Dans nos précédents articles publiés pour The European Scientist (1) (2), nous avions défini les cyberattaques par ingénierie sociale comme des « attaques psychologiques » . Puis nous avions alors montré en quoi la psychologie des traits héritée de Jung, ainsi que le test de personnalité « Big Five » pouvaient être utilisés comme des tests psychologiques fiables permettant de décrypter les profils les plus à risque face aux cyberattaques. Les traits de personnalité définis dans le framework Big Five ne sont pas les seules caractéristiques qui peuvent décrire ce qui composent la personnalité humaine : les pensées, les émotions et les comportements.
En effet, plusieurs types d’échelles de personnalité existent, dont l’indicateur de type Myers-Briggs (ΜΒΤΙ). Selon le MBTI, les gens diffèrent dans la manière dont ils préfèrent concentrer leur attention (extravertis/introvertis), la façon dont ils recueillent des informations (sensation /intuition), lorsqu’ils doivent prendre des décisions ou émettre des jugements (penser/ ressentir), et enfin leur choix de vie (juger/percevoir). Mais nous pensons qu’un autre modèle de test de personnalité des plus intéressants viendrait compléter le Big Five et le MBTI : ce test appelé « Dark Triad » (« Triade Sombre »)(3) vise à explorer le côté le plus sombre de la personnalité humaine et se concentre sur les caractéristiques qui indiquent une tendance à manipuler et à tromper. Les trois traits psychologiques décrits dans ce modèle sont la « psychopathie », le « narcissisme » et le « machiavélisme ».
On peut déplorer le peu de recherches menées sur l’approche cognitive de la « cyber-malveillance », alors qu’il y a un champ entier qui s’ouvre à la compréhension des mécanismes cognitifs en jeu, pour analyser et évaluer les profils psychologiques des individus dont les traits de personnalité sont dits « sombres ». En effet, les modèles de la « Dark Triad » et de la « Dark Tetrad »(4) pourraient être mobilisés ici pour fournir un nouveau cadre théorique et expérimental à la définition et à la catégorisation des personnes « cyber-malveillantes ».
Dans notre framework « Neurocyber » nous avions proposé de compléter le Big Five de trois nouveaux facteurs afin de mieux adapter les critères à notre sujet d’application : les profils psychologiques les plus vulnérables aux cyberattaques par ingénierie sociale. Et nous avions commencé à définir les premiers portraits psychologiques à risque : les victimes d’hyper-stress, les individus piégés par leur avidité, ou bien par leur curiosité exacerbée et ou encore par une empathie trop naïve. Ces quatre premiers traits ou facettes psychologiques sont bien évidemment insuffisants pour prétendre appréhender et couvrir tout le spectre de la psychologie humaine, face aux risques de cyberattaques par ingénierie sociale.
Croiser les huit critères de notre « Neurocyber Framework » avec les dimensions du MBTI est une première piste intéressante et constitue un cadre d’évaluation plus complet en matière de « diagnostic » des individus les plus à risques et/ou les plus vulnérables. Mais cela reste encore insuffisant car les personnes ayant des « traits de personnalité sombres », comme la psychopathie ou le narcissisme, sont plus susceptibles d’être insensibles, désagréables et antagonistes dans leur nature.
De tels traits existent sur un continuum – nous en avons tous plus ou moins et cela n’équivaut pas nécessairement à être cliniquement diagnostiqué avec un trouble de la personnalité. Néanmoins, ces mêmes profils existent bel et bien en entreprise ou dans n’importe quel type d’organisation et ils peuvent être à l’origine de cyber-malveillance, délibérée ou non.
Traditionnellement, les personnes ayant plusieurs traits sombres sont considérées comme ayant des déficits d’empathie, ce qui les rend potentiellement plus dangereuses et plus agressives. Mais une étude publiée en 2021 dans Personality and Individual Differences (5), a identifié un groupe d’individus aux traits sombres qui démontrent des capacités empathiques supérieures à la moyenne, appelés « dark empaths » (« empathes sombres »). Ces profils échappent totalement aux seuls tests Big Five et MBTI.
C’est la raison pour laquelle, notre recherche se fixe pour objectif de montrer l’impérieuse nécessité d’évaluer ces « profils sombres » avec le protocole de test idoine, en complément de l’analyse psychologique déjà traitée par le Big Five et le MBTI.
