique des déchets de haute activité à vie longue dont la déclaration d’utilité publique vient d’être publiée, et d’une piscine d’entreposage des assemblages combustibles usés à La Hague
- Reprise des actions de recherche et développement sur les réacteurs surgénérateurs à neutrons rapides, dits de 4ème génération. La France disposerait en effet avec ce type de réacteur de réserves de combustible quasi illimitées, garantissant ainsi notre indépendance tout en apportant la meilleure réponse à la question des déchets radioactifs, utilisables dès lors comme combustible.
- Simultanément, accélération du lancement des petits réacteurs modulaires (SMR).
- Refonte en profondeur de l’organisation du marché européen de l’électricité dans le cadre des traités, afin que chaque pays, libre du choix des technologies qu’il souhaite exploiter, assume les conséquences de ses choix. Mais aussi avec l’objectif pour notre pays de ne pas continuer à répercuter la crise du gaz sur l’électricité avec des prix délirants qui vont ruiner les consommateurs domestiques et les industriels et mettre le pays à feu et à sang parce que le gouvernement ne pourra pas suivre avec un bouclier tarifaire au niveau requis.
Cette nouvelle politique ne peut se concevoir qu’avec un engagement politique fort, très loin dans son principe des errements stériles de la Conférence citoyenne pour le climat.
C’est à ces conditions que le fâcheux précédent de l’arrêt de Fessenheim aura eu au moins le mérite de contribuer à une prise de conscience de nos dirigeants pour bâtir une politique de l’énergie ambitieuse, respectueuse de l’environnement et du climat, et utile à l’intérêt général, celui des entreprises et des particuliers.
(1) Texte librement inspiré d’une publication du collectif « Sauvons le Climat ».
A lire également
« Atomkraft Nein Danke ! » ou « La triste saga de l’irréprochable nucléaire civil allemand »
« Electriquement correct », la nouvelle branche tutélaire de la discipline
Angela Merkel recule sur Nord Stream II par solidarité avec l’Ukraine