Une étude a permis d’établir que les fourmis noires des jardins réduisaient leurs interactions sociales avec les individus entrées en contact avec un champignon pathogène afin d’enrayer une propagation.
On savait que les colonies de fourmis noires des jardins étaient très organisées, – par exemple, il est établi que les fourmis plus jeunes (les infirmières) s’occupent de la couvée au centre de la colonie, les fourmis plus âgées (les ouvrières) cherchent de nourriture à l’extérieur. Cependant, une = équipe de chercheurs de l’Institut de science et de technologie d’Autriche (IST Austria) et de l’Université de Lausanne (Suisse) ont pu observer qu’une fourmilière savait également se protéger des épidémies.
Afin de suivre l’activité individuelle de chaque membre de la colonie, les chercheurs ont marqué 4266 fourmis avec des caméras infrarouges. « Ces codes ne font que 0,7 mm de côté. Pour atteindre une qualité d’impression suffisante, nous avons dû utiliser les imprimantes qui servent à l’impression des billets de banque », indique Nathalie Stroeymeyt, première auteure de l’étude. Ce dispositif a permis d’observer un comportement surprenant en cas d’exposition d’une fourmi à un pathogène.
« Les fourmis changent la manière dont elles interagissent et avec qui elles interagissent » précise-t- sa collègue Sylvia Cremer. Ainsi, une fourragère infectée s’isole ainsi spontanément (sorte de « congé maladie »). Mas dans le même temps, le reste de la colonie réagit également. « Nous avons observé que la structure en sous-groupes de la population se renforce lors de l’entrée du pathogène dans la colonie. Les contacts entre groupes de travail deviennent encore moins fréquents, ce qui réduit le risque d’épidémie. »
Plus surprenant encore, les nourrices isolent le couvain (ensemble d’œufs, de larves et de nymphes) au plus profond du nid pour le mettre en sécurité. « Dans une colonie, tous les insectes ne doivent pas nécessairement être protégés – mais les individus les plus précieux doivent survivre » explique Laurent Keller, co-auteur de l’étude. « Il s’agit de la première étude qui démontre qu’une communauté animale est capable de modifier activement son organisation pour réduire la propagation de maladies ».
Reste à déterminer comment les fourmis détectent la maladie. « L’odorat, le goût ou encore le toucher pourraient intervenir », avance Thibaud Monnin, myrmécologue au Centre national de la recherche scientifique à Paris. « Les fourmis perçoivent les odeurs par leurs antennes et ont un odorat très fin, leur vie sociale étant largement basée sur la communication chimique via l’utilisation de phéromones » souligne-t-il.
Quoiqu’il en soit, l’observation de la réponse aux pathogènes des fourmis pourrait servir de piste pour freiner les maladies infectieuses chez l’homme. « Les fourmis savent se protéger contre les maladies depuis cent millions d’années. Nous, depuis quelques siècles à peine » rappelle Laurent Keller.