Il n’y a sans doute pas de sujet plus débattu dans le monde que celui la transition énergétique. Que ce soit sur les plateaux de télévision ou dans les repas de famille, chacun y va de son argumentaire qu’il a entendu ou lu. Il reste toutefois compliqué de se faire une opinion construite sur ce sujet complexe et qui relève de thématiques multi-disciplinaires. Rares sont les auteurs qui maitrisent l’ensemble des disciplines et peuvent être en mesure de proposer une vision synthétique et accessible au plus grand nombre. Tel est pourtant l’exploit réalisé par Philippe Charlez, expert énergéticien pour l’Institut Sapiens et auteur fréquent pour European Scientist dans son ouvrage intitulé « Les dix commandements de la transition énergétique » paru en Janvier 2023 chez VA éditions. Comme il nous l’avait confié lors d’une interview : « Il ne faut pas entendre les dix commandements comme dix ordres mais comme dix recommandations. Considérez donc ce livre comme un manuel de bonnes pratiques que tout le monde se doit de lire mais en rien une nouvelle Bible. Les verbes utilisés dans la plupart des commandements (optimiser, adapter, convertir, méfier, accepter ou encore soutenir) sonnent davantage comme des conseils et non comme des injonctions. Toutefois il faut aussi y lire un soupçon de malice pour rappeler que la transition énergétique est devenue pour certains une religion dont les préceptes gravés dans le marbre ne peuvent être discutés. Et comme toute religion, elle est alors instrumentalisée à des fins détournées. Ainsi le réchauffement climatique est aujourd’hui instrumentalisé pour remettre la lutte des classes au goût du jour et s’attaquer à la société de croissance et à son démon capitaliste. C’est ce que j’ai appelé le « climato-gauchisme ». L’honnête homme du 21ème siècle se doit d’avoir lu cette bonne parole d’Evangile pour comprendre les grands enjeux, mais également pour savoir tout simplement quel mode de chauffage il doit choisir pour son domicile…. comme l’illustre ce « Commandement troisième », extrait de l’ouvrage que nous partageons avec vous.
A l’occasion de l’été European Scientist diffuse les bonnes feuilles d’ouvrages en lien avec la politique scientifique.
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Commandement troisième : Ta consommation d’énergie tu optimiseras
oute structure dissipative nait, vit et meurt. Ainsi en est-il de notre « astre du jour ». Dans quatre milliards d’années, il aura brûlé tout son hydrogène et s’éteindra. Bien avant cette mort d’ores et déjà programmée, le système solaire sera plongé dans une pénombre glaciale et l’effet de serre nous tenant aujourd’hui bien au chaud ne pourra empêcher la vie de disparaître sur terre. Cependant, à l’échelle humaine, quatre milliards d’années… c’est l’infini. Si la litanie décroissantiste stipulant « l’utopie d’une croissance infinie dans un monde aux limites finies » n’est pas contestable, où se situe exactement le point de non-retour ? Faut-il dès à présent, pour des raisons de ressources et de déchets, renoncer à deux siècles de développement et prendre le chemin de la décroissance au risque de retourner rapidement au quasi-statut de « chasseur-cueilleur moderne » ? Ou faut-il au contraire amender un modèle, lequel, loin d’être optimisé, a encore de beaux jours devant lui ? Une équation à deux inconnues dont la réponse n’est pas évidente : les victimes climatiques du réchauffement seront-elles nécessairement plus nombreuses en comparaison des victimes économiques de la décroissance ?
Un développement « durable » reposant sur une croissance « soutenable »
Garantir un développement durable s’appuyant sur une croissance soutenable nécessite d’imposer des contraintes à l’épure de la croissance. Appelé « développement durable », ce concept a été formalisé en 1987 dans le célèbre rapport des Nations Unies « Notre avenir à tous ». Son dessein est tout à la fois temporel et spatial : il ambitionne de répondre efficacement aux besoins du présent sans pour autant compromettre les générations futures. Il recherche aussi un nouvel équilibre économique en limitant la croissance des pays riches jouissant d’un niveau élevé de développement au profit des pays émergents. Un pari en partie gagné grâce à la mondialisation de l’économie : en 2019 le PIB des émergents représentait 39 % de la richesse mondiale contre seulement 18 % au début du siècle.
Le Développement Durable repose sur trois piliers complémentaires non substituables : l’environnemental, le sociétal et l’économique. Une transition énergétique harmonieuse réclamera tout à la fois :
- De réduire la consommation d’énergie en général, celle des combustibles fossiles en particulier,
- De sécuriser l’approvisionnement énergétique de tous et notamment des 1,3 milliard de terriens n’ayant pas accès à l’électricité,
- Des prix de l’énergie assurant la compétitivité de l’outil économique.
En d’autres termes, comme le répète souvent Patrick Pouyanné, Président du Groupe TotalEnergies, l’énergie se doit en même temps d’être « propre, disponible et abordable ».
Développement humain et consommation d’énergie. Intensité énergétique.
