En période d’épidémie telle que celle du CoVid19, on réalise à quel point la précision de l’information est importante. Or il en va des fake news comme des virus. Elles se diffusent à grande vitesse et laissent derrière elle de terribles séquelles. Vous avez une mauvaise opinion du nucléaire ? Vous cédez facilement à l’agri-bashing ? Ce petit bêtisier va vous aider à comprendre pourquoi.
Fake new en série sur Fessenheim
C’est le collectif STA qui l’a dénoncé en premier dans un tweet
Énorme : .@gouvernementFR affiche une centrale à charbon (grecque) pour illustrer son site sur… les mesures de réduction du #nucléaire ! https://t.co/gBmr1c7zvC
Espérons que ce ne soit pas de l’anticipation… pic.twitter.com/lfErIA6iAR— Science Technologies Actions (@ScienTecAction) February 25, 2020
Une information reprise par le Canard Enchaîné. Dans un article intitulé « Plan Climat : le gouvernement charbonne sa com’ » le volatile précise « La photo a été discrètement retirée du site Internet du gouvernement…. Pour illustrer la décision de fermer d’ici à 2035, 13 de nos 57 réacteurs nucléaires (…) Les communicants de Matignon avaient choisi la photo de ce qu’ils pensaient être une belle grosse centrale nucléaire française. Sauf qu’ils se sont mis les doigts dans la prise : il s’agissait d’une centrale… grecque, qui plus est à charbon ! » Et le journal satirique de poursuivre : « Erreur ou clin d’œil à nos voisins allemands ? Après avoir fait une croix sur le nucléaire, ils remplacent les réacteurs manquants par des renouvelables. Mais aussi par de bonnes vieilles centrales à charbon… »
Cet évènement n’est pas isolé hélas ! Comme le souligne Vincent Laget, membre du collectif, un reportage diffusé au JT de France 2 (1) montre « la vue d’une centrale nucléaire avec un focus sur une de ses tours de refroidissement, avec pour commentaire : Une cheminée qui ne fume plus. Un réacteur arrêté. Ce n’est que la première étape d’un long processus. (…) commencer ce reportage par un focus sur des tours de refroidissements, n’émettant que de la vapeur d’eau, et les assimiler à des cheminées qui fument a de quoi interroger sur les intentions réelles des auteurs de ce reportage. D’autant plus que la centrale de Fessenheim n’en a pas ! » En effet, un spectateur voyant cela s’imaginera tout de suite qu’une centrale nucléaire pollue comme une centrale à charbon. Pas étonnant que d’après un sondage BVA « selon 69 % des personnes interrogées, le nucléaire participe à la production de gaz à effet de serre. (2) »
Et ce n’est pas la seule fake new du reportage de France 2, car on y apprend également de la bouche de militants anti-nucléaire interviewés que « que le coût de démantèlement d’une centrale n’est pas correctement estimé et qu’on ne sait pas où stocker les déchets les plus dangereux parce que les sites d’entreposage sont soit non opérationnels, soit saturés. »
Comment dans ces conditions les Français peuvent-ils être correctement informés pour participer à un débat rationnel sur un sujet aussi stratégique que l’avenir énergétique ? Il ne faudra pas s’étonner que les a priori trompeurs progressent dans l’opinion surtout quand le gouvernement en personne et une chaîne de télé publique se chargent de les diffuser.
Aux sources de l’agri-bashing : une opinion coupée du monde paysan
Si l’agri-bashing est devenu un vrai phénomène de société, c’est qu’il y a une coupure entre le monde paysan et le public, comme l’ont montré certains experts. La plupart des citadins ont une idée totalement abstraite, pour ne pas dire faussée, de la campagne. Les agriculteurs sont les premiers à dénoncer ces aberrations et parfois ils ont leur petite revanche quand ils peuvent rire gentiment du manque de (agri) culture des urbains. Ainsi, Christophe B, un agriculteur célèbre parmi les « twittos », nous propose un thread sur les péripéties d’un géant de la distribution qui s’est trompé en prenant une photo de « vache à viande » pour illustrer une scène où l’on voit des enfants en train de traire – dépliant qui a été signalé à l’origine par Yann Duroc (3). On appréciera au passage, le travail fait au travers de ce fil pour ré-informer le consommateur.
Beaucoup de monde pour réagir à cette pub de @AUCHAN_France
Cette photo symbolise la distance entre agriculteurs et consommateurs créée via le mauvais travail du marketing des GMS.
Heureusement, aujourd’hui, il y a Twitter
Sur la photo, une vache Bleue Blanc Belge (BBB)1️⃣⤵️ pic.twitter.com/rFvk6Ufzt7
— ChristopheB. (@agritof80) February 26, 2020
Ce genre de « bourde » prête à sourire, mais une autre histoire nous laisse pantois. Depuis plusieurs années les éleveurs de Brebis se plaignent des attaques de loups. En effet, en 2019, pas moins de 246 constats d’attaques ont été relevés sur le Mercantour, les Écrins et la Vanoise. L’État, par le biais du directeur adjoint du parc du Mercantour, n’a cependant pas cédé à la demande des éleveurs qui voulaient pratiquer des tirs de défense, mais a proposé d’expérimenter une « phéromone apaisante ovine ». Cette molécule qui peut être pulvérisée sur les troupeaux et permet d’apaiser les brebis et ainsi éviter la panique. La réponse du groupement de la profession a été cinglante et on peut le comprendre :
« Nous sommes stupéfaits de voir que de telles propositions puissent être pensées par les services de l’État. Vous souhaitez droguer nos brebis avant qu’elles ne se fassent attaquer par les prédateurs afin de, soi-disant, réduire les difficultés rencontrées par les éleveurs (notamment les pertes indirectes engendrées par le stress). Cette proposition scandaleuse, qui pour nous est tout simplement inadmissible, méprise le travail des éleveurs et leurs valeurs. (4) »
Cet échange entre une « technostructure panurgique » et les éleveurs pourrait avoir quelque chose de comique si les conséquences n’en n’étaient pas tragiques et révoltantes pour les éleveurs qui en subissent les conséquences. Comme nous l’avions déjà vu au travers de l’ouvrage de Sylvie Brunel, la ré-introduction du loup, pilotée par des idéologues, est une aberration sociale – on décourage les bergers -, et économique – il faut protéger les troupeaux et indemniser les éleveurs (chaque loup coute 57 000 euros au contribuable français).
Ce petit bêtisier sans prétention est révélateur. Qu’il s’agisse de fake news, de maladresses de communiquant, ou encore de mépris technocratique, on comprend comment certains a priori et autres négligences se déversent progressivement dans l’opinion pour déformer celui-ci et lui imposer des idéologies. Un processus qui avance comme un virus.
(1) https://www.france.tv/france-2/journal-20h00/1246875-journal- 20h00.html
(2) https://www.lepoint.fr/economie/rechauffement-les-francais-accusent-le-nucleaire-26-06-2019-2321239_28.php
(3) https://twitter.com/DurocYann/status/1232555625911062528
(4) Réponse à la demande de Monsieur le Préfet d’expérimenter la sémiochimie sur les brebis soumises à la prédation dans les parcs nationaux. https://fr.scribd.com/document/450430032/2020-047-AE-Courrier-CAF-Loup-Prefet-JP-CELET-Experimentation-Brebis-Parcs#fullscreen&from_embed