Le manque de précision dans les tests de toxicité des traitements anticancer résulterait en un sous dosage qui nuit à l’efficacité de ceux-ci.
Sommes-nous trop timorés dans le traitement des cancers ? C’est en tout cas ce que dénonce un courrier de l’Institut Curie, publiée dans le New England Journal of Medicine. Pour défendre position, l’équipe derrière le courrier explique avoir réalisé une analyse en détail de 51 essais précoces en cancérologie, et avoir observé que la toxicité de certains traitements peut parfois être surévaluée, ce qui provoque un sous-dosage qui rendent les traitements moins efficaces.
Cette précaution n’est pas inutile en soi : certaines composantes de traitements anticancéreux peuvent entraîner des effets indésirables plus ou moins sérieux chez certains malades. Pour un partir d’entre eux, ce risque est assez important : un risque de toxicité sévère 1 patient sur 5, voire des décès (entre 1 patient sur 100 et 1 patient sur 1000). C’est le cas par exemple d’une chimiothérapie à base de fluoropyrimidines, 5-fluorouracile dit 5-FU.
Aussi, son usage est depuis peu conditionné par un test de sensibilité préalable afin d’éviter tout risque d’intolérance. Les organismes de certains patients ne peuvent en effet pas éliminer correctement le produit. Or, il est utilisé en chimiothérapie depuis plus de soixante ans – il représente une composante pour le traitement de près de 90 000 patients chaque année en France (principalement pour des cancers du sein, ORL, ou du système digestif).
Afin d’en évaluer la toxicité, la plupart des médicaments sont testés chez l’animal sans un premier temps (la phase I), puis chez l’humain sain (phase II), et enfin l’humain malade (phase III). « Le développement de nouveaux médicaments passe par plusieurs étapes avant d’être commercialisés. Une des étapes les plus importantes est la première administration chez des patients, ce que l’on appelle les essais de phase I « first-inhuman », explique le Pr Christophe le Tourneau, chef du Département d’essais clinique précoces et d’innovation à l’institut Curie.
Lors de cette phase, la dose du nouveau médicament va être augmentée progressivement afin de déterminer quelle est celle à retenir pour son développement futur. Si l’institut Curie ne remet absolument pas en cause cette pratique, il met en garde contre des mesures imprécises lors de ce tests. Si un excès de la substance dangereuse provoque des effets tragiques et rapidement visibles, il est également possible de les sous doser, notamment lorsque des symptômes y sont injustement liés.
« Evaluer les toxicités rapportées dans le bras placebo a permis d’évaluer les erreurs d’imputabilité, puisqu’en théorie les placebos ne sont pas toxiques », note le courrier. Un exercice qui a fait ressortir une surévaluation de 30% pour les toxicités graves et de 65% pour celle plus bénignes. « Il s’agit donc de déterminer avec précision ce que l’on appelle l’imputabilité des symptômes ou anomalies biologiques afin de déterminer s’ils sont liés ou non au médicament à l’étude » conclut le Pr le Tourneau.