La pandémie de Covid-19 est une tragédie d’une envergure exceptionnelle. Alors que la situation semblait empirer, beaucoup d’entre nous ont commencé à recevoir des liens vidéo, des poèmes et d’autres textes, tous de nature religieuse, d’amis, de voisins ou de groupes de prière. Tout cela était très bien intentionné. L’épidémie se propage et certains proposent que nous nous tournions vers Dieu et la religion pour nous en protéger.
Créer du sens face à la pandémie
Ce n’est pas surprenant. Après tout, c’est pourquoi l’humanité a créé Dieu et les religions. Contre la peur de la mort et des maladies, et aussi les souffrances insupportables causées par les guerres, l’homme a inventé des mécanismes d’auto-protection, l‘un d‘entre-eux étant Dieu et les religions. Celles-ci offrent des réponses pratiques aux questions les plus fondamentales : comment donner du sens aux tragédies qui nous accablent parfois, comment corriger ou atténuer nos pires instincts et donner un sens à notre existence. Cependant, grâce à un monde plus paisible naissant des cendres de la deuxième guerre mondiale, grâce aux vertigineux progrès de la science et de la médecine qui ont conquis un grand nombre de maladies, il nous a été facile de tourner le dos à la religion. En effet, dans la plupart des pays développés, la fréquentation des églises a diminué rapidement. Plus généralement, la religion a perdu la plupart des conflits moraux et culturels de notre société : que ce soit les questions de divorce, d’avortement, de droits des homosexuels, de droits des femmes, de droits des minorités, la religion n’a plus l’emprise qu’elle avait sur ces questions.
La religion revient cependant au galop. La pandémie de Covid-19 l’a ravivée. Dans notre détresse et notre peur du virus, nous avons recommencé à invoquer Dieu. Dans les moments difficiles, c’est vers Dieu que nous nous tournons. Certains tentent de donner un sens au sort qui nous menace en invoquant et en recherchant le pardon de péchés que nous aurions sûrement commis. Les péchés les plus couramment invoqués varient énormément en nature et en contenu, selon la place que l’on tient sur l’échiquier politique, moral ou social. Certains blâment la criminalité croissante, les inégalités, la cupidité et la pornographie. Certains pensent que la religion pourrait nous rendre plus «moraux», plus généreux, moins enclins à la poursuite de l’intérêt personnel, de l’argent ou du sexe.
Mais qu’est-ce que cela change ?
Le seul problème est qu’il n’y a aucune preuve que la religion fait vraiment tout cela. La religion ne nous rend certainement pas plus moraux, plus généreux, plus civilisés. Si c’était le cas, cela se saurait. La preuve : des siècles de domination religieuse dans nos affaires individuelles et sociales n’ont rien fait pour éliminer nos défauts les plus criant : les guerres ont été déclarées, nos nations modernes se sont construites sur le dos de campagnes militaires contre l’ennemi, des holocaustes ont éliminé ou chassé des groupes ethniques indésirables, la cupidité a régné sur Wall Street et ailleurs, et les PDGs se sont enrichis gagnant souvent des dizaines fois le salaire de leurs propres employés, les espaces naturels ont été et continuent d’être saccagés et le réchauffement climatique atteint un point de non-retour.
Les religions ont-elles fait une différence? Pas du tout. Il est remarquable de voir à quel point la religion a peu de pouvoir pour changer l’humanité et son parcours. Il y a une raison simple à cela: le comportement humain doit plus à la génétique qu’à la religion. En d’autres termes, le moteur le plus important de l’humanité est l’évolution darwinienne de notre espèce. La religion n’en est qu’un sous-produit. La psychologie humaine a dévoilé bon nombre des leviers de notre comportement. La plupart d’entre-eux proviennent d’instincts génétiquement codés qui dictent notre comportement individuel (peur, sexe, plaisir, violence, etc…) ou collectif (dominance, soumission, coopération, agressivité, attraction, répulsion, etc….). Un coup d’œil à un article très récent (1) l’illustre : tous les comportements décrits dans cet article sont par nature primordiaux. Nous avons évolué comme une espèce animale sociale organisée pour former des groupes concurrents et pour fonctionner selon des lignes hiérarchiques. À leur tour, ces instincts définissent les normes et règles de comportement sociaux et individuels qui nous dictent ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas.
Pas de dessein divin derrière le Covid-19
Donc, le Covid-19 n’est pas un acte de Dieu qui nous est tombé dessus à cause de nos péchés ! Il y a une raison scientifique simple : il est le résultat d’un virus passant des chauves-souris aux humains, comme le font parfois les virus. Le fait qu’il nous ait temporairement submergés n’est pas que nos «péchés» ont mérité une quelconque punition. L’épidémie est devenue incontrôlable parce que, à l’exception des pays d’Asie de l’Est qui ont pris au sérieux les leçons du SRAS et du MERS, nous, Européens et Américains, ne l’avons pas fait. Notre manque de préparation et des prises de décisions tardives et inadéquates sont les raisons pour lesquelles nous vivons maintenant une tragédie.
