Alors que l’épidémie est pratiquement jugulée en Chine, le nord de l’Italie est devenu l’épicentre européen, voire mondial, du coronavirus. Malgré certaines données encore mal connues (mutation du virus, nouveaux modes de propagation), la tempête que traverse actuellement le système de santé italien est aussi un éclairage sur les stratégies à adopter face au Covid-19.
Les mesures exceptionnelles mises sur pied par le gouvernement italien ces dernières heures sont à la mesure d’une crise sanitaire majeure pour la botte. Une quarantaine sur l’ensemble du territoire, pour maîtriser une épidémie qui a pris des proportions dramatiques, notamment dans le nord du pays.
Le 31 janvier 2020, deux touristes chinois étaient testés positifs au coronavirus à Rome. Le 21 janvier, c’est un foyer de 21 cas qui est découvert en Lombardie. Le 28 février, soit une semaine plus tard, l’Italie compte déjà 21 décès et 888 cas de coronavirus. La spirale est enclenchée et aujourd’hui, jeudi 12 mars 2020, le pays compte 12 462 cas, 827 morts et 1045 guéris.
De quoi la crise italienne est-elle le nom ?
Si la Chine par la nature autoritaire de son régime a pu mettre en place des mesures exceptionnelles de restrictions des libertés pour endiguer l’épidémie, l’Italie est a contrario une démocratie libérale, dont les réussites — et les échecs — dans la gestion de la crise du coronavirus peuvent servir d’avertissements aux autres pays européens.
Pour tirer des enseignements de l’épidémie italienne, une comparaison avec un cas similaire s’impose : la Corée du Sud. Le 9 mars dernier, les deux pays comptaient à peu près le même nombre de patients infectés, aux alentours de 7300 cas. Mais le nombre de personnes décédées différait énormément, entre 366 morts en Italie et seulement 50 en Corée du Sud.
Aujourd’hui, le 11 mars, cet écart entre les deux pays s’est accru : le nombre de nouveaux cas commence à décliner en Corée du Sud, le pays ne comptant « que » 7313 cas et 54 morts alors que l’on comptabilise plus de 8500 contaminés et 631 morts italiens. Comment expliquer que ces deux nations, qui comptaient le même nombre de personnes infectées il y a quelques jours, aient à ce point géré différemment la crise ? Comment expliquer le succès coréen et l’échec italien ?
La pyramide des âges est sensiblement similaire dans les deux péninsules : les deux pays comptent une forte proportion de séniors, aux alentours de 10 % de la population. Les deux nations ont donc proportionnellement autant de personnes à risque parmi les contaminés. Mais dès le début de l’épidémie, la Corée du Sud a procédé à des tests plus poussés et systématiques sur toute sa population, englobant ainsi dans les personnes touchées de nombreux cas asymptomatiques. Ce n’est pas le cas de l’Italie qui, dès le 28 février et faute de moyens disponibles, a choisi de réserver les tests de dépistage du Covid-19 aux cas présentant les symptômes les plus avancés. Une différence révélatrice des difficultés matérielles et médicales du système de santé italien, qui bouscule les statistiques et gonfle le taux de mortalité par personnes contaminées.
La faiblesse du système de santé de la péninsule s’en ressent d’ailleurs dans la soutenabilité face à la propagation de l’épidémie : selon l’OCDE, l’Italie compte trois lits d’hôpitaux pour 1000 habitants, contre douze pour la Corée du Sud (la France en compte six, et les États-Unis seulement deux). Un critère qui explique le taux de mortalité en Italie : le pic épidémique submerge l’ensemble du monde hospitalier italien, qui n’a désormais plus suffisamment de lits, de matériels respiratoires et de personnels pour gérer l’ensemble des patients.
La crise épidémique italienne et le nombre de malades décédés sont donc symptomatiques d’un système de santé trop faible, qui n’a pas pu encaisser cette augmentation brusque du nombre de cas. Un scénario que la France cherche à tout prix à éviter, en mettant sur pieds des mesures progressives de confinements afin de répartir le nombre de contaminés dans le temps, et permettre au système hospitalier de pouvoir traiter efficacement tous les malades. Le cas italien a manifestement servi d’avertissement au ministère de la Santé, comme l’avouait à demi-mot Olivier Véran sur BFM TV il y a quelques jours.
L’inconnu : contamination par les canalisations d’eau et mutation du virus
Les capacités de propagation du virus demeurent malgré tout mal connues par les autorités scientifiques mondiales, et le SARS-CoV-2 continue de surprendre par la variété de ses modes de transmission.
Car le virus pourrait par exemple circuler par les canalisations, notamment d’eau potable. À Hong-Kong, un patient infecté et confiné dans son appartement aurait transmis le virus aux autres étages par les canalisations d’eau, d’une salle de bain à l’autre. Le 4 mars dernier, la revue américaine JAMA confirmait ces craintes, démontrant que les malades contaminaient largement leur environnement matériel, notamment les chambres à coucher et les salles d’eau. De nouvelles données inquiétantes, qui imposeraient de nouvelles mesures de sécurité, comme la consommation d’eaux minérales en bouteilles pour éviter la contamination via les services de distribution de l’eau dans les foyers.
Si l’Italie n’a pas encore pris de mesure particulière en ce qui concerne les eaux minérales en bouteille, il est de plus en plus probable que le virus qui sévit dans la botte ai muté : selon les travaux de Massimo Galli, professeur et directeur de l’hôpital Sacco de Milan et laudia Balotta, professeure d’immunologie, une « variante italienne » du SARS-CoV-2 serait apparue dans la péninsule, dès le mois de janvier. Une mutation qui n’augmenterait pas le taux de mortalité, mais le taux de transmission et expliquerait ainsi l’explosion du nombre de cas.
Chez nos voisins italiens, le dispositif sanitaire mis en place, déjà en surchauffe, pourrait donc encore évoluer dans les prochaines semaines au sujet des recommandations pour limiter l’exceptionnelle propagation du coronavirus, par exemple en ce qui concerne les modes de consommation de l’eau potable.