Durant les dernières décennies, plusieurs épidémies sont apparues de façon récurrente : EBOLA en 2014, H1N1 en 2009, SRAS en 2003, SIDA dans les années 80. Aujourd’hui le Covid-19 affecte le monde entier et pourrait bien avoir des conséquences catastrophiques. N’est-il pas temps de se demander s’il serait possible de maîtriser le phénomène épidémique et, si oui, comment s’y prendre.
Le principe de la réaction en chaîne
Observons tout d’abord le mécanisme de la propagation épidémique : un premier individu contaminé, d’une façon ou d’une autre, transmet son virus ou microbe à plusieurs autres individus qui, chacun, le transmettent à plusieurs autres, et ainsi de suite. C’est le démarrage d’un processus de réaction en chaîne tout à fait analogue à celui des neutrons dans un réacteur nucléaire. Or on a été capable de maîtriser la réaction en chaîne dans les centrales nucléaires où le temps de réaction se mesure en nanosecondes. Pourquoi ne le serait-on pas dans le cas du processus épidémique où le temps de réaction se mesure en jours ? Inspirons-nous donc de la méthode employée par les spécialistes de criticité.
Appelons (1 + a) le nombre moyen de personnes auxquelles un individu contaminé aura transmis le virus durant toute la période durant laquelle il est contagieux.
Si ceux à qui il a transmis le virus adoptent, en moyenne, le même comportement, alors après la 2ème transmission le nombre de personnes affectées sera (1 + a)2, et ainsi de suite… Après la xème transmission le nombre de personnes affectées sera f(x) = (1 + a)x.
Si a est négatif, f(x) tend vers 0 lorsque x croît : il y a convergence ; au bout d’un certain temps l’épidémie s’arrête.
Si a = 0, l’épidémie se stabilise et (sauf autre phénomène connexe comme par exemple l’immunisation de certaines catégories de population) elle perdure indéfiniment.
Si a est positif (et si petit soit-il), f(x) croît de façon exponentielle : il y a divergence ; c’est l’emballement incontrôlé de la réaction en chaîne.
Arrêtons là les mathématiques. Nous prenons conscience que, pour arrêter l’épidémie, il faut et il suffit que a soit négatif : autrement dit, il est impératif qu’un individu contaminé ne puisse transmettre le virus qu’à moins de 1 individu en moyenne. Faute de quoi, c’est l’emballement incontrôlable qui ne s’arrêtera, comme lors des épidémies de peste du Moyen-Âge, qu’avec la mort d’une grande partie de la population. Tout comme, dans le nucléaire, l’excursion critique du cœur ne s’arrête qu’avec la fusion du cœur qui met fin à la configuration critique.
Rétrospectivement, le résultat auquel nous aboutissons n’est-il pas tout à fait évident ? Mais ce qu’il l’est moins, c’est que dès lors que, en moyenne, tout individu contaminé transmet le virus à un peu plus d’un individu, il y a menace de pandémie catastrophique.
Quel est le critère qui permet de reconnaître si l’on se trouve en situation de divergence (a positif) ? Eh bien, tant que le nombre de décès augmente de plus en plus vite, c’est que l’épidémie est en situation d’emballement incontrôlé. Et il est urgent de réagir.
A cet égard, certains souhaiteraient qu’on leur dise quand interviendra le « pic ». Or tant qu’on se trouve en situation d’emballement incontrôlé, il n’y a pas de pic à attendre : la croissance est exponentielle, ce qui signifie qu’elle s’accélère continuellement ! Ce n’est qu’à partir du moment où le nombre de décès augmente de moins en moins vite (donc a est négatif) que l’on a quitté le cycle infernal de l’exponentielle et que l’on peut tenter une estimation concernant le futur pic en tablant sur la réduction de la vitesse d’accroissement du nombre de décès (la dérivée seconde de la courbe f(x) pour les mathématiciens).
Quelles leçons peut-on tirer de tout cela pour la gestion d’une épidémie ?
La première leçon, c’est que lorsqu’un début d’épidémie apparaît dans un pays, quel qu’il soit, ce pays devrait « mettre en quarantaine » une large zone autour du foyer où le virus est apparu de façon à contrôler tous les échanges de personnes et de biens entre la zone infectée et le reste du monde afin de ne laisser passer que ceux qui sont exempts de contamination. Si nécessaire, les institutions internationales devraient l’y contraindre.
La deuxième leçon, pour l’Europe ou à défaut pour la France, c’est de contrôler aux frontières l’arrivée de toutes personnes (et tous biens) susceptibles d’avoir séjourné dans la zone infectée afin de les soumettre à la quarantaine tant qu’il n’est pas prouvé qu’elles ne sont pas contaminées.