1. Du modèle de la « Dark Triad » à la « Dark Tetrad »
Le modèle de la « Dark Triad » ou « Triade Sombre », développé par Paulhus et Williams en 2002, permet de faire état de ces manifestations et se subdivise en trois dimensions : le « narcissisme », la « psychopathie » sous-clinique et le « machiavélisme ». Ces dimensions, aussi appelées personnalités sombres (« dark personnalités ») sont caractérisées par leur caractère aversif et malveillant pouvant être observable par une variété́ de comportements indésirables et nuisibles socialement (Paulhus, 2014; Paulhus et Williams, 2002). Outre leur faible degré́ d’agréabilité́ sociale, les personnalités sombres sont associées à plusieurs difficultés interpersonnelles et comportements agressifs (Burnham et al., 2013; Jakobwitz et Egan, 2006). Le narcissisme se caractérise par une tendance à la recherche d’attention et par un sentiment de supériorité́ envers les autres.
Les caractéristiques principales de la psychopathie sous-clinique sont l’impulsivité́, la recherche de sensations fortes et l’insensibilité́ émotionnelle. Finalement, le machiavélisme se caractérise par l’utilisation stratégique de la manipulation dans le but de servir ses intérêts personnels. Contrairement aux autres dimensions de la Triade Sombre, le machiavélisme n’est pas associé à un diagnostic officiel.
D’ailleurs, l’inclusion du machiavélisme comme dimension distincte de la Triade Sombre a suscité́ plusieurs débats, particulièrement en ce qui concerne la capacité́ des instruments actuels à mesurer adéquatement ce trait psychologique (Miller et al., 2019).
Plus précisément, les instruments actuels ne permettraient pas de mesurer le machiavélisme de façon fidèle à la conception théorique de ce trait, mais permettraient plutôt d’offrir une mesure de la psychopathie (Vize et al., 2018). Par exemple, la tendance à l’exploitation et la manipulation interpersonnelle, qui caractérise le machiavélisme, sont également des composantes centrales aux mesures de la psychopathie (Glenn et Selbom, 2015). Autrement dit, malgré́ que le machiavélisme et la psychopathie soient deux traits théoriques distincts, les mesures actuelles ne permettent pas de les différencier adéquatement l’un de l’autre (Miller et al., 2019).
Plus récemment, le développement des recherches portant sur la Triade Sombre a permis l’ajout d’une quatrième dimension au modèle initial : le « sadisme commun ». Dans leur étude portant sur la contribution de la Triade Sombre sur les comportements délinquants d’adolescents, Chabrol et al. (2009) ont intègré l’influence des traits sadiques à leur modèle d’analyse. Leurs résultats ont validé́ que la Triade Sombre, ainsi que les traits de sadisme commun entaient des prédicteurs des comportements délinquants chez les adolescents.
En raison des nombreuses manifestations comportementales du sadisme commun observables dans des contextes interpersonnels et socioprofessionnels, plusieurs chercheurs ont validé́ l’ajout de cette quatrième dimension au modèle qui s’appelle dorénavant la « Dark Tetrad » ou « Tétrade Sombre » (Buckels et al., 2013; Chabrol et al., 2009; Johnson et al., 2019; Paulhus, 2014).
Le sadisme commun, ou « everyday sadism », se caractérise par l’appréciation des actes de cruauté́ envers les autres, dans le contexte de la vie de tous les jours (Book et al., 2016; Buckels et al., 2013; Buckels, 2018; Paulhus, 2014).
Les dimensions de la Tétrade Sombre, outre leur faible degré d’agréabilité sociale, partagent plusieurs caractéristiques telles qu’une tendance à la manipulation et à l’exploitation interpersonnelle (Buckels, 2018). Le manque d’empathie, la froideur émotionnelle, ainsi qu’une tendance à la promotion de soi sont également communs à la Tétrade Sombre (Johnson et al., 2019 ; Paulhus et Williams, 2002).
