
Des chercheurs du laboratoire Information génomique et structurale de Marseille avance une hypothèse « révolutionnaire » selon laquelle des virus géants – les pandoravirus – inventeraient leurs propres gènes.
Trois nouveaux arrivants sont venus agrandir la famille des pandoravirus, cette famille de virus géants visibles au microscope optique. Le 11 juin dernier, une équipe de chercheurs français a publié une étude dans Nature Communications faisant la lumière sur l’étrangeté des pandoravirus – génomes géants, nombreux gènes sans équivalent connu. D’après eux, ces derniers seraient des fabriques à nouveaux gènes. Plus étonnant encore, ils seraient en mesure de les produis « à partir de rien ».
« Avec ces trois nouveaux, nous pouvons maintenant affirmer que les virus géants ne sont pas rares, on en retrouve un peu partout sur Terre » souligne Jean-Michel Claverie, chercheur au laboratoire Information génomique et structurale de l’Institut de Microbiologie de la Méditerranée à Marseille. Le génome de tous ces virus a été analysé, et les résultats ont révélé de grandes divergences génétiques entre eux. En effet, ces virus géants « ne partagent que la moitié (56%, NDLR) des gènes codant pour des protéines, ce qui est peu pour des membres d’une même famille ».
« Cela signifie qu’il n’y a pas d’histoire commune pour ces gènes, ils ne peuvent pas avoir été hérités d’un ancêtre commun. Il faut donc en conclure que ce sont des inventions, des gènes qui apparaissent par hasard et qui sont donc différents d’une souche à une autre » résume J.M. Claverie. Pour le chercheur, « la seule hypothèse possible, c’est qu’ils ont été créés, qu’ils sont apparus in situ dans ce génome et de novo, c’est-à-dire à partir d’aucun gène qui préexistait à cette espèce de virus ».
En outre, m’étude révèle un nombre impressionnant de gènes codant pour des protéines : de l’ordre de 1.500 pour les pandoravirus contre une dizaine pour les virus classiques. Or, un seul scénario pourrait expliquer à la fois la taille gigantesque des génomes des pandoravirus, leur diversité et leur grande proportion de gènes orphelins : ces virus produisent de nouveaux gènes sur mesure à partir d’un fouillis bruyant de codage non fonctionnel, plutôt que d’hériter d’un ancêtre commun et de s’ajuster par des mutations. « Si c’est vrai, la longue quête de l’origine évolutive des gènes du virus géant prendra fin », souligne Jean-Michel Claverie.
Les gènes sont systématiquement créés à partir de rien plutôt que d’être modifiés à partir d’une bibliothèque préexistante : « une grande partie des gènes de ces virus naîtrait spontanément et au hasard dans les régions intergéniques. Des gènes « apparaissent » donc à des endroits différents d’une souche à l’autre, ce qui explique leur caractère unique », explique l’étude. Si cette hypothèse est avérée, les virus géants seraient des artisans de la créativité génétique – un élément central à l’origine de la vie et de son évolution, encore mal expliqués.