Durabilité et soutenabilité demandent de repenser en profondeur le concept de développement humain. Il repose aujourd’hui sur trois critères : un pilier économique (le PIB/hab) et deux piliers sociétaux (l’espérance de vie et le nombre moyen d’années d’éducation). En d’autres termes une société est d’autant plus développée si ses citoyens sont riches, éduqués et possèdent une espérance de vie élevée. Compte tenu de la forte dépendance de l’éducation et de la santé vis-à-vis du revenu, la richesse économique reste le principal pilier du développement humain : un haut niveau de développement demande un revenu annuel supérieur à 20 000 dollars par habitant.
En revanche, l’indice de développement humain ne prend en compte aucun critère énergétique. Principal aliment de la croissance, l’énergie est pourtant un ingrédient majeur du développement humain. Sans énergie, il ne peut y avoir de tissu industriel, de services publics et privés, de systèmes de santé et d’éducation performants. Parallèlement au seuil de revenu, il existe un seuil énergétique de l’ordre de 30 MWh par habitant. En dessous de cette valeur, le plongeon dans le sous-développement peut s’avérer très rapide.
Si la consommation du citoyen émergent est largement inférieure au seuil énergétique de développement en revanche celle du citoyen OCDE lui est largement supérieure : en comparaison du citoyen non OCDE, le citoyen OCDE consomme sept fois plus d’énergie.
La comparaison est encore plus éclairante au sein même des pays de l’OCDE. En moyenne, l’Européen consomme annuellement un peu plus de 30 MWh (33 MWh pour le Britannique, 42 MWh pour le Français, 48 MWh pour l’Allemand). En revanche, pour des niveaux de développement équivalents, l’Australien et l’Américain consomment annuellement entre trois et quatre fois le seuil énergétique de développement.
La consommation optimale se situe entre un « socle de pierre » de 30 MWh et un « plafond de verre » de 50 MWh au-dessus duquel le surplus de consommation n’accroît plus le niveau de développement. Aussi existe-t-il une marge importante d’optimisation énergétique de notre société de croissance. La consommation individuelle d’énergie n’est pourtant pas le paramètre le plus pertinent pour qualifier l’efficacité énergétique d’une économie.
Mesurer sans biais cette efficacité demande d’introduire « l’intensité énergétique ». Elle rapporte la consommation d’énergie d’un pays à son PIB. Contrairement à la notion très « Malthusienne » d’économies d’énergie, l’intensité énergétique est un indicateur conciliant création de richesse et consommation d’énergie. Plus l’intensité énergétique est faible plus le pays en question est efficace sur le plan énergétique. Optimiser la consommation d’énergie de notre société de croissance réclame de réduire son intensité énergétique.
Existe-t-il une limite inférieure à l’intensité énergétique ?
Si la réduction de l’intensité énergétique mondiale est continue depuis le début du XXe siècle, il existe une très forte hétérogénéité entre pays OCDE et non OCDE. Les principaux pays européens (France, Allemagne, Grande-Bretagne) ont des intensités énergétiques de l’ordre de 1 kWh/$ (1,21 kWh/$ en moyenne pour l’OCDE) ; pour produire la même quantité de richesses, l’Indien et le Chinois consomment trois fois plus d’énergie en comparaison de l’Européen et le Russe près de cinq fois plus.
Si cette énorme différence s’explique en partie par la délocalisation vers les pays émergents de certaines activités industrielles énergétivores, l’écart provient surtout de l’inefficacité énergétique du modèle économique des pays non OCDE : parc de véhicules mal entretenu, habitat mal isolé, outil industriel souvent obsolète. Aussi, les grandes réserves d’intensité énergétique se situent-elles aujourd’hui dans les pays émergents.
Ce « syndrome du pauvre » se retrouve aussi… chez les riches. Ainsi selon une analyse restreinte aux pays de l’Union Européenne, l’intensité énergétique décroit de façon très nette avec le PIB/hab : une fois encore, cela montre que la transition énergétique est un « sport de riches ».
Si les réserves d’intensité énergétique restent considérables, il n’est pas pour autant possible de découpler totalement l’énergie du PIB : on ne peut en effet produire de la richesse sans énergie. En d’autres termes, il existe une valeur seuil de l’intensité énergétique sous laquelle la société entre de facto dans le décroissantisme. Selon les données disponibles dans les pays de l’OCDE, cette valeur asymptotique serait de l’ordre de 0,6 kWh/$. Elle permet d’estimer les économies maximales d’énergie compatibles avec une croissance économique minimale. Pour la France ce seuil d’intensité énergétique conduit à une réduction maximale de l’énergie finale d’environ 25 % par rapport à la valeur 2019.
Aussi faut-il se méfier de scénarios exhortant sans discernement une sobriété énergétique radicale. Celui du collectif Negawatt retenu comme cas de base par La France Insoumise lors de la Présidentielle 2022 prône 55 % de réduction de la consommation d’énergie à l’horizon 2050. Il conduirait à réduire de 20 % le PIB/hab français par rapport à sa valeur 2019. La conclusion est similaire pour le scénario RTE retenu par le Président de la République dans son programme 2022 : les 40 % de réduction de l’énergie finale ne permettraient plus d’assurer une croissance économique minimum sur la période 2040 à 2050.
