L’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer étudie des huitres pour mieux comprendre le phénomène de développement cellulaire responsable du cancer.
Le projet de recherche « Mollusc » se penche sur les huîtres afin de mieux comprendre le développement du cancer chez l’homme. « Le mollusque a de commun avec l’homme ce qu’on appelle l’effet Warburg, un phénomène de développement cellulaire responsable de la prolifération des cellules. Sauf que, contrairement à l’homme et selon l’environnement où elle se trouve, l’huître a la capacité d’activer et surtout de désactiver cet effet ! », explique Charlotte Corporeau, biochimiste à l’Institut de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer).
Ce mécanisme est régulé par une protéine nommée VDAC. Elle intervient également dans le développement du cancer chez l’homme. de fait, un dysfonctionnement grave de la respiration cellulaire entraîne une perte d’énergie fatale à certaines cellules, alors que d’autres s’adaptent à cette diminution d’énergie et modifient leur morphologie pour se dédifférencier et croître de manière anarchique – les cellules cancéreuses.
« L’effet Warburg est un mode de fonctionnement des cellules qui leur permet d’avoir un peu d’énergie et surtout d’avoir des blocs de construction pour produire des nouvelles cellules alors que l’environnement n’est pas agréable, confortable. Autrement dit, c’est un mode de fonctionnement de cellules très résistantes alors que l’environnement n’est pas du tout favorable à la croissance cellulaire », explique la biochimiste.
Toutefois, alors que l’effet Warburg est irréversible chez l’homme, il semble pouvoir être stoppé ou réactivé chez l’huître en fonction de son environnement. Celui-ci est susceptible d’évoluer brusquement, et de façon radicale : « Lorsque la marée est basse au mois d’avril et que la vase noire capture encore plus la chaleur du soleil, la température ressentie pour elles est de 40 degrés. Ensuite, la nuit, quand la mer est montée et qu’il fait froid, ça descend à 2 degrés ».
L’enjeu est donc de trouver comment l’huître inhibe l’effet Warburg et faire un lien avec les facteurs physiques des humains. Pour ce faire, les chercheurs en ont placé trois groupes dans des conditions très différentes : différences de température, d’oxygène, de salinité et même d’état nutritionnel. Pour l’instant, les chercheurs de l’Ifremer analyser chimiquement ces trois groupes en laboratoire afin de mesurer leur activité cellulaire.
« On espère ainsi pouvoir trouver quelque chose qui interrompe, qui serve d’interrupteur pour pouvoir moduler le métabolisme énergétique dans la cellule cancéreuse, en mimant ce qui se passe chez l’huître » souligne Catherine Brenner, biologiste spécialisée en oncologie. Il semblerait que les invertébrés marins ont des choses à nous dire, note Charlotte Corporeau. Ecoutons-les ! »