Alors qu’Emmanuel Macron a proposé de relancer le nucléaire avec la création de six nouveaux EPR, un revirement s’est produit la semaine passée au niveau européen : le ministre allemand de l’Économie et du Climat, Robert Habeck, a finalement dit qu’il souhaitait renoncer à la présence de l’énergie nucléaire dans la taxonomie en affirmant qu’elle était « risquée et coûteuse ». Ce coup de théâtre est passé quasiment inaperçu dans les médias, pourtant cela pourrait bien changer l’avenir énergétique de l’Europe, sachant que c’est la-dite taxonomie qui détermine si une énergie est reconnue comme durable dans le cadre du Green Deal européen. Christian Semperes, professionnel de la production électrique durant près de 40 ans, s’est donc penché sur le sujet de l’Energiewende (la transition énergétique allemande) pour se poser la question de ses supposés vertus par rapport au nucléaire dans le cadre de l’objectif souhaité : la diminution des émissions de CO2 pour lutter contre le réchauffement climatique. Le résultat est sans appel : rejeter le nucléaire pour choisir le charbon révèle un grave problème de logique, surtout dans le cadre de la guerre en Ukraine et la menace de pénurie de gaz russe.
L’Allemagne émet deux fois plus que la Pologne
En plus d’un argument sur la dangerosité du nucléaire, pour éviter la pénurie et pour légitimer le déploiement massif des énergies renouvelables, on nous a expliqué qu’il fallait diversifier nos moyens de production électriques. Très bien ! Prenons exemple sur l’Allemagne, la championne écolo qui dicte son idéologie à la Commission Européenne. L’Allemagne s’est dotée de 123GW* de puissance installée d’énergies renouvelables, solaire et éolien, soit 4 fois plus que la France. Dans cette logique écolo, on s’attendrait donc à ce que l’Allemagne se soit enfin détournée des énergies fossiles notamment celles qui sont les plus émettrices de CO2, par ordre décroissant le charbon, le fuel et le gaz. A regarder de plus près, l’Allemagne détient toujours 76GW* de puissance installée fossile (charbon, fuel et gaz) soit 4,5 fois plus que la France. Le fait de se doter d’énergies renouvelables aléatoirement intermittentes ne réduit donc pas la puissance installée fossile. En fait, la transition énergétique a comme conséquence d’augmenter la puissance installée totale (218GW* pour l’Allemagne, 1,7 fois plus que la France, 129GW*). C’est simple à comprendre, à chaque MW renouvelables aléatoirement intermittents installés, il convient de conserver un MW pilotable pour avoir le même service au public. C’est la logique pragmatique issue des lois fondamentales de la physique.
Si encore l’impact carbone de la production électrique était à l’avantage de l’Allemagne, on pourrait alors avancer que l’Allemagne est en « transition » vers la neutralité carbone. Même pas ! L’Allemagne est de loin le pays le plus émetteur d’Europe en tonnes de CO2 rejetée pour sa production électrique (198 millions de tonnes en 2021*), près de 2 fois plus que la Pologne souvent citée comme le plus mauvais élève de l’Europe (109 millions de tonnes*). C’est simple à comprendre, il suffit de regarder le graphique ci-dessus pour comprendre qu’avec 40GW* de puissance installée de charbon à 1058g CO2/kWh** et en arrêtant le nucléaire à 6g CO2/kWh**, c’est mission impossible de réduire significativement ses émissions de CO2 ! Même avec 123GW de puissance installée d’ENR ! C’est la logique écolo. Sauf que …
Des plans contrariés par la guerre en Ukraine
Sauf que l’Allemagne avait misée sur le gaz russe 2 fois moins émetteur de CO2 que son charbon, pour justifier le délai nécessaire à sa « transition énergétique ». La guerre de la fédération de Russie à l’Ukraine est venue « contrarier » les plans de l’Allemagne. Elle se prépare maintenant à une baisse de l’approvisionnement en gaz russe, alors qu’elle prévoyait une augmentation grâce au gazoduc Nord Stream 2. Elle se prépare même au pire, à une rupture d’approvisionnement. Après un nouvel arrêt de 2 centrales nucléaires allemandes bas carbone le 31 décembre 2021, le recours massif au charbon allemand est à l’ordre du jour pour compenser le manque de gaz, même si l’Allemagne fait le forcing pour acheter du gaz chez les pays africains. Alors que l’Allemagne n’a pas de terminal méthanier, comment va-t-elle faire dans un délai aussi court pour se fournir en gaz ?
