Depuis que tant d’efforts – ou au moins déclarations d’intention – se déploient « pour le climat », et au nom de la « transition énergétique », on parle beaucoup de « stockage d’énergie ». Mais, bizarrement, peu de gens le pratiquent concrètement, alors que c’est le complément naturel des énergies « bas carbone non pilotables », essentiellement éolienne et solaire …
Depuis toujours, l’Homme a utilisé des « stocks » d’énergie utilisable : ses propres muscles (en fait une puissance assez ridicule selon nos normes actuelles, limitée à 250 watts pour une durée dépassant quelques minutes …), les animaux de trait, la force de l’eau ou du vent pour actionner des moulins, etc.
Puis, un jour récent, l’Homme a su utiliser la chaleur pour produire de l’énergie mécanique par différents types de moteurs, thermiques d’abord, puis électriques. Les moteurs thermiques ont été actionnés par différents « stocks » d’énergie naturelle connus depuis très longtemps : bois, puis charbon, puis pétrole et enfin gaz. Ces stocks contiennent, pour les plus performants, environ 13 kilowatts-heure (= 13 000 watts-heure) par kilogramme (pétrole). Cette énergie est énorme. Elle représente le travail physique soutenu d’un homme (250 watts) pendant plus de 50 heures. Le pétrole est le meilleur stock traditionnel d’énergie utilisé par l’humanité. Il n’en reste pas moins « très » encombrant. Par exemple, un réservoir de 50 litres est monnaie courante sur une automobile. Ce réservoir fait plusieurs centaines de litres sur un poids lourd, des dizaines de tonnes sur un avion long-courrier, et enfin des milliers de tonnes sur un gros cargo. Continuons à raisonner en ordres de grandeur, sans recherche de précision de décimales, mais en prenant des options globalement « pénalisantes » par rapport aux points présentés.
Stocker de l’énergie a toujours été un problème épineux et le reste aujourd’hui
Stocker artificiellement de l’énergie dans une batterie, une masse d’eau ou de béton ou même de l’hydrogène ou un hydrocarbure de synthèse est toujours aujourd’hui une opération technique laborieuse. Son « rendement » global est assez faible : le meilleur rapport entre énergie introduite dans le stock et énergie récupérée est celui du stockage d’eau. Il peut approcher 90% mais pas mieux. Les meilleures batteries actuelles contiennent au mieux 200 Wh (Wh = watts-heure) par kilo. Pour 200 Wh introduits, on en récupère au mieux 160 et on peut espérer les charger-décharger 2 000 fois au maximum …
Or, un kilo de mauvais minerai d’uranium, autre « batterie » massivement disponible sur Terre, contient vingt mille fois plus d’énergie qu’un kilo d’excellentes batteries. En effet, l’uranium est concrètement l’unique matériau naturel sur Terre qui permet d’exploiter la « fission nucléaire ». C’est la seule source d’énergie utilisant la « force faible » intra-atomique, extrêmement concentrée par rapport à toutes les autres sources employées par l’humanité. Pour utiliser complètement cette ressource, il faut employer une machine appelée « surgénérateur nucléaire » (comme le réacteur français « Superphénix »). Il existe aujourd’hui trois surgénérateurs en fonctionnement commercial dans le monde – Chine et Russie –, et plusieurs en construction, en projet ou au stade expérimental.
Notre kilo de « mauvais » minerai d’uranium contient un pour mille d’uranium proprement dit, soit un gramme. Les « bons » minerais d’uranium dépassent largement les 10% de teneur en uranium, donc cent fois plus … Mais restons sur du « mauvais ». « Brûlé » dans un surgénérateur, le gramme d’uranium fournira de la chaleur d’un côté – plus de 15 MWh (= quinze mille kilowatts-heure) –, que l’on pourra utiliser en partie, par exemple pour chauffer des locaux. Et surtout plus de 10 MWh d’électricité. Cela équivaut à l’énergie fournie par plus de mille cinq cents kilos de pétrole. En effet, chaque kilo de pétrole fournit un peu plus de 6 kWh de chaleur et 6 kWh d’électricité.
Le meilleur stock d’énergie connu aujourd’hui
est de très loin l’uranium : tenter de faire mieux est chimérique …
On aura donc dépensé, pour chaque kWh électrique produit, 0,1 milligramme de minerai d’uranium ou 170 grammes de pétrole (environ 20 centilitres, un grand verre). Chaque foyer français dépense en moyenne 3 000 €, soit 8 à 9% de son budget annuel, en énergies de toutes natures, environ deux tiers en bois-charbon-hydrocarbures (disons 2 000 litres de pétrole ou 24 000 kWh) et un tiers en électricité (disons 4 500 kWh). Toujours en ordre de grandeur et par an, ces 28 500 kWh représentent 1,14 kilo de minerai d’uranium ou 2 190 kilos de pétrole.