L’énergie primaire (énergies directement disponibles dans la nature) contribue à quatre usages principaux : l’habitat, les transports, l’industrie, mais aussi la production d’électricité. Cette dernière occupe toutefois une place hybride dans le mix primaire, puisqu’elle est considérée comme un usage (elle utilise des sources d’énergie primaire pour être produite), mais dans le mix final elle est en revanche assimilée à une source d’énergie (elle alimente les voitures électriques, le chauffage ou les plaques de cuisson). Si nos usages se comptent essentiellement en énergie finale, il ne faut pas pour autant oublier l’efficacité de la production d’électricité laquelle représente dans les faits un gaspillage éhonté d’énergie primaire.
Éradiquer les passoires énergétiques
En France, l’habitat représente 40 % de la consommation d’énergie finale et génère 23 % des émissions de gaz à effet de serre. 80 % de cette consommation est utilisée pour produire de la chaleur : chauffage, eau chaude sanitaire, cuisson des aliments. Le reste est dédié à l’électricité spécifique : éclairage, électroménager, Hifi, télévision, informatique. Optimiser la consommation d’énergie dans l’habitat représente un levier majeur de la transition énergétique. Il revient d’ailleurs régulièrement comme une litanie dans les programmes électoraux.
Depuis 2012, la loi sur le règlement thermique, impose aux constructions neuves une consommation de moins de 50 kWh/m² an (catégorie A). Avec 350 000 logements neufs construits par an l’habitat français a fortement progressé en qualité. Depuis le premier janvier 2022, une nouvelle loi RT2020 est progressivement entrée en vigueur. Son objectif est de promouvoir le BEPOS (Bâtiment à Énergie POSitive) supposé produire davantage d’énergie qu’il n’en consomme. Atteindre des niveaux de performances de l’ordre de 20 kW/m2an nécessite de déployer les techniques d’isolation les plus sophistiquées et les équipements de basse consommation les plus avancés (c.-à-d. LEDS, Pompe à Chaleur). Mais, pour rendre le bâtiment « positif », il faut lui adjoindre des moyens de production d’énergie excédentaires par rapport à ses besoins propres : panneaux photovoltaïques et thermiques, mini-éoliennes. Le bâtiment à énergie positive doit aussi répondre à des critères architecturaux en termes de compacité et d’orientation : baies vitrées côté sud pour emmagasiner de la chaleur la journée et la restituer la nuit, pièces de vie placées au sud, chambres nécessitant moins de chauffage occupant la partie nord.
Si les lois successives sur le Règlement Thermique ont permis d’améliorer considérablement la qualité énergétique de notre habitat neuf (36 % des logements français sont aujourd’hui classés en catégories A/B/C de bonnes performances énergétiques), un tiers des 37 millions de logements résidentiels français se situe toujours dans la catégorie E/F/G. Compte tenu de la part écrasante du chauffage dans la consommation énergétique d’un logement, l’isolation thermique des parois (sols, façades, cloisons, portes, fenêtres, toit, combles, cheminée) de ces « passoires énergétiques » représente la première source d’économies d’énergie dans l’Hexagone.
Mais, cela sous-entend un effort sans précédent de rénovation. Est-il pour autant raisonnable sur le plan économique ? Car, si la performance énergétique de l’habitat se pose de prime abord en termes techniques, les questions économiques surgissent rapidement. Ainsi l’isolation basique des seules passoires énergétiques (430 000 rénovations annuelles) pour les amener en catégorie D coûterait 78 milliards d’euros. Elle permettrait de réduire de 11 % la consommation énergétique de l’habitat résidentiel. En revanche amener l’ensemble en catégories A/B/C (650 000 rénovations annuelles) réduirait de 39 % la consommation, mais le coût atteindrait 316 milliards d’euros soit plus de 10 milliards d’euros annuels sur trente ans.
Comme pour le marathon, les derniers kilomètres sont toujours les plus difficiles à parcourir ! Plus l’isolation est sophistiquée plus le retour sur investissements sera long. L’isolation basique d’une passoire énergétique fait le gros du travail et peut se valoriser en quelques années. En revanche, la rénovation plus poussée d’un logement déjà bien isolé fait appel à des technologies coûteuses d’isolation active (régulation de température, détection de présence). Le retour sur investissement peut alors atteindre plusieurs dizaines d’années.
Subventionner toutes les rénovations thermiques sur un pied d’égalité représente une aberration à la fois économique et énergétique. Faire passer en AB des logements C ou D coûtera davantage pour des résultats économiques et énergétiques bien moindres. Rien ne sert de rénover les plus beaux appartements du XVIe arrondissement de Paris avec des techniques d’avant-garde si on laisse fuir de tous côtés les appartements dégradés de banlieue. Il faut au contraire concentrer toutes les incitations pour améliorer les performances des logements de type E, F et G. On retrouve ici au niveau national le message véhiculé au niveau mondial : les plus pauvres détiennent les plus importants gisements d’économies.
