Elections européennes 2019 : la science en question
Dans le cadre des élections européennes European Scientist vous propose un tour d’horizon des experts de différents pays sur différents sujets concernant la science et la politique scientifique en Europe, afin de prodiguer un état des lieux et une analyse, utile pour la prochaine commission.
The European Scientist : Dans la course mondiale à la transformation numérique, où se situe l’Europe ?
David Lacombled :Force est de constater que l’Europe doit faire face à deux continents numériques particulièrement efficients. Les Etats-Unis d’Amérique, d’un côté, démocratie libérale avec une économie dérégulée, la Chine-Asie-Pacifique, de l’autre côté, régimes autoritaires avec des économies encadrées. Les deux ont néanmoins un point commun : ils soutiennent leurs entreprises.
Au milieu, l’Europe semble un peu perdue, empêtrée dans sa volonté de défendre les consommateurs au risque de tuer à petit feu l’esprit d’entreprise.
Nous avons pourtant de nombreux atouts pour tirer notre épingle du jeu. Au-delà des talents, de leurs formations déjà plus discutables, de nos savoirs et de nos savoirs-faire, de notre ouverture d’esprit, l’Europe est un concentré d’humanité : porteuse de valeurs, altruiste et contenant le grenier de la culture du monde.
Autant de qualités qui doivent nous permettre d’être conquérant. La vie et les droits de l’homme sont des notions sacrées, dont on voit bien que les préserver est un combat d’actualité, n’ont pas la même signification et la même valeur sur d’autres continents. Ce sera sans doute un avantage, si l’on peut dire, pour eux dans l’augmentation technologique de l’homme. C’est un point de force pour nous afin de proposer un modèle alternatif de développement du numérique, libre et ouvert.
En cela notre patrimoine et notre inventivité culturels constitue un socle permettant de nourrir mais aussi de transcender l’essor du numérique. Grâce au digital, la bibliothèque d’Alexandrie existe. Tous les savoirs, toutes les connaissances sont accessibles. Encore faut-il un bibliothécaire dedans.
ES : Comment jugez-vous la RGPD ?
DL :Alors que nous fêtons le premier anniversaire du RGPD, nous pouvons saluer la mise en œuvre de cet arsenal qui a mis les acteurs face à leurs responsabilités tout en sensibilisant les citoyens ne serait-ce que dans leur emploi pour beaucoup de salariés.
Ce règlement est au rendez-vous des consciences, de réflexions personnelles et de débats publics qui ont germé et mûri. Permettant à chacun d’arriver à la conclusion que l’illusion de la gratuité des services avait en fait un prix.
C’est un très bel exemple de la mise en place de la subsidiarité qui devrait guider l’Europe en tout point. La preuve, d’autres pays commencent à le regarder. Du règlement à la norme, il y aura néanmoins un sacré pas à franchir.
Au-delà, nos données ne peuvent pas être exploitées sans votre consentement. Mais ce consentement est souvent donné, d’un simple clic, parce qu’on veut aller à l’essentiel, y compris sur ce site. Ce sera un des enjeux majeurs de la révision de la directive e-Privacy.
Est-ce que je donne mon accord par défaut (en acceptant les cookies comme je le fais aujourd’hui) ou en étant encore plus exigeant. Au risque, si les sites n’ont plus accès aux données ne plus remplir le service correctement ne serait-ce ce parce que vous ne seriez plus reconnus quand vous venez sur un site ou une application.
Charge aux entreprises d’agir avec responsabilité pour préserver la liberté de leurs consommateurs.
ES : Que devrait faire la prochaine commission pour encourager le développement de cette transformation ? Avez-vous des recommandations ?
DL : Le marché unique numérique doit passer de la redondance à l’hyperbole. Son affirmation et son développement doivent être favorisés et amplifiés. En cela, veillons à ne pas apparaître comme une seule terre de taxation. Taxer les GAFA est le seul point commun et saillant de tous les candidats, en France, aux élections européennes. Alors qu’ils savent bien que le Conseil n’est pas unanime. Malheureusement, le reste des programmes en matière numérique est plus proche du désert que de l’oasis.
Nous avons la chance d’avoir de véritables états-plateformes au sein de l’Union. Je pense en particulier à l’Estonie. Certainement, chaque pays devrait sans inspirer pour revoir son propre fonctionnement dans le service rendu aux citoyens et aussi dans l’essor de l’écosystème numérique où les entreprises sont encouragées. Pas entravées, encensées.
David Lacombled est un auteur et conférencier français. Il est président de La villa numeris, un laboratoire d’idées sur l’économie numérique, et publie régulièrement dans le journal français L’Opinion.
Les autres interviews de cette série sont :
Questions à Françoise Grossetête, députée européenne
Interview de Marcel Kuntz : quel avenir pour les NBT en Europe ?
Interview avec Samuele Furfari : élections européennes
Interview de David Lacombled : le challenge de la transformation numérique
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