Un cube d’uranium de 3 cm de côté pèse 500 grammes.
Il contient l’énergie totale suffisant à un foyer français pour 100 ans
(consommation « confortable » de 50 000 kWh par an en tout)
Qui peut rêver meilleure « batterie » ?
Imaginons maintenant de stocker nos 10 MWh dans d’excellente batteries (qui aujourd’hui n’existent pas mais que nous prendrons comme référence) contenant 500 Wh par kilo. Il en faudra 20 tonnes, ou 20 000 charges et décharges d’un kilo de batteries, à remplacer près de dix fois pour obtenir ces 20 000 cycles. Cela ferait près de 10 kilos de batteries à construire puis recycler, pour produire les 10 MWh, soit presque 1 gramme de déchets par kWh restitué. Ramené à la consommation journalière d’un ménage français, moins de 80 kWh par jour, il faut 160 kilos de batteries à 500 Wh par kilo pour l’assurer en une seule décharge – et pas loin de 80 grammes de déchets de batteries à traiter. Il est donc très ambitieux de tenter d’obtenir des batteries dont le kilo soit plus performant « de la mine à la mine » que le kilo de mauvais minerai d’uranium.
Le stock total disponible aujourd’hui – plus de deux millions de tonnes – d’« uranium appauvri » contient plus de deux siècles de toute l’énergie consommée par an dans le monde entier …
De façon plus globale, l’humanité dispose aujourd’hui d’un stock d’uranium métal (et non plus de minerai) disponible, dit « uranium appauvri » de bien plus de 2 millions de tonnes. L’uranium est un métal très dense (environ 20 kilogrammes par litre), ce stock n’occupe donc que 100 000 m3, soit un cube de moins de 47 mètres de côté (environ deux fois l’Arc de Triomphe de l’Etoile à Paris). En effet, depuis 1960 environ, la production d’uranium « naturel » dépasse 40 000 tonnes par an. Sur ces 40 000 tonnes, moins de 15% deviennent de l’« uranium enrichi », combustible pour les 440 réacteurs électronucléaires en service. Les 85% restants, soit plus de 34 000 tonnes, viennent augmenter le stock d’« uranium appauvri », qui ne permet pas d’alimenter la plupart des réacteurs actuels, mais constitue le combustible des surgénérateurs.
Si un gramme d’uranium contient 10 GWh électriques, ces deux millions de tonnes contiennent donc 20 millions de TWh (1 TWh = 1 térawatt-heure = 1 000 GWh) d’électricité (sans même compter la chaleur), ou 3 200 Gtep (Gtep, milliard de tonnes équivalent pétrole). Ce résultat est obtenu en comptant 1 Gtep = 6 250 TWh, calcul très défavorable à l’énergie nucléaire, d’autres donnant 1 Gtep pour 4 000 TWh. En considérant que l’humanité consomme aujourd’hui 15 Gtep par an, cela permet, au rythme actuel, de fournir sous forme d’électricité plus de 200 ans de toute l’énergie consommée aujourd’hui dans le monde entier (y compris charbon, pétrole et gaz naturel).
La surgénération nucléaire fission peut fournir à l’humanité toute son énergie pendant des siècles : elle est la seule …
Les réserves existantes sur Terre de minerais d’uranium à un pour mille et plus représentent plus de 10 millions de tonnes, et ceux de thorium plus de 30 autres millions de tonnes. Le thorium, très abondant en Inde (et en Bretagne …) ne peut d’ailleurs fonctionner que dans un surgénérateur. On note avec intérêt que le total de minerai (en admettant qu’il est tout à un pour mille, alors qu’il y a des minerais beaucoup plus riches, jusqu’à 10% et plus) à extraire ne représente que 40 milliards de tonnes. C’est la masse de charbon extraite aujourd’hui en cinq ans (7 à 8 milliards de tonnes annuelles), ou celle de pétrole en 10 ans (4 milliards de tonnes par an). C’est encore environ le tiers de l’exploitation minière totale annuelle, de l’ordre de 120 milliards de tonnes par an, charbon et tous hydrocarbures liquides et « gaz naturel » compris.