La communication commerciale quant à l’économicité des rénovations thermiques s’avère souvent très abusive. Pousser le particulier via des subventions ou des publicités hasardeuses à rénover son habitation relève souvent de l’abus de confiance. Bien au-delà de l’efficacité énergétique, l’isolation de l’habitat repose avant tout sur un gain potentiel de confort. À l’isolation thermique s’associent presque toujours l’isolation phonique, l’amélioration de l’éclairage et le renforcement de la sécurité, autant de composantes qu’il convient d’apprécier bien au-delà des euros économisés sur sa facture d’électricité, de fioul ou de gaz. Plus de la moitié des logements rénovés en France au cours des cinq dernières années l’ont d’ailleurs été à l’initiative de particuliers dont l’objectif principal était l’amélioration du confort et non la réduction de la facture énergétique. Aussi, les professionnels du bâtiment et les hommes politiques seraient-ils bien avisés de communiquer de façon plus transparente et d’éviter tout amalgame susceptible d’abuser les particuliers par un tour de passe-passe purement économique.
L’augmentation très importante des prix de l’énergie depuis mi 2021 devrait améliorer sensiblement la rentabilité des projets, réduire significativement les temps de retour sur investissement et encourager les propriétaires à accélérer la rénovation de leur habitat.
Réduire la consommation dans les transports
En 2018 les transports ont consommé en France 30 % de l’énergie finale dont une partie écrasante est dédiée à la route. Ils représentent après l’habitat le second levier de réduction de la consommation d’énergie.
93 % du parc automobile utilise des carburants pétroliers (diesel et essence) contre seulement 6 % de biocarburants et 1 % de véhicules électriques et hybrides. Selon de nombreux constructeurs automobiles, les investissements dans les transports terrestres doivent se concentrer sur le déplacement du fioul vers l’électricité (incluant l’hydrogène) et non sur la réduction de la consommation des voitures thermiques vouées à disparaître.
Tous les motoristes ne partagent cependant pas cette vision. Ainsi, la stratégie du « tout électrique » de Renault promue dès 2008 par le très controversé Carlos Ghosn a été largement tempérée par son ancien numéro 2 Carlos Tavares aujourd’hui Président du Directoire de PSA. S’il encourage la petite voiture électrique en mobilité urbaine et périurbaine, pour le bouillant portugais, le moteur thermique restera incontournable durant de nombreuses années encore sur les longues distances et pour les véhicules de forte puissance (bus, cars et poids lourds).
Aussi, malgré la décision de la Commission européenne d’arrêter la production de véhicules thermiques et hybrides à l’horizon 2035, Tavares estime qu’il faut continuer d’investir sur la réduction de la consommation des voitures. Sa position se justifie par la longévité des voitures actuelles bien supérieure à celle de nos parents. La voiture des trente glorieuses atteignait péniblement cent mille kilomètres et était mise à la casse tous les six ans. Aujourd’hui une voiture roule en moyenne 250 000 km et sa durée de vie a été portée à vingt ans. Les voitures neuves mises en circulation en 2020 ne disparaîtront pas avant 2040 et celles mises sur le marché en 2035 rouleront toujours en 2050. Le remplacement du parc se faisant très progressivement, toute réduction de la consommation permettrait d’économiser des quantités substantielles de carburant.
Réduire de moitié la consommation des voitures thermiques contracterait la consommation d’énergie finale de 10 % et rétablirait notre balance commerciale dont les trois quarts du déficit sont portés par la facture pétrolière.
La fin du pétrole dans les transports ne sonnera d’ailleurs pas… la fin du moteur thermique. Ce dernier continuera de vivre sur les longues distances grâce aux biocarburants du futur. 98 % des voitures thermiques étant « biocompatibles », les moteurs thermiques faible consommation prendront alors toute leur valeur dans la chaîne des transports.
Au cours des quinze dernières années, la consommation moyenne des voitures s’est réduite de seulement un litre au cent passant en parcours routier de 7,2 l/100 km en 2004 à 6,3 l/100 km en 2018. Poursuivre cette réduction repose sur cinq leviers : le poids, les frottements au sol et dans l’air, le rendement du moteur et la vitesse.
Le poids
Faisant suite à la recommandation de la Convention Citoyenne pour le climat, le gouvernement a décidé dans la loi de finances 2021 d’imposer un malus de 10 €/kg aux véhicules de plus de 1,8 tonne,. Si nous n’en sommes plus aux voitures des années trente dont les plus lourdes atteignaient sept tonnes, entre 1990 et 2010 le poids moyen des voitures s’est accru de 25 %. Cette prise d’embonpoint est due au déplacement des berlines vers les SUV familiaux, mais aussi à l’addition de nombreux équipements de confort et de sécurité (GPS, ordinateur de bord, régulateur de vitesse, airbag, pot catalytique). Les voitures sont composées de 85 % d’acier. La réduction significative du poids passerait par des carrosseries utilisant des matériaux beaucoup plus légers, mais aussi beaucoup plus coûteux comme le titane. Aussi ne faut-il pas s’attendre à de gros changements au cours des prochaines années.
