Le professeur de climatologie Richard Lindzen, au cours de l’une de ses conférences, faisait le constat qu’à cause de l’inculture scientifique croissante de nos sociétés, et compte tenu de la nécessité démocratique pour les citoyens de prendre néanmoins position sur les problèmes scientifiques désormais pointus, la croyance et la foi remplaçaient inévitablement la compréhension des choses. Croyance et foi, c’est bien ce qui a dominé le débat public entourant les technologies de communication sans fil ces dernières années. C’est une véritable tempête anti-5G à laquelle nous avons assistée, et au cours de laquelle on a tout reproché à la 5G, en particulier « l’incommensurable risque » qu’elle faisait peser sur la santé des gens. L’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), dans son rapport définitif publié le 17 février dernier, fait pourtant un bilan rassurant : pas d’effets nouveaux, pas d’élévation significative de l’exposition aux ondes, aucun risque supplémentaire attendu à la suite du déploiement de cette cinquième génération de téléphonie mobile. Des conclusions auxquelles, en réalité, les experts s’attendaient… Retour sur une tempête dans un verre d’eau.
Des inquiétudes entretenues…
La 5G, cinquième génération de téléphonie mobile, a été développée, du point de vue technique, pour deux raisons principales : l’augmentation des débits de transmission de données et la diminution des temps de latence entre émission et réception. Cette amélioration, que d’aucuns considèrent comme superflue, est cependant une condition sine qua non pour permettre l’émergence dans le futur de nouvelles applications technologiques, parmi lesquelles, pour n’en citer que quelques-unes, la gestion en temps réel du trafic routier ou de la distribution d’énergie électrique, les dispositifs médicaux à distance nécessitant l’acquisition et la transmission sans latence d’un nombre important de données, ou encore le développement d’usines connectées et robotisées.
Comme toute nouvelle technologie lorsqu’elle est déployée dans une société qui, comme la nôtre, ne tolère désormais plus le moindre risque, la 5G a été l’objet d’inquiétudes multiples dans la population de très nombreux pays ; inquiétudes savamment instillées et entretenues par des associations militantes qui ont fait de la 5G la cible d’attaques régulières et violentes, allant parfois jusqu’à l’incendie d’antennes.
…mais infondées
Les effets potentiels sur la santé ont ainsi été au centre des revendications contre le déploiement de la 5G. Parmi les argumentaires sanitaires, on entendit que la 5G transpercerait les gens dans la rue tel un laser, pourrait multiplier par 10 ou 100 l’exposition existante aux rayonnements, et provoquerait des effets inconnus sur le corps humain, puisque qu’elle met en œuvre des bandes de fréquences plus élevées que les protocoles de téléphonie des précédentes générations.
Rien pourtant n’est plus faux. Et pour plusieurs raisons, bien établies scientifiquement :
Tout d’abord, les ondes de la 5G, coincées entre les radiofréquences et les ondes millimétriques et infrarouges, sont des ondes comme les autres. Compte tenu de leur taux d’absorption dans les tissus organiques, lequel taux d’absorption dépend de la fréquence du rayonnement absorbé, les ondes de la 5G ne pénètrent que très superficiellement dans le corps humain, sur une épaisseur de l’ordre de quelques dixièmes de millimètre. C’est plus que les infrarouges solaires, moins que les ondes de la 4G.
Ensuite, les mécanismes d’interactions de ces ondes avec la matière organique, basés sur l’agitation thermique due aux molécules d’eau tournant sur elles-mêmes en suivant les variations d’intensité du champ électrique, sont bien connus. Des seuils très protecteurs, instaurés par les normes, nous préservent de toute surexposition et donc de la moindre petite élévation thermique, même locale.