Produire 15 Gtep par an d’énergie (toute l’énergie humaine actuelle) par la surgénération nucléaire fission représente en tout et pour tout 200 000 tonnes de déchets annuels solides à recycler, en tout et pour tout et moins de 600 000 tonnes de CO2
Ces 40 millions de tonnes d’uranium et thorium, soit 400 millions de TWh (ou 64 000 Gtep), alimenteront encore en énergie l’humanité pendant plus de 4 000 ans (à 15 Gtep annuels). Quand l’humanité consommera 100 Gtep par an – six fois plus d’énergie qu’aujourd’hui –, cela durera près de 700 ans. Avec une humanité particulièrement gloutonne qui consommerait 1 000 Gtep annuels (60 fois plus qu’aujourd’hui), il y en aurait encore pour 70 ans. On ne compte pas dans ce calcul l’uranium marin, qui représente plus de 4 milliards de tonnes de métal (environ 100 fois plus que les ressources terrestres uranium et thorium). Mais, dissous à 3 milligrammes par mètre cube d’eau de mer, il reste pour le moment difficile à récupérer industriellement. L’énergie nucléaire fission en surgénérateur est la seule connue et disponible aujourd’hui capable de fournir de telles quantités d’énergie.
Même en tenant compte des déchets produits par le démantèlement des centrales nucléaires elles-mêmes, le volume de déchets « nucléaires » à traiter reste très faible par rapport à ceux de toute autre source
Pour fournir de l’énergie utilisable à l’instant « t » à un client, on n’a que deux solutions : soit on a des capacités de production supérieures à la plus forte demande client instantanée, soit on dispose de « stocks » capables de répondre à cette demande. Ces « stocks » doivent être capables de fournir la même puissance pilotable qu’une installation de production électrique et en sont un type particulier.
Prenons une tranche nucléaire de 1 500 MW (MW = mégawatt, un million de watts). Dans sa vie de 60 ans au moins, elle va produire environ 10 TWh par an, soit au minimum 600 TWh. Sa masse totale est de l’ordre d’un million deux cent mille tonnes de béton et de ferraille. Cela paraît énorme, mais ne représente en fin de compte que deux grammes par kWh produit – donc en bout de course deux grammes de déchets béton-acier à recycler. La tranche nucléaire consomme moins d’une tonne d’uranium fissile par an – et produira moins d’une tonne de « déchets nucléaires » finaux. Consommation d’uranium et production de déchets nucléaires par kWh, inférieures à 0,1 milligramme, sont négligeables par rapport aux autres déchets.
Ce total de déchets de 2 g / kWh représente moins de 200 millions de tonnes de déchets pour produire les 15 Gtep consommés par le monde entier y compris moins de 10 000 tonnes de vrais « déchets nucléaires » radioactifs. En comptant ces 10 000 tonnes avec une densité de 4 (20 pour l’uranium métal), on arrive à 2 500 m3, soit un cube de moins de 14 m de côté.
Utiliser des batteries pour du stockage représente au moins un gramme de déchets à recycler par kWh
Notre tranche nucléaire fournit en une heure 1 500 MWh d’énergie électrique. Pour produire 1 500 MWh en une heure, il faut disposer, à 500 Wh par kilogramme, au minimum de 3 000 tonnes de batteries, en admettant que la batterie peut délivrer ses 1 500 MW en une heure. Cela peut sembler « faible », et ça l’est (2 tonnes par MWh contre 800 tonnes par MW pour la centrale nucléaire). Sauf qu’il faut bien recharger la batterie avec une autre source de production d’électricité, sinon, elle s’arrête. La batterie se comporte en fait comme un carburant qui se consomme. A un gramme de batterie consommé par kWh restitué, cela fait 1 500 kilogrammes pour 1 500 MWh.
Ces 1 500 kilogrammes s’ajoutent aux autres consommations qui ont produit les 1 500 MWh électriques nécessaires pour charger les batteries. Avec notre tranche nucléaire, c’est 150 grammes d’uranium et 3 000 kilogrammes de la propre substance de la centrale. Avec du pétrole, c’est 115 tonnes de pétrole (230 tonnes de CO2 envoyées dans l’atmosphère) et la masse de centrale à flamme elle aussi consommée. Les solutions hydrauliques, éolienne ou solaire ont besoin de 10 à 15 fois plus de matériaux que l’énergie nucléaire pour produire les mêmes quantités d’énergie, soit 30 à 45 tonnes de déchets pour 1 500 MWh, même si ces 30 à 45 tonnes ne contiennent ni déchets radioactifs ni CO2.
La question du stockage n’est apparue que quand on a voulu distribuer à des clients de l’énergie produite par des sources non pilotables, essentiellement éolienne et solaire
Tout cela peut se calculer de façon beaucoup plus précise, mais il n’en est jamais question dans le discours public. N’entrons même pas dans la définition du volume de stockage qui serait nécessaire pour obtenir une alimentation continue avec un mix « éolien-solaire-batteries ». Il est extrêmement complexe, hautement discutable en fonction des hypothèses que l’on prend, et ne change rien aux ordres de grandeur de consommation de batterie, à savoir un gramme par kWh restitué …
En fait, ce problème ne s’est jamais posé avec des sources de production électrique pilotables. Tout le monde admettait que la capacité de production devait être supérieure à la demande maximale, avec donc une part des capacités sous-utilisées par construction. Le sujet n’est devenu un débat public qu’avec l’introduction des sources d’énergie non pilotables (essentiellement éolienne et solaire) qui ne peuvent pas assurer le service sans stockage. Mais la complexité de cet exercice explique sans doute que personne ne se donne la peine de construire vraiment des capacités de stockage. On se contente dans les faits de construire des centrales électriques à gaz, qui feront le job de façon beaucoup plus efficace et moins aléatoire que les batteries, mais en émettant 400 grammes de CO2 par kWh produit. Ah, oui, promis, juré, « un jour » ce sera du « biogaz vertueux ».