Les frottements
Intermédiaire entre la voiture et la chaussée, le pneumatique apporte au véhicule adhérence et stabilité. Au contact de la route, les pneumatiques génèrent une force de frottement proportionnelle au poids de la voiture. Elle dépend intimement de la qualité des pneumatiques et de la chaussée. Mais, le meilleur pneumatique roulant sur la meilleure chaussée sera réellement efficace s’il est correctement gonflé. Sous-gonflés, les pneumatiques sont synonymes de consommation supplémentaire et de risques accrus d’accidents. Pourtant, selon une étude récente, 71 % des automobilistes européens roulent avec des pneumatiques sous-gonflés engendrant une consommation additionnelle de deux milliards de litres de carburant par an.
Un véhicule « frotte » sur la chaussée, mais aussi dans l’air. Ces frottements dépendent de la forme (on parle d’aérodynamisme) de la voiture. Pourtant, le marché automobile et les familles plébiscitent aujourd’hui les SUV fort peu profilés (40 % du parc automobile, nombre multiplié par sept en dix ans). Sans parler des mauvaises pratiques « vacancières » consistant à placer sur le toit de la voiture un coffre ou un vélo rajoutant un peu plus… de composantes anti-aérodynamiques ! Un retour à la « berline de papa » serait hautement conseillé.
Le rendement du moteur
En moyenne, l’énergie utile au mouvement d’une voiture représente à peine 25 % du carburant injecté. Le complément est irrémédiablement perdu en chaleur. Le rendement d’un moteur thermique varie fortement en fonction de la vitesse de rotation du moteur (on parle aussi de « régime moteur ») et du couple.
Si le moteur tourne trop lentement, le couple est insuffisant pour déplacer le véhicule : il finit par « caler ». En revanche, s’il tourne trop vite, une partie significative d’énergie se perd en frottements au lieu d’être transmise aux roues. Dans les deux cas, du carburant est consommé inutilement. Gérer correctement un moteur réclame de générer le couple optimal en se plaçant dans la bonne plage de régimes. Pour cela il faut judicieusement utiliser les rapports de la boîte de vitesse, la pédale d’accélération et le compte tour. Une opération irréalisable même par le conducteur le plus chevronné ! Cette situation désespérante pourrait s’améliorer significativement grâce aux technologies numériques et à l’intelligence artificielle ; elles peuvent permettre de gagner 10 % à 15 % de rendement !
Ainsi, la boîte automatique (remplaçant la main sur le levier de vitesse) et le régulateur de vitesse (remplaçant le pied sur l’accélérateur) permettent d’éviter les changements permanents de régime. L’étape suivante est le développement d’une boite de vitesse prédictive. Connectée, elle possède les informations topographiques (tracé de la route, pente, type de courbe) ainsi que la circulation en aval grâce à un système de navigation 3D et des caméras latérales. L’analyse de ces données permet de changer automatiquement de rapport de façon à optimiser le rendement du moteur. Par exemple, si la voiture détecte un long ralentissement, la boîte passera automatiquement au point mort tandis qu’à l’approche d’une descente ou d’une zone de limitation de vitesse, le frein moteur sera activé. La voiture du futur sera autonome ; elle permettra grâce à son ordinateur intégré d’accéder à une conduite optimale en termes de sobriété énergétique.
Réduire la vitesse
Depuis le décret de 1974, limitant la vitesse à 90 km/h sur les routes ordinaires et à 130 km/h sur autoroute, les règles n’ont guère évolué en France. L’idée d’Édouard Philippe de réduire pour des raisons de sécurité routière la vitesse à 80 km/h sur les routes ordinaires avait provoqué un tollé. Jugée trop sensible, la recommandation de la Convention Citoyenne pour le Climat d’abaisser la vitesse sur autoroute à 110 km/h n’avait pas été retenue. La consommation augmentant avec le carré de la vitesse, sa réduction représente pourtant le premier levier d’économie. Pourquoi rechignons-nous à rouler moins vite ?
La motivation première est le gain de temps : l’augmentation de la vitesse réduirait le temps requis pour parcourir une distance donnée. Ainsi, rouler à 120 km/h nous permettrait d’atteindre théoriquement notre lieu de destination deux fois plus vite qu’en roulant à 60 km/h. Dans l’imaginaire collectif, vitesse et efficacité sont associées. Est-ce vraiment le cas ?
Ce serait effectivement le cas si vous étiez seul sur la route et ne rencontriez jamais aucun obstacle nécessitant de lever le pied. Or ces obstacles sont permanents. Certains véhicules (les camions notamment) roulent plus lentement et vous obligent à ralentir. Autour de nombreuses agglomérations, la vitesse est limitée à 110 km/h voire à 90 km/h. Durant votre trajet, vous vous arrêtez de nombreuses fois pour le péage sans parler des tronçons où vous devez ralentir pour cause de travaux. L’accroissement de vitesse crée alors un phénomène « en accordéon » semblable à celui d’un entonnoir dans lequel on verse du riz : versé lentement et régulièrement le riz s’écoule rapidement. En revanche, si on le verse d’un coup il se bloque !
