Sans le principe de prévention et d’innovation, le principe de précaution fera disparaitre l’Union européenne, explique dans ce texte le préventeur belge Eric Van Vaerenbergh.
L’Union européenne ne prenant aucun risque est condamnée à disparaitre
La doctrine du principe de précaution remonte aux années 1970 avec l’apparition en République Fédérale d’Allemagne d’un nouveau principe juridique: le Vorsorgeprinzip. Celui-ci confère aux autorités l’obligation d’agir face à un risque environnemental grave, même si ce dernier demeure mal cerné d’un point de vue scientifique.
En 1972 le rapport Meadows a vu le jour. Il fut vivement critiqué. Il souhaitait mettre des contraintes à l’humanité étant donné la finitude des ressources planétaires. Au niveau international, les références au « principe de précaution » ou aux « mesures de précaution » apparaissent dans des accords environnementaux dans les années 1980.
Ce principe de précaution, introduit de manière générale par des courants écologistes, a été depuis lors utilisé dans d’autres domaines que la protection de l’environnement.
Le débat a souvent été polarisé par deux visions contraires : d’une part, le pessimisme technologique et la crainte d’« apprentis sorciers » qui impliqueraient une réglementation forte de toutes les activités industrielles ; de l’autre, l’optimisme technologique et la foi dans le progrès qui laisseraient entendre que toute réglementation est inutile.
Cependant, nous devons distinguer deux types de dangers, les dangers où la vie de l’homme et de sa symbiose ou celle de l’humanité sont en jeu, et tous les autres dangers qui se résument à des dangers financiers !
Ce qui est incroyable, c’est qu’ il n’existe toujours pas de définition universelle du principe de précaution alors qu’il est utilisé au moindre doute. Les conceptions varient avant tout en fonction du degré d’incertitude scientifique, des niveaux de gravité des risques encourus, de l’ampleur des enjeux, des coûts potentiels des actions ou inactions qui restent possibles de la part des autorités. La Commission européenne, l’UNESCO et l’agence européenne de l’environnement proposent chacune leur définition. La Commission européenne indique que la portée du principe est ainsi « liée à l’évolution jurisprudentielle qui, d’une certaine manière, est influencée par les valeurs sociales et politiques prévalant dans une société et que les différentes conceptions du principe ont pour commun dénominateur d’éviter de causer des dommages dans un contexte d’incertitude scientifique. »
Lorsque les risques sont établis avec certitude, il n’y a plus de principe de précaution, il y a le principe de prévention et d’innovation qui est également inscrit dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et qui pourra être invoqué pour prendre des mesures visant à prévenir les dangers. Les différents ordres juridiques (par exemple national, international, ou de l’Union européenne) ont chacun leurs principes généraux du droit concernant le principe de précaution.
Chaque ordre est donc potentiellement juridiquement incompatible alors que s’il y a un réel principe de précaution, il devrait être universel étant donné que si un danger est identifié, il n’y a aucune raison qu’il soit plus dangereux en Europe ou ailleurs dans le monde et encore plus quand il s’agit d’enjeux humains et/ou planétaires !
Au lieu d’être audacieuse dans l’adversité sans être téméraire, et d’appliquer le principe de prévention et d’innovation, l’Europe est occupée de se sortir de l’histoire par l’application abusive du principe de précaution !
Le principe de précaution, freine-t-il donc l’innovation ? Peut-on innover sans prendre de risque ? L’Union européenne sera-t-elle condamnée à disparaître si elle ne prend pas de risques ?
L’ensemble des personnes les plus rapidement impactées par ce principe de précaution sont souvent les innovateurs et « disrupteurs ». Ils se retrouvent rapidement confrontés aux états nations, à la réglementation, aux questionnements éthiques, aux émotions citoyennes qui s’interposent à leurs créations par craintes, ne sachant pas souvent eux-mêmes si elles sont réellement pertinentes, mais simplement par peur du changement.
Tout se résume à dire que sans définition commune, il y aura toujours des contestations qui bloqueront l’innovation et d’autres, en l’absence de contestation, en profiteront !
Il faut une méthode universelle pour pouvoir mettre « tout le monde » d’accord, et cela, afin de ne pas bloquer l’innovation !
Cette méthode s’appelle l’évaluation des risques, appelée dans la réglementation européenne, le « principe de prévention » et qui déterminera le niveau de risque de chaque danger évalué et les actions de prévention à mettre en place pour ne pas bloquer l’innovation !
Cet esprit de prévention devrait être au départ de chaque projet, de chaque innovation, et pour chaque future décision politique.
Que cela soit au niveau personnel, au niveau communal, régional, national, continental et mondial, il faut instaurer une culture de la prévention. Cette culture évitera le blocage de l’innovation et sauvera l’humanité. Quand une évaluation des risques est bien faite et en toute impartialité et intégrité, même en cas d’incertitudes scientifiques, il y a toujours moyen d’avancer et de ne pas bloquer l’innovation !
Il y a un exemple frappant à la suite de la parution d’un papier du Scripps research d’Éric Topol (cardiologue, généticien et chercheur en médecine numérique) le 2 août 2019 où il appelle à une coopération entre les géants américains et chinois pour mettre en place des intelligences artificielles communes pour une médecine internationale !
Cet appel à une coopération sino-américaine sera naturellement et très malheureusement sans l’Europe dû à son absence dans ce domaine technologique et par le principe de précaution interdisant de créer du big data de données médicales !
De même, le papier du Massachusetts Institute of Technology du 2 août 2019 également, où l’on apprend que la Chine expérimente des intelligences artificielles pour l’apprentissage des mathématiques !
Imaginons le croisement des intelligences artificielles d’apprentissage avec les big datas médicaux et que les algorithmes des big datas d’apprentissages soient paramétrés en partie avec certaines des données médicales et génétiques, la révolution de l’éducation serait en route en Asie et aux États-Unis pendant que l’Europe continuerait à décliner à cause de son principe de précaution.
L’Europe doit évaluer les risques qu’elle prend par rapport aux dangers de ne pas avoir des big datas et de véritables intelligences artificielles au niveau européen !
Elle a préféré légiférer et empêcher la récolte aisée de big datas, mais elle n’a pas évalué sérieusement les risques et conséquences !
Autant pour l’intelligence artificielle, que les innovations technologiques de manière générale, que les enjeux climatiques, l’Europe doit être audacieuse dans l’adversité sans être téméraire, et appliquer le principe de prévention et d’innovation en priorité, sans quoi, elle pourrait se sortir d’elle-même de l’histoire par l’application abusive de son principe de précaution !
Sources :
https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/IDAN/2015/573876/EPRS_IDA%282015%29573876_FR.pdf
http://ribios.org/fr/documents/docs/Brochurespdf/Brochure4ppPascal.pdf
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52000DC0001&from=FR
http://www.senat.fr/rap/a13-532/a13-5321.pdf