En raison de ces chevauchements conceptuels et de la difficulté à mesurer adéquatement certains traits, plusieurs chercheurs ont avancé que la Tétrade Sombre reflèterait un seul et même trait de personnalité́ (Jakobwitz et Egan, 2006). Toutefois, les fortes corrélations entre les dimensions seraient expliquées par un élément sous-jacent qui serait commun aux personnalités sombres (Paulhus et Williams, 2002).
Certains auteurs ont alors proposé que le cœur de la Tétrade Sombre soit la manipulation (Furnham et al., 2013), l’exploitation interpersonnelle (Jonason et al., 2009), un niveau faible d’honnêteté́ et d’humilité́ (Book et al., 2016) ou un faible degré d’agréabilité (Jakobwitz et Egan, 2006).
Selon Jones et Paulhus (2011), ce qui expliquerait le mieux le chevauchement théorique entre les personnalités sombres serait l’insensibilité́ émotionnelle, plus précisément, le manque d’empathie.
Paulhus (2014) propose que le manque d’empathie, bien que commun à la Tétrade Sombre, joue un rôle diffèrent pour chacune des personnalités sombres, permettant ainsi de les différencier théoriquement l’une de l’autre. Chez le narcissique, le manque d’empathie serait dirigé́ envers ceux qui pose obstacle à sa quête d’être admiré. Pour le machiavélique, le manque d’empathie est observable par l’utilisation de stratégies manipulatrices dans le but d’atteindre un but. Ensuite, le psychopathe démontrerait un manque d’empathie de par sa tendance à avoir des relations utilitaires et nocives pour les gens qui l’entoure. Finalement, le sadique se démarquerait par sa recherche d’opportunités à causer de la souffrance (Paulhus, 2014, 2018).
Il semble donc que, malgré́ leurs similarités, les dimensions de la Tétrade Sombre possèdent des caractéristiques uniques et reflètent bel et bien des traits distincts de la personnalité́ normale (Chabrol et al., 2009 ; Johnson et al., 2019 ; Paulhus et Dutton, 2016).
2. Le « noyau sombre » ou le dénominateur commun des personnalités cyber-malveillantes
La psychopathie fait référence au manque d’empathie, tandis que les personnes ayant un score élevé sur ce trait semblent être d’excellents manipulateurs, car elles acquièrent la capacité d’imiter les comportements socialement acceptés. Les personnes ayant un score élevé en machiavélisme présentent des niveaux de moralité inférieurs lorsqu’il s’agit d’augmenter leur gain personnel, ce qui peut également conduire à une tendance à la manipulation. Un niveau élevé de narcissisme indique une personne ayant une image idéalisée de soi, un comportement égoïste et un besoin excessif d’attention, ce qui rend ces individus moins empathiques envers les autres.
Plusieurs instruments peuvent être utilisés pour mesurer les traits de personnalité de la Dark Triad. Certains d’entre eux mesurent un trait à la fois, alors qu’il existe des instruments tels que le Dirty Dozen (Short Dark Triad) (6) (7), qui mesurent les trois traits à la fois et sont désormais les plus couramment utilisés.
L’égoïsme, le machiavélisme, le narcissisme, la psychopathie, le sadisme… font partie des traits « sombres » malveillants de la personnalité. Ces traits de personnalité ont en commun un « noyau sombre », identifié par les auteurs d’une étude publiée dans la revue Psychological Review (8) .
En psychologie, comme dans le langage commun, différents termes désignent les diverses tendances sombres de la personnalité, dont les plus proéminents sont la psychopathie (manque d’empathie), le narcissisme (absorption excessive de soi) et le machiavélisme (la croyance que les fins justifient les moyens) : c’est ce qui constitue la « triade sombre » de la personnalité.
Ingo Zettler, professeur de psychologie à l’Université de Copenhague, et deux collègues allemands, Morten Moshagen et Benjamin E. Hilbig respectivement des universités d’Ulm et de Coblence-Landau, ont mené une étude sur un échantillon de plus de 2 500 personnes.
« Au fil des ans, plusieurs autres traits négatifs considérés distincts ont été introduits pour décrire les comportements questionnables éthiquement, moralement et socialement, ce qui a entraîné une pléthore de concepts sans intégration théorique. Cette nouvelle étude présente un cadre théorique unificateur pour comprendre la personnalité sombre comme étant une tendance dispositionnelle générale dont les traits sont des manifestations spécifiques » (9).