Comme l’ont montré de nombreuses études, pour circuler mieux… il faut rouler moins vite, mais de façon uniforme. Ainsi, sur le périphérique parisien l’abaissement de la vitesse maximum autorisée de 90 km/h à 70 km/h a augmenté la vitesse moyenne de 18 %. Aussi encourageons-nous la limitation uniforme de la vitesse sur autoroute partout et pour tout véhicule à 110 km/h. Une mesure certes impopulaire, mais extrêmement efficace en termes de consommation.
En cumulant les différents leviers de réduction, la consommation des voitures pourrait être réduite à 3,2 l/100 km. Les leviers les plus efficaces sont l’optimisation de l’aérodynamisme, l’amélioration du rendement et la réduction de vitesse. Deux d’entre eux (vitesse et aérodynamismes) font pourtant l’objet d’une étonnante bienveillance. Le miroir existant entre aspirations sociétales et décisions politiques est hélas rarement en cohérence avec… les lois de la physique.
Optimiser la consommation d’énergie dans l’industrie
Depuis les trente glorieuses, la France s’est fortement désindustrialisée au profit des services. En 1960 l’industrie comptait pour 30 % du PIB et les services pour 46 %. En 2018 l’industrie comptait pour 17 % et les services pour 70 %.
En 2018, l’industrie a consommé 22 % de l’énergie finale. Les branches les plus énergétivores sont la chimie (36 %), la métallurgie (26 %), l’industrie agroalimentaire (15 %) et l’industrie cimentière (12 %). Depuis 2008, la consommation d’énergie finale dans l’industrie s’est contractée de 22 %. Elle correspond à un gain d’efficacité énergétique et non pas, comme durant les décennies précédentes, à une réduction d’activité liée à la délocalisation. Cet effort substantiel peut-il se poursuivre ?
Les économies d’énergie peuvent être classées en deux catégories. D’un côté des économies spécifiques relatives aux procédés industriels de fabrication et de l’autre des économies transverses relatives aux usages de support (éclairage, chauffage, ventilation). La troisième source d’économie est le recyclage : il sera abordé dans un paragraphe spécifique. Sauf exception, on n’attend pas au cours des prochaines décennies de ruptures technologiques dans l’industrie. Aussi, les économies d’énergie proviendront surtout d’améliorations incrémentales.
Parmi les usages de support, la chaleur représente un gisement substantiel d’économies. La cogénération nucléaire pourrait fournir en France une quantité « gargantuesque » d’énergie gratuite à l’industrie. Cela nécessiterait un réaménagement du territoire avec des centrales nucléaires servant d’agrégat aux zones industrielles.
Ce potentiel d’économies transverses peut être complété par des économies spécifiques en profitant branche par branche des meilleures pratiques mondiales. Ainsi, dans des secteurs très énergétivores comme l’acier, l’aluminium, le papier ou le ciment, les performances énergétiques françaises possèdent des réserves significatives d’efficacité énergétique.
Au-delà de l’amélioration de ses performances énergétiques, l’industrie doit aussi s’imposer davantage de sobriété en réduisant les gaspillages comme le suremballage pratiqué dans l’industrie agroalimentaire grosse consommatrice de carton et de plastique, et ce sans aucune justification quant à la conservation des aliments.
Optimiser le rendement de la génération électrique
Toute géniale qu’elle soit, la génération électrique représente un gaspillage éhonté d’énergie. Avec un rendement moyen de 38 %, 44 000 TWh sont gaspillés chaque année dans le monde pour fabriquer l’électricité. Améliorer le rendement d’un petit pour cent permettrait d’économiser annuellement la consommation annuelle d’énergie finale de la France. Avec l’habitat et les transports, améliorer le rendement de la génération électrique est un défi gigantesque.
Hormis le solaire photovoltaïque, tous les procédés de génération électrique (charbon, pétrole, gaz, nucléaire, hydraulique, éolien ou géothermie) sont basés sur le même principe. Une énergie primaire met directement (gaz, vent, hydraulique) ou indirectement (vapeur produite à partir du charbon, du fioul ou du nucléaire) en mouvement une turbine entraînant à son tour le rotor d’un alternateur. C’est dans l’élément thermique de la chaîne (chaudière pour le charbon, le fioul ou le nucléaire, turbine à gaz pour le gaz naturel) qu’une grande partie de l’énergie primaire injectée se perd sous forme de chaleur. Ainsi en France, la production des 400 TWh d’électricité nucléaire dissipe 1100 TWh de chaleur, le double de celle consommée dans l’habitat français ! La cogénération propose de valoriser cette chaleur fatale inexploitée pour la destiner au chauffage urbain, à l’industrie ou à l’agriculture (serres maraîchères ou fruitières par exemple). Peu coûteux, le procédé repose sur de simples échangeurs de chaleur et permet d’atteindre des rendements spectaculaires de 90 %.