Enfin, contrairement à ce que l’on entend partout, et conformément à ce que des mesures in situ ont rappelé à ceux qui voulaient l’ignorer, les champs électriques -en tant que grandeurs vectorielles- s’additionnent très mal et la superposition d’expositions 2G, 3G, 4G et 5G ne peut pas engendrer une augmentation significative du niveau d’exposition. Quant à l’électrosensibilité, épidémie dont certains affirment qu’elle va s’amplifier encore sous les radiations de la 5G, les preuves s’accumulent en faveur de son origine purement psychologique, dont j’ai eu l’occasion de largement étayer les mécanismes dans des travaux récents,. Il ne fait plus guère de doute aujourd’hui que le seul élément qui contribue à faire exploser le nombre d’électrosensibles est la quantité d’informations fausses et inquiétantes sur l’effet des ondes que véhiculent médias et associations…
Un manque de vision d’avenir
Dans un ouvrage publié à l’automne 2021, la religion anti-ondes : comment médias et associations ont fabriqué les électrosensibles, j’expliquais que les mécanismes d’actions des ondes sur les tissus organiques rendaient hautement improbable l’apparition d’un nouvel effet sanitaire de la 5G, conclusion qui était partagée d’ailleurs par de nombreux spécialistes de la question. L’Anses confirme donc ce que l’on savait déjà.
Mais un autre « danger » a aussi été évoqué ad nauséam comme étant une raison majeure d’interdire la 5G : l’impact sur l’environnement. Principal reproche : la consommation d’énergie de la 5G que certains dénoncent être pantagruélique. Mais cette vue est courte : on mesurait mal, à la fin du dix-neuvième siècle, ce que l’invention d’Edison et de Swan, l’ampoule électrique à filament, allait apporter à l’humanité et comment elle allait en transformer l’histoire. De la même manière, on distingue encore mal l’avenir que nous pourrons construire à l’aide des futures technologies de communication, dont la 5G sera l’ancêtre, mais on doit s’attendre à ce que les ingénieurs, ces intellectuels de l’agir comme se plaît à les nommer le physicien Etienne Klein, inventent un monde où se rencontrer ne signifiera plus forcément se déplacer et où la consommation d’énergie électrique, utilisée pour faire fonctionner les réseaux, pourra naturellement être compensée par la diminution du recours aux transports routiers, ferroviaires, maritimes et aériens. Contrairement aux prophéties eschatologiques que nous servent ses opposants idéologiques, avec l’astrophysicien Aurélien Barrau à leur tête, la 5G, et toutes les technologies qui la suivront, seront peut-être les solutions aux problèmes techniques et humains que les hommes de demain nous seront reconnaissant d’avoir imaginées aujourd’hui…
Reste l’écume des vagues. Le ciel de traîne. Les queues de comètes : des inquiétudes disparates, lancées par des associations ou des organisations variées, relayées par certains médias, sur la faune, la flore ou, dernière en date, sur la sécurité des vols. En effet, à cause de la proximité entre l’une des bandes 5G et la bande de fréquence des radioaltimètres des avions, certains s’inquiétaient ces derniers temps de possibles perturbations qui pourraient provoquer des paralysies aéroportuaires ou des incidents aériens. La FAA ( Agence fédérale américaine de l’aviation) avait ainsi fait pression en début d’année pour différer l’installation prévue d’émetteurs 5G dans l’environnement direct des aéroports, se voyant rétorquer par les industriels chargés du déploiement de la technologie 5G que les compagnies aériennes américaines opéraient des vols tous les jours vers et depuis des aéroports français, où la technologie 5G est implantée, et cela sans aucun problème. On voit que, si les interférences entre émetteurs 5G et radioaltimètres sont théoriquement possibles, il n’y a pourtant là rien d’autre que des problématiques purement techniques à régler entre ingénieurs ; mais cette énième offensive faite à l’encontre de la 5G démontrait hélas une nouvelle fois la propension répandue chez une partie de nos contemporains, largement intoxiqués par la propagande anti-technologique et écoésotérique, de ne voir dans l’innovation et le progrès technologique, que le risque, même infime ou inventé. Pas sûr que, concernant les aspects sanitaires, les conclusions rassurantes de l’Anses y changent quoi que ce soit …
De Sébastien Point
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Réchauffement Climatique : Un regard critique sur le consensus.
Quel dommage d’être passé à coté du propos de M. Barrau. Je salue la longueur du pamphlet néanmoins