Si, malgré les mesures précédentes, un foyer d’infection apparaît en France, alors il faut immédiatement mettre en quarantaine une zone suffisamment large autour du foyer pour être assuré que le virus y est tout entier contenu. Cela implique, pour la zone infectée, le confinement strict de la population, l’arrêt de toutes les activités non essentielles à la survie de la population et le contrôle de tous les échanges de personnes et de biens entre la zone infectée et le reste du pays.
Si toutes les mesures précédentes n’ont pu empêcher l’épidémie de se propager dans les autres régions, alors on est contraint, comme dans le cas actuel en France, à étendre la mise en quarantaine à l’ensemble du territoire national et à durcir les conditions du confinement jusqu’à obtenir que les nombres de décès par zones et pour la France entière augmentent de moins en moins vite, ce qui est, on l’a vu plus haut, le critère permettant de reconnaître que la croissance n’est plus exponentielle. Tant que ce critère n’est pas réalisé, cela signifie que le développement de l’épidémie est hors contrôle et, si on laisse faire, conduira à la pandémie catastrophique.
Maîtriser les pandémies : un impératif de nos civilisations
Dans certains pays, les dirigeants ont envisagé de laisser l’épidémie se développer « naturellement » en lui abandonnant la « part du feu » : pour faire aussi bon marché de la vie humaine, faut-il qu’ils soient inconscients de ce qu’est la réaction en chaîne ! Mais comment peuvent-ils être à ce point oublieux des graves pandémies du passé ?
D’autres mettront en cause la mondialisation en oubliant eux aussi les nombreuses pandémies venues d’ailleurs dont nos pays ont pâti au long des siècles passés.
L’homme du XXIème siècle dispose à coup sûr des connaissances intellectuelles et des moyens techniques nécessaires pour maîtriser les pandémies qui s’annoncent pour peu qu’il abandonne les croyances et idéologies mortifères qui obscurcissent la pensée de beaucoup de nos contemporains. En particulier, n’est-il pas temps qu’il comprenne que la maîtrise de la réaction en chaîne, que nous a apportée le nucléaire, est un bienfait supplémentaire qui nous permettra, peut-on l’espérer, de gérer demain les épidémies mieux qu’on n’a jamais su le faire depuis la nuits des temps.
Toute épidémie a une fin, ce qui exclut la forme exponentielle de son évolution. Parler d’exponentielle, comme ici en analogie avec une réaction en chaîne, revient a mettre le trouillomètre du lecteur à son maximum.
Un point d’inflexion dans l’évolution des nouveaux cas confirmés ou des nouveaux décès doit apparaître, suivi d’une stabilisation, comme c’est observable en Chine (qui n’a pas levé toutes ses mesures de confinement).
Cher Monsieur Michel de Rougemont,
Si l’on veut maîtriser les épidémies, il faut s’en donner les moyens, n’est-ce pas ? Le premier d’entre eux n’est-il pas d’adopter un langage clair et d’éviter la langue de bois ? D’ailleurs, le lecteur de The European Scientist n’est-il pas adulte ? Et le respect qu’on lui doit ne requiert-il pas qu’on appelle un chat, un chat.
« Toute épidémie a une fin, ce qui exclut la forme exponentielle de son évolution », dites-vous. Veuillez excuser ma franchise : cette assertion est fausse pour deux raisons :
• la première, c’est que la fonction exponentielle f(x) dépend du paramètre a, paramètre stratégique s’il en est puisqu’il représente le comportement moyen de la population : suivant que les barrières de confinement sont plus ou moins bien respectées, a peut être positif à certains moments et alors l’exponentielle est croissante, et négatif à d’autres et alors elle est décroissante ; donc, la courbe représentant la réalité sera constituée d’une succession de tronçons d’exponentielles tantôt croissants, tantôt décroissants;
• la seconde raison, c’est que parler ici de « réaction en chaîne » n’est pas une simple analogie, mais une réalité pleine et entière : en effet la réaction en chaîne est définie comme une « série d’évènements dont chacun déclenche le suivant » ; en fait, toute maladie contagieuse déclenche une réaction en chaîne dès que les précautions élémentaires ne sont pas prises pour empêcher sa propagation ; et l’épidémie survient lorsque la maladie est très contagieuse et que sa propagation ne peut être stoppée que moyennant des précautions drastiques difficiles à mettre en œuvre.
En conclusion, ne pensez-vous pas que, avec 17.000 morts dus au Cevid 19 annoncés à ce jour dans le monde, par comparaison à ceux de TMI (0 mort), de Fukushima (0 mort dû au nucléaire) et même Tchernobyl (moins d’un millier de morts au total), il est parfaitement justifié de faire référence à la réaction en chaîne qui conduit le lecteur à imaginer une situation aussi grave que celle d’un accident nucléaire et pousse « son trouillomètre à son maximum » ?