Le dénominateur commun de tous les traits sombres, appelé « facteur D » (pour « Dark Factor of Personality »), serait une tendance à poursuivre impitoyablement son propre intérêt, en voulant atteindre ses seuls avantages personnels, même lorsque ceux-là nuisent aux autres (ou même dans le but de nuire délibérément aux autres), tout en ayant des convictions qui justifient ces comportements. L’avantage poursuivi inclut l’atteinte de ses buts et les bénéfices tels que l’excitation, la joie, l’argent, le plaisir, le pouvoir, le statut…
Les chercheurs ont démontré comment ce dénominateur commun est présent dans neuf des traits sombres de personnalité les plus étudiés :
1. Égoïsme : une préoccupation excessive pour son propre avantage au détriment des autres et de la communauté.
2. Machiavélisme : une attitude manipulatrice, insensible et la conviction que la fin justifie les moyens.
3. Désengagement moral : un style de traitement cognitif qui permet de se comporter de façon contraire à l’éthique sans ressentir de détresse.
4. Narcissisme : une absorption excessive sur soi-même, un sentiment de supériorité et un besoin extrême d’attention de la part des autres.
5. Sentiment que les choses lui sont dues : une croyance récurrente que l’on est meilleur que les autres et que l’on mérite un meilleur traitement.
6. Psychopathie : un manque d’empathie et de contrôle de soi, combiné à un comportement impulsif.
7. Sadisme (commun) : un désir de faire du mal mentalement ou physiquement à autrui pour son propre plaisir ou pour son propre bénéfice.
8. Intérêt personnel : un désir d’améliorer et de mettre en valeur son propre statut social et/ou financier.
9. Rancœur revancharde : une destructivité et une volonté de causer du mal aux autres, même si l’on se blesse soi-même au cours du processus.
Le facteur D peut être comparé à la façon dont le psychologue Charles Spearman (10) a montré il y a environ un siècle comment les personnes qui obtiennent de bons résultats dans un type de test d’intelligence obtiennent généralement aussi de bons résultats dans d’autres types de tests d’intelligence, car il existerait un facteur global « d’intelligence générale ».
De la même manière, un « facteur P » a été défini comme reflétant le fait que les personnes rencontrant les critères diagnostiques d’un trouble mental rencontrent souvent les critères d’un ou plusieurs autres troubles. Les troubles mentaux sont traditionnellement considérés comme des entités catégoriques distinctes, mais le taux élevé de comorbidité (plusieurs troubles présents en même temps) remet en question ce point de vue.
3. Les relations entre les traits de personnalité du Big Five, du MBTI et de la Dark Triad
Les relations entre les traits de personnalité du Big Five et les principes de persuasion de Cialdini ont été explorées par Uebelacker et Quiel qui ont publié leur propre « Social Engineering Personality Framework » (11).
Les auteurs ont supposé les associations suivantes entre certains principes de persuasion et traits de personnalité, sur la base de leurs recherches dans la littérature :
• L’extraversion augmente la susceptibilité à la sympathie, à la rareté et à la reconnaissance sociale.
• La conscience est attribuée au respect des règles, ce trait augmente donc la susceptibilité à l’autorité, à l’engagement/la cohérence.
• Des niveaux élevés du trait d’agréabilité augmentent la vulnérabilité aux attaques par ingénierie sociale en général, car les personnes ayant ce trait ont tendance à faire confiance plus facilement aux autres.
• Le trait d’ouverture implique également une vulnérabilité accrue vis-à-vis des attaques par ingénierie sociale ; cependant, la recherche a révélé que cela est également fortement corrélée à la maîtrise de l’informatique, ce qui entraîne une diminution de la sensibilité.
• Le névrosisme est associé à l’anxiété liée à l’usage de l’informatique et à l’augmentation des précautions liées à la cybersécurité, ce qui diminue la vulnérabilité ; cependant, les personnes obtenant un score élevé sur ce trait peuvent être vulnérables au principe d’autorité, selon les auteurs, en raison de leur tendance à se conformer aux instructions hiérarchiques.
