
La solitude et l’isolement social affectent profondément la santé physique et mentale. Ces états augmentent de 50 % le risque de démence, de 30 % celui de maladies cardiovasculaires et d’accidents vasculaires cérébraux (AVC), et de 25 % le risque de décès prématuré. Selon l’Organisation mondiale de la santé, « l’effet de l’isolement social et de la solitude sur la mortalité est comparable à celui du tabagisme, de l’obésité et de l’inactivité physique ».
Ces conditions influencent des processus biologiques clés, comme la réponse immunitaire et les mécanismes inflammatoires, perturbant la physiologie humaine. Cependant, les mécanismes précis reliant solitude, isolement social et santé restent en grande partie méconnus.
Ces problèmes sont bien plus répandus qu’on ne le pense. Près de 25 % des personnes âgées et 5 à 15 % des adolescents en souffrent, selon les estimations. L’isolement social, mesuré objectivement (comme le fait de vivre seul ou d’avoir peu d’interactions sociales), et la solitude, basée sur un ressenti subjectif, affectent les individus différemment, mais partagent des conséquences similaires sur la santé.
Pour explorer ces liens, une équipe des universités de Cambridge et Fudan a mené une étude d’envergure publiée dans Nature Human Behaviour. Ils ont analysés les données de 42 000 individus âgés de 40 à 69 ans issus de la UK Biobank. 9,3% de cette population estimait qu’elle était socialement isolée et 6,4% se sentait seule.
Sur une période médiane de 14 ans, 2 695 patients ont souffert d’une maladie cardiovasculaire, 1 703 ont développé un diabète de type 2, 1 521 ont souffert de dépression, 892 de démence, 983 ont eu un AVC et 4 255 sont décédés.
Pour mener leurs analyses, les chercheurs ont eu accès aux données individuelles relatifs à 2 920 protéines plasmatiques afin de comprendre leur rôle dans l’isolement social et la solitude.
L’étude a identifié 175 protéines associées à l’isolement social et 26 à la solitude, dont 22 communes aux deux conditions. Plus ces protéines sont présentes dans l’organisme et plus l’individu est exposé à la solitude et à l’isolement social. La majorité de ces protéines, produites en réponse à l’inflammation et à des processus immunitaires, sont liées à des maladies comme le diabète de type 2, l’AVC ou encore les maladies cardiovasculaires. Par exemple, la protéine GDF15, associée à l’isolement social, est connue pour son rôle dans l’inflammation et les maladies cardiaques. Si les différentes protéines identifiés n’induisent pas les états d’isolement et de solitude, ces derniers augmentent leur présence dans l’organisme.
Les chercheurs ont également découvert que certaines protéines influencent directement des régions cérébrales impliquées dans la perception des émotions et des relations sociales. Parmi elles, l’ADM, une protéine liée à la réponse au stress et à la régulation de l’ocytocine, réduit la matière grise de l’insula et du noyau caudé, des zones essentielles au traitement des interactions sociales.
Ces résultats confirment que la solitude et l’isolement social altèrent profondément le fonctionnement du corps, notamment par des mécanismes biologiques. Maintenir des relations sociales de qualité pourrait ainsi devenir une priorité de santé publique pour réduire les risques de maladies graves et améliorer la longévité.
Image by wgbieber from Pixabay