Une équipe de chercheurs britanniques s’est appuyé sur le « forçage génétique » afin de faire en sorte que toute une population de moustique ne soit plus capable de transmettre la malaria.
Le paludisme demeure encore aujourd’hui une des maladies les plus meurtrières au monde. En 2016, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a établi que le virus avait contaminé 216 millions de personnes et fait 445 000 morts, et ce malgré 2,7 milliards de dollars investis dans la recherche durant la même année. Dans le monde, 11 ont rapporté une augmentation des cas de paludisme indigène depuis 2015 et 5 ont recensé une augmentation de plus de 100 cas en 2016 par rapport à 2015 – en particulier en Afrique subsaharienne.
Une nouvelle solution – assez radicale – a toutefois récemment été testée par une équipe de chercheurs britanniques de l’Imperial College de Londres financée par la fondation Bill & Melinda Gates : éditer l’ADN de certains moustiques afin de les rendre stériles. Cette technique de pointe baptisée « forçage génétique » s’appuie sur la récente technologie CRISPR – pour Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats (« Courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement espacées »).
Dans une étude publiée le 24 septembre dans la revue Nature Biotechnology, les chercheurs expliquent avoir altéré certains gènes de spécimens d’Anopheles gambiae – le type de moustique qui est vecteur principal du paludisme. Ils ont mis au point un gène spécifique capable de bloquer la fertilité les femelles, et l’ont ensuite inoculé aux moustiques en captivité pour qu’il se transmette aux futures générations. Ce stratagème en cheval de Troie permettrait à terme de faire disparaitre la population entière d’Anopheles gambiae.
L’idée de relâcher dans la nature des insectes modifiés génétiquement pour éliminer ceux qui transmettent une maladie n’est pas neuve, mais il s’agit de la première fois dans l’histoire de la biologie qu’une modification génétique parvient à ce résultat (grâce aux CRISPR). Cette découverte s’accompagne cependant de certaines réserves éthiques et environnementales – notamment sur l’effet de la disparition d’une espèce sur les écosystèmes. Aussi une question se pose : devons-nous éradiquer les moustiques pour éradiquer le paludisme ?
Pour l’heure, il est cependant encore trop tôt pour décider. Selon Andrea Cristiani, corapporteur de l’étude, il faudra probablement patienter « au minimum dix ans » avant de pouvoir exploiter cette technique. En outre, il « faudra faire de plus larges expériences en laboratoire et travailler avec les pays touchés pour étudier la faisabilité de ce processus. » A noter que Target Malaria lancera une étude de quatre ans pour comprendre les conséquences de la disparition du moustique Anopheles gambiae sur l’écosystème.