Le rapport « Le Brexit et la NHS », du groupe de réflexion UK in a changing Europe souligne les premières difficultés rencontrées par le système de santé britannique dans l’après Brexit, et met en garde contre un dégradation des soins outre-manche.
Pendant la campagne de référendum sur le Brexit, le camp des eurosceptiques avait promis de réinvestir les sommes versées à Bruxelles au titre de la participation au budget européen dans le système de santé britannique, ou NHS (National Health Service). Les pro-Brexit ont d’abord mis en avant le chiffre de 350 millions de livres par semaine, puis ont revu le chiffre à la baisse quelques jours avant le referendum, estimant pouvoir verser toutes les semaines quelques à 100 millions de livres (120 millions d’euros) supplémentaires dans leur budget santé.
Pourtant, un rapport du think tank UK in a Changing Europe met en garde contre des dégradations en cours du système de santé britannique. Il souligne d’abord une vague de départs inquiétants chez les employés du NHS. De fait, depuis l’annonce du Brexit, un nombre croissant de travailleurs étrangers ont décidé de ne pas resigner. Une analyse de la BBC sur l’évolution des effectifs du NHS depuis 2015 souligne qu’en 2015, 5,6 % de départs de la NHS étaient des citoyens de l’UE. Ils étaient 7,4 % en 2017. Ce chiffre inquiète en pleine vague de départs à la retraite des baby-boomers.
« Cette analyse confirme désormais les anecdotes rapportées par nos membres, notamment dans le Sud-Est du pays » une région où près de 40% des médecins sont européens (source : NHS 2016), commente Danny Mortimer, de la Cavendish Coalition, syndicat des organisations de soins britanniques : « Nos membres peinent à recruter. » Cette tendance est encore plus marquée chez les infirmiers, qui représentaient 7,6 % des départs en 2015, et 11,5 % en 2017. Leur absence commence d’ailleurs à se fait sentir dans les hôpitaux.
« Pendant les négociations du Brexit, Theresa May doit rassurer les infirmiers en provenance de toute l’Europe que le NHS a besoin d’eux, et qu’il les accueillera à bras ouverts », estime Janet Davies, directrice du Royal College of Nursing. « Il ne survivrait pas sans leur contribution », s’alarme-t-elle. Le pays fait en effet face à un vieillissement de la population, qui s’accompagne d’une hausse sensible des maladies chroniques. Ce phénomène demande un renforcement de la couverture santé et du personnel infirmier – en particulier à domicile.
Ces observations confirment les pronostics du rapport annuel de la Commission sur la qualité des soins (CQC), dans lequel des experts s’inquiètent de pénuries de personnel du NHS. Ils s’alarmaient en particulier une hausse de 16 % des cas de manque de personnel sur les deux années ayant suivi le referendum. « Nous allons devoir faire face à une chute de la qualité de services offerts aux patients, et cela pourrait même signifier que la sécurité de certains d’entre eux pourrait être compromise », met en garde Sir David Behan, directeur de la Commission, et auteur du rapport.
Les causes de ce phénomène sont multiples. Alors que la valeur de la livre diminue, l’intérêt financier des Européens à venir travailler au Royaume-Uni diminue lui aussi. D’autres soulignent qu’aucun des 350 devenus 100 millions de livres promis n’ont été versés au NHS. La Health Foundation a même estimé qu’en raison de la récession économique qui pourrait suivrait le Brexit, dès 2019, son budget pourrait chuter de 2,8 milliards de livres (3,4 milliards d’Euros) par rapport au niveau pré-Brexit. En outre, Londres risque de sortir du programme de carte européenne d’assurance maladie (CEAM) ce qui lui coûterait 160 millions de livres (181 millions d’euros) supplémentaires par an.
Le rapport pointe aussi du doigt une baisse à venir des financements de la recherche du fait du Brexit. Londres était le principal bénéficiaire des fonds européens pour la recherche médicale, avec plus de 300 millions d’euros ces trois dernières années (Royal College of Physicians, 2016) – une aide dont le pays va devoir se passer. À court terme, il est très difficile d’envisager que le Brexit pourrait avoir un effet positif, assure à ce propos le professeur Anand Menon, co-auteur du rapport.
Ce dernier met enfin en garde contre un ralentissement des processus d’approbation de nouveaux traitements si le pays devait quitter l’Agence européenne des médicaments. Il prend ainsi en exemple la Suisse, qui malgré une série d’accords commerciaux bilatéraux, les reçoit en moyenne 157 jours après l’UE. « Nous travaillons avec l’hypothèse que la planification d’urgence coûtera entre 60 et 70 millions de livres [autour de 75 millions d’euros] », a indiqué à ce propos Phil Thompson, responsable des affaires mondiales du géant pharmaceutique britannique GlaxoSmithKline.