La cogénération présente toutefois un certain nombre de contraintes. La chaleur se transportant avec beaucoup de pertes, elle doit être mise en œuvre au plus près du producteur. Par ailleurs, chaleur et électricité ne pouvant être modulées l’une par rapport à l’autre, il faut qu’il y ait localement et au même moment des besoins conjoints. La cogénération s’adapte facilement à une usine proche d’une centrale et dont les besoins en chaleur et en électricité sont souvent concomitants. En revanche, les centrales étant souvent éloignées des villes et les pics de demande de chaleur n’étant pas nécessairement en ligne avec la demande électrique, l’application de la cogénération aux parcs résidentiel et tertiaire s’avère beaucoup plus complexe.
Les Pays-Bas et le Danemark sont les leaders européens de la cogénération avec plus de 50 %. En Allemagne et en Italie, elle représente 12,5 % du parc. Grâce à son électricité nucléaire, la France possède un gisement gigantesque. Elle est pourtant l’un des mauvais élèves de la « classe Europe » avec seulement 2,4 % de cogénération. Récupérer 20 % de la chaleur dissipée dans les centrales nucléaires permettrait de réduire annuellement la facture énergétique des Français de 22 milliards d’Euros.
Les centrales TGV (turbines gaz/vapeur) encore appelés « Cycles Combinés » sont un autre outil permettant d’accroître le rendement de la génération électrique. Contrairement à la turbine à vapeur, la turbine à gaz est un moteur à combustion interne semblable à celui d’une voiture : un mélange d’air chaud comprimé et de gaz s’enflamme, produit des gaz d’échappement dont l’énergie cinétique provoque la rotation d’un arbre entraîné par des ailettes. La chaleur résiduelle des gaz d’échappement est alors utilisée pour produire de la vapeur ensuite détendue dans une turbine à vapeur. Ce couplage gaz vapeur permet d’atteindre un rendement proche de 60 % contre 35 % en moyenne pour le cycle gaz seul. Dans la mesure où son seul dessein est de produire de l’électricité avec un rendement supérieur, le cycle combiné n’est pas pénalisé par les contraintes inhérentes à la cogénération. Les pays européens les plus avancés sont ceux privilégiant le gaz dans la génération électrique comme l’Irlande, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne.
Le numérique au service des économies d’énergie
Les technologies numériques représentent un levier essentiel d’optimisation de la consommation énergétique dans les transports, l’habitat et l’industrie. Elles sont aussi à la base du fonctionnement des réseaux intelligents (les fameuses « smart grids ») supposés réguler dans l’avenir les intermittences des renouvelables pour leur donner davantage de flexibilité.
Les technologies numériques ont fortement amélioré l’efficacité énergétique de tous les modes de transport routier, maritime ou aérien. Pour l’Agence Internationale de l’Énergie, le numérique pourrait contribuer à réduire de moitié la consommation d’énergie dans les transports routiers. Dans le transport aérien, les avions les plus récents sont équipés de milliers de capteurs dont l’analyse en temps réel permet de maximiser la planification des itinéraires et de réduire significativement la consommation en kérosène. Idem pour la marine marchande dont les navires sont aujourd’hui largement connectés. Au-delà de l’optimisation de la consommation énergétique, le numérique est aussi source de sécurité grâce à ses capacités de détection avancées.
Le numérique est également de plus en plus présent dans l’habitat. Si les thermostats et l’éclairage intelligent en sont les premiers leviers grâce à des algorithmes programmant automatiquement les périodes d’utilisation, le numérique a un rôle clé à jouer pour réduire les pics de demande ou encore pour stocker aux heures creuses l’électricité via l’eau chaude domestique. Prédire, mesurer et surveiller en temps réel la performance énergétique des bâtiments permettra aux différentes parties prenantes (consommateurs, gestionnaires d’immeubles et opérateurs de réseau) d’optimiser les besoins de maintenance.
Dans l’industrie, les technologies numériques sont utilisées depuis le début des années 1980 pour optimiser les procédés et améliorer la sécurité. Face à la croissance de la production industrielle au cours des prochaines décennies, le numérique représente un important levier de croissance pour améliorer l’efficacité énergétique. Ainsi, bien qu’engagée depuis des années, la robotisation industrielle associée à la généralisation de l’impression 3D permettra d’accroître la complexité des pièces manufacturées tout en réduisant les déchets, l’espace au sol, leur poids et l’énergie consommée. Selon une étude récente de l’AIE, l’impression 3D appliquée à l’aéronautique, pourrait, via une réduction du poids des pièces, contracter la consommation des avions de 6 %.
Si le numérique permet d’optimiser la consommation d’énergie, il demande aussi de l’énergie pour fonctionner. Objets connectés en pagaille, accroissement exponentiel du flux de données, data centers poussant comme des champignons, quelle est la véritable « gourmandise énergétique » du numérique ? Qu’en est-il aujourd’hui et qu’en sera-t-il demain ?