Les peurs de la maladie et de la mort sont de puissants moteurs pour les religions. Elles ont proposé un certain nombre de solutions au mystère de la mort, notamment des possibilités d’y échapper : le paradis, l’enfer, ou la résurrection. Mais la science est claire à ce sujet: il n’y a pas de vie après la mort. Nous, les humains, comme tous les organismes vivants, sommes constitués de molécules chimiques complexes telles que les protéines, les lipides, les polysaccharides et les acides nucléiques, ou plus simples comme les métabolites secondaires. Ces molécules de la vie sont produites par de vastes chaînes d’assemblage, le ribosome par exemple, qui fabrique les longs polymères d’acides aminés que nous appelons protéines. Les mécanismes de réplication reproduisent nos gènes, tandis que les grandes usines d’ARN appelées ARN polymérases transcrivent nos gènes en messages à traduire en protéines. Alimentant ces machines merveilleusement réglées une molécule fournit l’énergie nécessaire à leur fonctionnement, il s’agit de l’adénosine tri-phosphate ou ATP. Les cellules vivantes sont des usines géantes où se produisent des millions de réactions biochimiques alimentées par l’ATP. Des circuits inter-moléculaires coordonnent l’activité des cellules au sein d’organes, tandis que des lignes de communication complexes orchestrent l’activité des organes dans notre corps. Le cerveau ne fait pas exception. C’est un organe d’une capacité extraordinaire, mais un organe tout de même, soumis aux mêmes lois de la biochimie et de la physique, brûlant le carburant de la vie, l’ATP, pour vous faire penser, aimer et… croire en Dieu et en la religion.
La religion est une caractéristique nécessaire de notre humanité précisément parce que la religion est un moyen de faire face aux environnements hostiles. Dans les bons moments, on s’en éloigne; dans les moments difficiles, nous nous en rapprochons. Alors que la pandémie de Covid-19 fait rage, nous sommes dans une phase de rapprochement. Mais quand la pandémie aura culminé et finalement reculé, nous nous éloignerons à nouveau des religions. Les chercheurs en biomédecine et en science du vieillissement osent envisager un monde où toutes les maladies auront un remède, même la mort ! En effet, ils voient la mort de la même façon qu’ils voient les maladies, le résultat de processus biochimiques encore inconnus mais en passe d’être découverts. Dès qu’ils seront connus, la mort sera traitée comme une maladie, « guérissable » comme les autres. Cela pourrait être une vision plausible de l’avenir, mais, pour l’instant, la pandémie de Covid-19 nous rappelle le peu de contrôle que nous avons encore. Ainsi, pour le moment et probablement pendant un bon bout de temps, l’humanité trouvera un certain réconfort dans la religion. Quant à moi, je m’en tiendrai à mon moi biochimique, mon mécanisme d’autoprotection consistant à me retrouver en harmonie avec le monde vivant qui m’entoure, les plantes, arbres et animaux, et mes compagnons humains aussi, qui doivent leur vie et leur survie à l’ATP.
(1) https://edition.cnn.com/2020/04/11/business/panic-buying-walmart-hair-color-coronavirus/index.html
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Ce qui est tordant, c’est que ce genre de texte, prétendument rédigé à la lumière de la science et de la raison, est en fait une enfilade ininterrompue d’idées reçues, de poncifs et autres « non sequitur » grossiers.
La religion n’a rien fait pour changer la destinée de l’homme nous dit-on.
Dans la France du XIème siècle, sous l’influence des religieux, il est interdit de se battre du mercredi soir au lundi matin. La guerre est également proscrite dans les périodes voisines de Noël, de Pâques, de la Pentecôte, de l’Ascension, etc.
Le prêt à intérêt a longuement été combattu par l’Église, tandis qu’elle organisait les premiers hôpitaux (Hotel-Dieu). La religion catholique a combattu l’esclavage, a soutenu les pauvres, s’est opposée aux tyrans, a soutenu l’art et l’instruction.
Mais tout n’est sans doute que superstition.
Une superstition qui n’a rien à voir avec la vérité scientifique qui nous explique doctement que l’univers est auto-engendré, qu’il obéit à des règles aussi précises qu’élégantes, lesquelles permettront in fine à l’humanité triomphante de…créer Dieu.
Le Covid-19 est contrôlé par des vaccins issus de la biochimie-moléculaire ‘ARN messager’.