La généralisation de la surgénération nucléaire fission donnera donc à l’humanité toute l’énergie « bas carbone » nécessaire pour bien plus que les XXIe et XXIIe siècles. Cela permettra à nos scientifiques de prendre le temps voulu pour mettre au point calmement la fusion nucléaire (ou autre source d’énergie encore plus exotique), qui résoudra « définitivement » le problème de l’énergie. D’ici-là, ils peuvent consacrer une partie de leurs compétences à sécuriser à 100% les réacteurs nucléaires (par exemple en les enterrant, comme le réacteur français « Chooz A », en service de 1967 à 1991) et à résoudre définitivement le problème des « déchets », quantitativement mineur mais démesurément grossi par la propagande se voulant écologiste.
La France a sur son sol assez d’uranium appauvri pour lui fournir toute son énergie actuelle pendant plus de 2 000 ans !
On voit aujourd’hui fleurir des projets à la fois étranges et pharaoniques. Par exemple, alimenter Singapour en électricité à partir de l’Australie par des câbles sous-marins de milliers de kilomètres, ou encore des projets allemands ou belges pour faire venir par méthaniers de l’hydrogène prétendument « vert » fabriqué par des panneaux solaires situés au Sahara. On peut s’interroger sur leur intérêt, par rapport à la construction, nettement moins coûteuse en matériaux et globalement infiniment moins polluante, de surgénérateurs nucléaires en nombre suffisant, sur place en Europe ou à Singapour …
En attendant, les gouvernants français se posent un problème existentiel : convient-il de classer les stocks d’« uranium appauvri » parmi les « déchets nucléaires » ? La France en possède plus de 310 000 tonnes, qui augmentent de plus de 7 000 tonnes par an. La question est surréaliste ! Il s’agit de COMBUSTIBLE, capable de fournir son énergie à la France pendant DEUX MILLE ANS et à toute l’Europe pendant des siècles !
Image par WikiImages de Pixabay
Merci pour cette avalanche de comparaisons à l’avantage du gramme d’Uranium.
Pour marquer les esprits plus efficacement, de beaux graphiques auraient été bienvenus comme ceux mis en forme par Visual Capitalist https://www.visualcapitalist.com/the-worlds-projected-energy-mix-2018-2040/
Vous allez devoir répondre à la question de l’écologiste endoctriné : « Mais, le nucléaire est dangereux et on ne veut pas de Tchernobyl ». C’est irrationnel face au besoin d’énergie, mais le débat est ainsi fait que, j’en ai peur, aucune réponse technologique et factuelle n’arrivera à ébranler leur conviction.
Alors, si la France est engluée, l’Europe figée, il doit bien y avoir des pays pour montrer l’utilité de ce minerai en pratique. Si cela vient de la Chine…. tant mieux pour eux. Nous devrons bien un jour parler chinois.
Merci à vous !
On a aussi une version plus visuelle en magasin :
https://twitter.com/P_TARISSI/status/1376657255479836677?s=20
Si cela peut vous rassurer, l’article d’un « Business Angel » qui parle de propagande écologiste ne s’adresse pas à des écologistes endoctrinés qui se seraient égarés sur ce site.
Il vise simplement à renforcer les convictions des lecteurs
Ben c’est raté, « Looser » …
Mon texte tient un propos technique, la question n’est pas de savoir s’il plaît ou pas, mais s’il est juste ou faux …
Si vous avez des éléments concrets opposés aux points que je présente, on vous écoute attentivement …
A l’écologiste endoctriné qui vous dirait « Mais, le nucléaire est dangereux et on ne veut pas de Tchernobyl », on doit répondre :
On a eu Three Mile Island en 1979. Le coeur a fondu comme à Tchernoby; mais il en est résulté zéro victime et zéro relâchement radioactif.
Donc, déjà en 1979, la technologie occidentale garantissait une sécurité totale, telle que, dans le pire des cas, la seule perte à déplorer était celle du réacteur.
On peut dire que tous les accroissements de sécurité survenus depuis, qui ont coûté fort cher, sont quasiment superfétatoires.