Si vous avez passé une nuit agitée à cause des moustiques, quelle n’a pas été votre surprise ce matin au réveil, en découvrant que la dernière vidéo de l’essayiste Aymeric Carron faisait le buzz, ou plutôt faudrait-il dire le « bzzzz » sur twitter. Le porte-parole de la cause antispéciste se pose la question :
« Les moustiques : quelle réaction adopter ? On vous prévient, il y a débat chez les #antispécistes » Tout antispéciste qui se respecte doit s’interroger avant d’écraser un moustique surtout s’il s’agit d’une femelle. Car si ces dernières piquent, « c’est parce qu’elles cherchent dans le sang de leurs victimes des protéines pour nourrir leurs œufs en développement et donc leurs bébés » Donc lorsqu’un antispéciste est attaqué à la nuit, il doit se rendre compte qu’il a affaire à « une femelle qui essaye de remplir son rôle de future mère » ou autrement dit pour meubler « une dame qui risque sa vie pour ses enfants en devenir et qui n’a pas le choix ».
Du comique de situation au drame du paludisme
Après avoir vu cette vidéo on commence par rire. Aussi on repense à la parodie des inconnus :
« Les insectes sont nos amis
il faut les aimer aussi
comme nous ils ont une âme
comme morbac et moucham [1]»
Mais trêve de plaisanterie, un média comme European Scientist doit éviter la galéjade et relever le niveau, surtout au cœur de l’été. Or si le rire est le premier réflexe, c’est parce que comme l’avait défini Bergson, il s’agit de « quelque chose de mécanique dans quelque chose de vivant ». Il y a quelque chose de comique à s’imaginer un antispéciste debout sur son lit, une savate à la main, déchiré entre l’envie d’écraser un moustique et celle d’obéir aux préceptes énoncés par maître Carron dans sa vidéo.
Certes l’antispécisme pose une question légitime sur ce principe cartésien qui est que l’homme doit se rendre maître et possesseur de la nature ; pourtant, certaines de ses déclinaisons extrêmes, peuvent avoir un aspect caricatural comme on le voit ici, et on a vite fait de basculer de l’interrogation philosophique sur le règne animal à l’idéologie anti-humaniste.
Car s’il est vrai que la finalité de l’homme n’est pas de combattre la nature, il n’en reste pas moins que plongé dans le grand bain de la sélection naturelle, il nous faut évoluer pour survivre et de ce point de vue, la lutte contre les nuisibles s’avère être une nécessité première qu’un esprit germanopratin a trop vite fait d’enterrer.
Aussi, il suffit d’écouter Thomas Lavreys, médecin tropical et spécialiste des pays à ressources limitées nous parler de la réalité du paludisme en Afrique subsaharienne pour quitter la scène du théâtre de boulevard. En effet, comme nous l’expliquait ce Professeur :
« Le paludisme est un problème mondial. Il touche 91 pays répartis dans 8 régions du monde (l’Amérique du Sud, Centrale, Hispaniola, l’Afrique, le Moyen-Orient, le subcontinent indien, l’Asie du Sud-Est, et l’Océanie). La maladie a disparu d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Australie. En Afrique subsaharienne, il s’agit en revanche d’un danger quotidien. On estime qu’en 2016, 90 % des 200 millions d’infections, et 91 % des 455 000 décès annuels liés à la maladie ont lieu en Afrique subsaharienne (OMS 2018). Le paludisme y est présent à l’état pandémique (la maladie est présente toute l’année durant). La région est constituée de 49 pays (reconnus par l’ONU), sa taille équivaut à celles de la Chine, des États-Unis, de l’Inde et du Mexique combinés (2,4 fois la taille de l’Europe) et elle accueille plus d’un milliard d’êtres humains (Banque Mondiale 2018). Le taux de prévalence de la maladie varie toutefois beaucoup d’un pays à l’autre (Ashley, 2018). »
On imagine alors que dans les pays encore soumis à cette maladie, les thèses de monsieur Carron ne font pas du tout rire. Mais cela ne dénote-t-il pas d’une attitude générale qui au fond consisterait à dénigrer l’espèce humaine au profit des moustiques ?
Target Malaria : cible des écologistes extrêmes
Dans sa « lutte pro moustiques », Aymeric Carron n’est pas seul. En effet, récemment l’entreprise Target Malaria qui participe à un effort de recherche financé par la Fondation Gate, a fait l’objet de critiques de la part d’environnementalistes extrémistes. En effet, ce projet vise à développer des moustiques génétiquement modifiés stériles, afin de réduire drastiquement la population de ces nuisibles et faire en sorte de limiter la propagation du paludisme d’individu à individu. Alors que Target Malaria avait entrepris de mener à bien un test de contrôle au Burkina Fasso, plus de 40 ONG se sont liguées afin qu’il soit mis un terme à ce projet plein d’espoir. Comme le rappelle Richard Tren dans le Wall Street Journal :
« L’opposition des activistes à Target Malaria s’inscrit dans une campagne plus vaste et croissante contre toutes les technologies génétiques modernes et les pesticides utilisés à la fois dans la lutte contre les maladies et dans l’agriculture. La campagne a été promue ces dernières années par des agences des Nations Unies telles que l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture, ainsi que par des gouvernements européens et des organisations non gouvernementales financées par l’Union européenne. [2]»
Monsieur Tren compare judicieusement cette opposition à celle des ONG qui s’étaient liguées contre le Golden Rice , aussi il rappelle que cette vague d’opposition à la science et aux technologies contemporaines s’articule autour de l’agro-écologie, une idéologie qui véhicule de nombreuses idées fausses et nie en bloc les vertus de la Green Revolution. Comme le rappelle, ce co-fondateur de Africa Fighting Malaria, une étude récente menée par des agro-écologistes a montré que leurs politiques permettraient de réduire la production de 35%[3] en Europe, ce qui montre à quel point les protagonistes de cette « méthode » souhaitent un monde moins peuplé et n’auraient rien contre le fait de laisser mourir des millions d’individus du paludisme.
Une fois de plus, force est de constater que la décroissance et la collapsologie œuvrent pour saper l’édifice de la science contemporaine. Ces idéologies ne voient pas d’un si mauvais œil le fait que nous soyons moins nombreux sur Terre, et cela peut passer aussi par le fait de préférer le développement d’espèces nuisibles à celui de l’humanité. Certains ont de plus en plus de peine à cacher leur véritable objectif et on voit que ce qu’ils cherchent c’est moins de redonner aux espèces animales leur juste place – ce qui est essentiel – que de dénigrer l’espèce humaine.
Et si jamais les moustiques ou ces thèses obscurantistes vous empêchent de fermer l’œil la nuit, European Scientist a réuni pour vous quelques bons auteurs qui vous donneront des arguments pour résister :
- Laurent Alexandre vous aide à débusquer les dessous de ces idéologies dans une interview récente qu’il nous a accordée,
- Pierre Tarissi qui s’interroge sur Comment obtenir la prospérité du monde entier en 2100 ?
Et s’il vous en faut encore plus, nous vous avons concocté une petite liste de Dix ouvrages antidotes pour passer l’été sans succomber à la collapsologie.
Bel été à tous.
[1] https://www.youtube.com/watch?v=Qe9sIwn12OQ.
[2] https://www.wsj.com/articles/environmental-extremists-favor-mosquitoes-over-mankind-11564441285.
[3] https://www.soilassociation.org/media/18074/iddri-study-tyfa.pdf?mod=article_inline.