En restreignant l’analyse à sa seule utilisation, le numérique consomme aujourd’hui 10 % de la production électrique mondiale soit 4 % de l’énergie primaire. En France c’est 12,5 % de la consommation électrique du pays,. Sans être négligeable, cette valeur n’a pour l’instant rien de comparable avec les postes transports, habitat ou industrie représentant chacun entre 20 % et 30 % de la consommation d’énergie primaire.
La consommation énergétique liée au numérique devrait tripler d’ici 2030 pour atteindre 20 % de la consommation électrique mondiale. Sans être un point de blocage, elle comptera significativement dans le mix du futur. Parmi les différents postes, l’équipement (domestique + professionnel) représente les trois quarts de la consommation contre 18 % pour les serveurs et 6 % pour le réseau.
L’appétit énergétique du numérique doit s’apprécier sur l’ensemble de son cycle de vie et non pas seulement sur la seule phase d’utilisation. La fabrication des équipements numériques est fortement consommatrice d’énergie en lien notamment avec l’extraction des matériaux qui les composent. Dépendante de nombreux paramètres dont la taille des équipements, cette « énergie grise » est complexe à estimer. Elle est aujourd’hui estimée à 20 %. Cependant, la sophistication de l’équipement et l’explosion des capacités mémoires tendent à accroître la part de la fabrication dans le bilan énergétique global. Une raison évidente pour combattre l’obsolescence programmée et encourager la fabrication d’équipements plus durables, réparables, réutilisables, et recyclables.
De l’économie linéaire à l’économie circulaire
Depuis la révolution industrielle, notre société de croissance s’appuie sur une économie linéaire. Elle consiste à « extraire, produire, utiliser et jeter ». Lorsqu’il arrive en fin de vie, un objet devient un déchet et est abandonné. Ce cycle de vie est particulièrement énergétivore dans sa phase de production.
Les métaux comme le fer ou l’aluminium se trouvent dans la nature sous forme d’oxydes (l’hématite pour le fer, la bauxite pour l’aluminium) dispersés en faibles proportions dans l’écorce terrestre. Après avoir extrait la roche dans des carrières ou des mines souterraines, il faudra la broyer puis la traiter pour séparer l’hématite ou la bauxite de leur « gangue ». Le minerai sera ensuite fondu puis raffiné pour en extraire le précieux métal. Sur l’ensemble de la chaîne, l’extraction et le traitement représentent jusqu’à 90 % de l’énergie consommée contre seulement 10 % à 20 % pour la fonte et le raffinage. Plus la teneur en minerai dans le gisement est faible, plus l’énergie requise pour l’extraire et le traiter est élevée.
Les minerais rares ou semi-rares présents en quelques pour mille dans l’écorce terrestre sont des ogres énergétiques en termes d’extraction, de traitement et de raffinage. Ainsi, une tonne de lithium réclamera 34 fois plus d’énergie qu’une tonne d’acier, une tonne de Tantale 250 fois et une tonne d’or 17000. Et pourtant, de nombreux métaux aux noms souvent méconnus sont essentiels pour fabriquer les équipements du futur. Sans eux, pas d’éolienne, pas de panneaux photovoltaïques, pas de LED, ni de téléphones portables.
L’alternative à l’économie linéaire s’appelle économie circulaire. Le recyclage économise matières premières et énergie en amont et prévient le rejet de déchets en aval. De surcroit, il apporte aux nations non productrices de matières premières une sécurité d’approvisionnement. La consommation d’énergie du matériau recyclé étant largement inférieure à celle relative à la production linéaire, l’économie circulaire représente un gisement considérable d’économies d’énergie. Un excellent exemple est le recyclage des ferrailles dans la chaîne sidérurgique. Devenu monnaie courante et réclamant 2,5 fois moins d’énergie en comparaison de la technologie classique des hauts fourneaux, il représente aujourd’hui la moitié de l’acier produit en France.
Toutefois, pour des raisons à la fois organisationnelles (collecte) et technico-économiques (modification des unités de production), l’économie circulaire est aujourd’hui insuffisamment exploitée. En Europe, la majorité des « équipements verts » étant produits hors sol, le recyclage des métaux rares représente un réel enjeu économique et sociétal. Cependant l’équation est complexe.
Complexe quant à la collecte. Compte tenu de la diversité des déchets à recycler et de leur faible teneur en métaux critiques, il est nécessaire de mettre en œuvre des filières structurées et coûteuses.
Complexe quant au tri dans la mesure où les instruments de mesure ne permettent pas toujours d’évaluer précisément les teneurs potentielles en métaux critiques.
Complexe quant aux équipements de recyclage souvent spécifiques à un métal donné. La rentabilité dépend des flux accessibles, mais aussi de la quantité de gangue plastique noyant les précieux métaux. L’enjeu économique est de dépasser un niveau critique sous lequel la filière n’est pas rentable. Face à des institutions bancaires imposant une rentabilité court terme incompatible avec les besoins de R&D, le développement de la filière ne pourra s’abstraire d’aides publiques.
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