Véritable renfort de l’hôpital public pendant la crise sanitaire, les établissements de santé privés ont été rapidement intégrés au dispositif opérationnel dans une période tendue, tant dans la prise en charge des patients en réanimation que dans la participation à la campagne de vaccination. Une tendance qui concrétise la montée en puissance de l’hospitalisation privée dans l’accès aux soins des Français, aux côtés de l’offre publique.
« L’hospitalisation privée a une place qui est considérable dans le système de soins français »
Selon la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP), dans un communiqué daté de décembre 2021, l’hôpital a pris en charge environ 25 % des patients en réanimation pour cause de Covid-19. Un apport indispensable qui a protégé l’hôpital public de l’effondrement redouté dans les scénarios les plus pessimistes. Et surtout, qui démontre, selon plusieurs cadres dirigeants de la filière, la pleine complémentarité entre l’hôpital public et privé en période de crise. « Dans ce domaine, l’Agence Régionale de Santé a joué pleinement son rôle de coordinatrice régionale afin d’instituer un vrai dialogue entre le public et le privé », insiste Bruno Masson, président de la FHP pour la région AURA. Une coopération entre le public et le privé largement plébiscitée par les Français, selon une enquête Viavoice pour la FHP, menée en septembre 2021. 73 % d’entre eux estiment ainsi que la collaboration entre les hôpitaux publics et les cliniques privées doit être organisée hors période de crise et sur l’ensemble du territoire.
Pourtant, si la crise sanitaire a mis en évidence le rôle clef de l’hôpital privé dans l’accès aux soins, sa montée en puissance date déjà de plusieurs années. « (L’hospitalisation privée) a une place qui est considérable dans le système de soins français. C’est plus de 50 % de la chirurgie, voire pour certaines chirurgies plus de 70 % (par exemple en ophtalmologie), et c’est entre 30 et 40 % des séjours », souligne ainsi Thierry Chiche, PDG du groupe Elsan, l’un des champions français de l’hospitalisation privée, qui gère près de 150 établissements dans le pays.
Du côté de l’opinion, l’hôpital privé n’a désormais plus à rougir et semble durablement avoir gagné la confiance des patients. L’enquête Viavoice démontre ainsi que 73 % des Français considèrent que le secteur public, comme privé, sont tous les deux légitimes pour mener des missions de service public en matière de santé, tandis que 58 % des sondés affirment qu’il est nécessaire de leur accorder un rôle plus important à venir. Si l’hôpital privé a réussi à gagner la sympathie des Français dans un pays traditionnellement attaché à la primauté du secteur public, c’est d’abord parce qu’il s’est imposé dans leurs parcours de soins.
L’offre privée désormais indispensable dans la prise en charge de certaines pathologies
En effet, l’offre privée est désormais nécessaire pour assurer les soins dans certaines filières, quasiment disparues de certaines villes moyennes ou de zones traditionnellement ou ponctuellement en difficulté en matière de démographie médicale. Ainsi, en Ile-de-France, les médecins de Seine Saint-Denis dénoncent « un effet de tension généralisé » et une « situation extrêmement instable dans tout le département » avec un déficit de personnels empêchant d’assurer la continuité des soins, révèle Le Canard Enchaîné dans son édition du mercredi 11 mai. « La situation est extrêmement instable » précise un médecin du département. Une situation proche de la catastrophe qui a entraîné la mobilisation des cliniques privées, installées dans le département.
Pour la prise en charge de pathologies particulièrement lourdes, la montée en puissance du secteur privé, tant en termes humains que techniques, est désormais bien entamée. Au point d’être incontournable dans certains territoires. Dans le Lot-et-Garonne, la clinique Esquirol Saint-Hilaire est la seule structure départementale capable de prendre en charge l’intégralité des pathologies cardiaques. Un investissement à un million d’euros qui témoigne du haut niveau d’expertise de certaines cliniques privées et, surtout, de leur volonté d’alignement sur les meilleurs standards nationaux. « Nous avons aujourd’hui les mêmes niveaux d’équipement et de recrutement qu’un centre hospitalier universitaire » explique, au journal Sud-Ouest, le cardiologue Patrice Colin. Dans le domaine de la cancérologie, l’hôpital Guillaume de Varye (Cher) s’est équipé d’un Tepscan, un outil de diagnostic des cellules cancéreuses, le deuxième d’un département en grande difficulté sur le plan médical. Une quête de l’innovation et une montée en gamme aussi permise par la consolidation sectorielle autour d’une poignée d’acteurs de grande taille, dont les capacités d’investissements offrent plus de largesses que les petites structures.
Même son de cloche dans le cadre de la prise en charge de l’endométriose qui concernerait, selon le ministère de la Santé, environ 2,5 millions de femmes en France et qui, en février 2022, a fait l’objet d’une stratégie nationale volontariste, fondée entre autres sur la mobilisation de fonds supplémentaires pour la recherche clinique. Impossible, là encore, de faire sans le secteur privé, qui prend aujourd’hui en charge deux patientes sur trois atteintes d’endométriose. Dans le domaine de la cancérologie, les cliniques du groupe Elsan prennent en charge un patient sur huit France. Un taux qui monte à un sur cinq pour la prise en charge du cancer de la prostate.
Lutte contre la désertification médicale
C’est enfin dans le domaine de la lutte contre la désertification médicale que le secteur privé se positionne de plus en plus. La chute de la démographie médicale laisse en effet 12 % des Français, soit environ 7 millions de personnes, dans un « désert médical », notamment dans les espaces ruraux et certaines villes moyennes. Un phénomène aggravé par les restructurations successives des établissements publics et le manque de personnels. A Pierrelatte, dans la Drôme, un premier centre de santé ouvert par le groupe Ramsay s’est installé au cœur de la ville de 15 000 habitants, où un tiers des habitants est dépourvu de médecin traitant. Dans le Loiret, un centre hébergé par la clinique de l’Archette, à Olivet, a été inauguré en mai 2019 afin de prendre en charge tous les malades, sans rendez-vous, afin de garantir un accès direct aux soins non-programmés.