L’Allemagne est donc contrainte de revoir sa programmation d’arrêt des centrales à charbon en les sollicitant plus. Néanmoins, l’Allemagne a de la marge. Elle pourrait se permettre de compenser totalement sa production 2021 de gaz qui s’élevait à 86TWh en faisant appel à ses centrales au charbon. Avec 40GW de puissance installée de charbon, elle a « sous le pied » une capacité de production annuelle de 350TWh (40GWx365jx24h) alors que la production d’électricité d’origine charbon était seulement de 100TWh en 2021. Dans cette hypothèse, la planète devrait alors encaisser 53 millions de tonnes supplémentaires d’émission de CO2***.
Nein au nucléaire dans la taxonomie verte : l’écolo-logique
En même temps, l’Allemagne persiste en s’opposant récemment au classement du nucléaire dans « la taxonomie verte ». L’Allemagne s’est enfermée dans sa logique écolo anti nucléaire mais maintenant, en pleine crise du gaz, elle bloque les autres pays européens dans leur quête de neutralité carbone éco-logique. L’avenir de la neutralité carbone européenne va se jouer au parlement européen, d’ici le 2 juin, date butoir pour s’opposer au texte sur « la taxonomie verte ». Sinon, il entrera en vigueur au 1ier Janvier prochain.
En espérant que l’éco-logique prenne le dessus sur la logique écolo. Mais pendant ce temps là… la planète brûle, la biodiversité et l’Humanité aussi, avec des températures proches de 50°C en Inde.
* Données https://energy-charts.info et https://app.electricitymap.org/
** Données https://bilans-ges.ademe.fr/
*** Donnée https://energy-charts.info
Détail du calcul de l’impact d’émissions de CO2 supplémentaires si l’Allemagne remplace totalement sa production d’électricité d’origine gaz de 2021, par une origine charbon. 86 000GWh x (1058 Tonnes CO2/GWh charbon – 443 Tonnes CO2/GWh gaz) = 53 millions de tonnes de CO2 supplémentaires. Qui s’ajouteraient aux 198 millions de tonnes de CO2 rejetés sur l’année 2021.
Nota : g CO2/kWh = tonnes de CO2/GWh
Image par Ralph Lindner de Pixabay
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L’opposition allemande au nucléaire, même si elle est portée par un parti écolo, n’est pas une opposition faite pour des raisons environnementales.
Lui opposer des arguments fondés sur des différentes émissions de CO2 ou autres impacts ne sert à rien car ce n’est pas le sujet.
Les adversaires du nucléaire expriment une aversion pour un pouvoir perçu comme trop concentré et trop important, combiné à une prise de risque inacceptable pour la société dans son ensemble.
Ils considèrent comme rationnel leur rejet d’une technologie dépassant selon eux la capacité humaine à la maîtriser. Il s’agirait d’une sorte de péché originel.
Face à tette conviction, il n’est ni possible ni utile de débattre.
Merci pour votre commentaire.
« L’utilisation du nucléaire ‘serait’ un péché originel ? » Vous avez totalement raison. L’écologisme est devenue une religion d’état avec ses grand prêtres et son catéchisme qui fustige un grand Satan, le nucléaire, pour lequel il est urgent de partir en croisade. Comme toute propagande, le catéchisme écolo s’appuie sur la méconnaissance et la peur.
« Face à tette conviction, il ‘serait’ ni possible ni utile de débattre ? » Que les chemises soient NOIRES, ROUGES ou VERTS, j’en conviens on ne débat pas. Cet article n’a pas vocation à débattre, mais à dénoncer et combattre l’extrémisme d’état pour lesquels certains politiques français, maintenant au plus haut sommet de l’état comme notre précédente ministre de l’écologisme, ont prêté allégeance.
Facile de commenter dans son bureau protéger des stériles qui restent pendant des années dans des bassins de décantation et parfois partent dans des rivières et rendent une région à dominance de cancers soit de la tyroïde, soit de la peau et des os, soit des intestins… et que l’on taira que cela vient de l’eau contaminée par les particules radioactives d’anciennes mines d’uranium…
Facile de faire porter la mortalité des cancers sur d’autres produits chimiques ou parfois sur la radioactivité qui serait arrivée là depuis Technobyl (tiens normalement cela ne dépassait pas les frontières)
Les cancers liés à ces déchets radio-acifs vous vous refusez à les comptabiliser mais moi, je compte mes amis morts à l’âge de trente ans (pas assez de doigts) et je me vis comme une rescapée d’un naufrage régional.
Alors le nucléaire n’a pas d’odeur, pas de saveur, pas de couleur cependant les comparaisons entre Cogéma et Criirad ont bien démontré l’existence des particules hautement radio-actives et dangereuses pour l’Homme;
Qu’en est-il de ces déchets qui seront enterrées dans des zones avec risques sismiques dans quelques années ? On s’en fou ? On ne sera plus là pour le voir et on laisse cela à dame nature ? C’est une science occulte.