Clap de fin pour les Jeux olympiques avec, pour la délégation française, le goût encore amer de la déception après un bilan en demi-teinte. Pour le Japon, qui a souhaité maintenir l’évènement dans un contexte sanitaire tendu, les Jeux olympiques ont constitué un défi sans précédent. Mais, à l’heure du bilan, Tokyo peut se féliciter d’avoir réussi à créer une bulle sanitaire autour des parties prenantes de l’évènement, limitant ainsi drastiquement le nombre de cas au sein de la communauté olympique. Pour la communauté scientifique, la réussite des Jeux prouve qu’une maîtrise de l’épidémie est possible, quand des mesures strictes sont appliquées et qu’une discipline collective se met en œuvre.
Une flambée des cas sans rapport avec les Jeux olympiques
Depuis le début du mois de juillet, le Japon connaît une recrudescence exponentielle du nombre de cas de Covid-19. De 1 500 cas par jour en moyenne à la fin du mois de juin, le Japon en dépiste aujourd’hui près de 13 000 selon les données du JHU CSSE Covid-19 Data, soit une hausse de 766 % en un peu plus d’un mois.
Une augmentation imputable aux Jeux olympiques, comme le craignait une large partie de la population japonaise ? Pas du tout, selon la communauté scientifique, qui ne dresse aucune corrélation entre la hausse des cas et la tenue des JO. En effet, entre le 1er juillet et le 8 août, seuls 436 participants aux Jeux (athlètes, personnel, prestataires…) ont été testés positifs. Sur un total de 52 000 personnes accréditées. Surtout, le nombre de contaminations entre la communauté olympique et la population générale reste négligeable, selon les retours de terrain. Pour les sportifs, maintenus à l’abri dans une bulle sanitaire, seuls 29 d’entre eux ont été testés positifs. Les athlètes contaminés étaient contraints de s’entraîner à part, afin de préserver le reste des sportifs.
Selon Valérie Niquet, universitaire et spécialiste de la géopolitique de la Chine et de l’Asie du Sud-Est, « la flambée actuelle est d’abord et avant tout liée au variant Delta. Elle aurait eu lieu, JO ou pas JO ». Comme la plupart des pays du globe, le variant Delta submerge les populations du fait d’un taux de contagion largement supérieur aux précédents. Et le Japon, qui a globalement très bien géré les deux premières vagues avec moins de 15 000 morts à déplorer, ne fait pas exception.
Autre facteur explicatif de cette hausse exponentielle, la puissante défiance des Japonais face à la vaccination, qui reste encore très minoritaire dans la population, notamment en rapport aux pays occidentaux. Le 5 août, seuls 46 % des Japonais avaient reçu au moins une dose de vaccin et à peine 33 % d’entre eux avaient achevé leur parcours vaccinal. Un taux très largement insuffisant pour contenir l’avancée du variant Delta, d’autant que l’île a été jusqu’alors relativement épargnée par la Covid-19, rendant l’immunité naturelle des populations encore plus modérée qu’ailleurs.
Le tour de force de Tokyo pour éviter les contaminations
Véritable tour de force, le maintien d’un nombre de contaminations limitées au sein de la communauté olympique a été permis par le déploiement d’une bulle sanitaire sans précédent, interdisant les sorties du village olympique. Des contraintes globalement très bien respectées par les athlètes, à de rares exceptions près, comme l’équipe australienne de hockey sur gazon ou encore les judokas géorgiens. Des restrictions de déplacement accompagnées des mesures barrières traditionnelles, comme le part du masque obligatoire ou l’usage fréquent de gel hydroalcoolique hors des épreuves. Les spectateurs, de leurs côtés, n’étaient d’ailleurs pas admis dans les enceintes sportives.
Pour la communauté scientifique, qui a scruté les Jeux olympiques pour en tirer des données précieuses sur la diffusion de l’épidémie en vie réelle, la réussite japonaise serait la preuve qu’il est possible de « garder une pandémie à distance », affirme Brian McCloskey, président du panel d’experts indépendants présents aux Jeux olympiques de Tokyo pour les questions de santé. « Les mesures telles que la distanciation sociale, le port du masque, la désinfection des mains ainsi que les tests et le traçage ont fonctionné, lorsqu’elles ont été mises en œuvre en tant que package » poursuit l’expert, qui affirme que la gestion sanitaire des Jeux olympiques a constitué « une leçon très importante de Tokyo au reste du monde ». Et surtout, la réussite japonaise pourrait servir d’inspiration pour les futurs grands évènements à venir dans un monde encore dominé par la Covid-19.