Une méthodologie d’évaluation des vulnérabilités humaines a été proposée par Cullen et Armitage (12) sur la base des traits de personnalité proposés par le MBTI. Au cours de leurs expérimentations, les auteurs ont envoyé des e-mails de phishing aux participants, chacun contenant un motif de persuasion (piège) différent. Chaque participant représentait un trait de personnalité spécifique du MBTI et tous les participants ont été invités à sélectionner l’e-mail le plus attractif pour eux.
D’autres études récentes se sont intéressées au lien entre les activités malveillantes et le comportement humain et les traits de personnalité, dans le but de comprendre les tactiques des cyberattaques et de prédire les incidents de cybersécurité. Cependant, étudier et mesurer la cyber-malveillance sous l’angle de la psychologie cognitive offre non seulement une compréhension du comportement des attaquants (hackeurs), mais également celui des victimes :
• le profil extraverti est plus sensible au principe de sympathie
• le profil de détection est plus sensible à l’engagement
• les profils de pensée-sentiment sont plus sensibles à l’autorité et à la réussite sociale
• les profils jugeant-percevant ont montré une plus grande vulnérabilité à la réciprocité et à la distraction
Plusieurs outils de mesure des traits de personnalité « sombres » et des caractéristiques personnelles commencent à être utilisés dans le cadre de la mesure psychologique de la cyber-malveillance. Par exemple, Curtis et al. (13) ont étudié le lien entre les traits de personnalité de la Dark Triad et l’effort de phishing de l’attaquant, conséquence du succès de l’attaque, ainsi que la sensibilité des utilisateurs aux e-mails de phishing.
Les résultats ont montré que les participants du groupe d’attaquants ayant le trait de personnalité du machiavélisme ont mis le plus d’efforts dans la composition des e-mails de phishing. Au contraire, les participants avec le trait de personnalité du narcissisme font moins d’efforts, sans doute en raison de leur excès de confiance (surestime de soi), selon les auteurs. Il convient de mentionner que lorsque les e-mails étaient composés par des participants attaquants présentant le trait de narcissisme, puis présentés à des participants victimes présentant le même trait narcissique, une augmentation de la vulnérabilité a été observée. Les utilisateurs finaux narcissiques semblaient être le groupe le plus vulnérable aux e-mails de phishing.
Depuis quelques années, des chercheurs tentent de démêler les relations entre traits de personnalité, les processus cognitifs en jeu et la vulnérabilité aux cyberattaques. Dans ce contexte, Cho et al.(14) ont construit un modèle mathématique utilisant des réseaux stochastiques (réseaux de Petri) pour étudier comment des traits de personnalité spécifiques du Big Five peuvent affecter le processus de prise de décision et le niveau de confiance et de risque qu’une personne présente lorsqu’elle fait face aux cyberattaques.
Des e-mails authentiques et des mails de phishing ont été présentés aux participants de l’étude, à qui il a été demandé de juger les informations présentées comme fiables ou suspectes. Les résultats de leurs recherches ont montré que les traits de personnalité comme le névrosisme et l’amabilité jouent un rôle important dans le processus de prise de décision.
La prise de décision en situation d’incertitude, révèlent que les traits susmentionnés peuvent influencer le degré auquel la personne fera confiance ou non, en fonction des informations reçues. On peut noter également que le trait de névrosisme, combiné à une faible ouverture d’esprit et à une faible conscience, entraîne une diminution de la performance décisionnelle, c’est-à-dire la capacité à détecter effectivement les cyberattaques.
Conclusion
L’objectif de cet article était d’étudier la littérature existante, relative aux vulnérabilités psychologiques face aux cyberattaques par ingénierie sociale ; et notamment en adoptant une approche cognitive de la cyber-malveillance. Le but était de montrer l’impérieuse nécessité d’intégrer dans l’évaluation des individus (profils à risque), la psychologie des « profils sombres ».
Ces traits de personnalité « sombre » sont complémentaires aux traits que nous avions déjà identifiés comme des « psychotypes » à risque et donc plus vulnérables aux cyberattaques par ingénierie sociale :
– Profil « stressé »
– Profil « curieux »
– Profil « altruiste »
– Profil « avide »
Désormais, nous savons qu’il existe au moins cinq autres profils, que l’on qualifiera de « sombres » qui pourraient venir enrichir et compléter les quatre premiers profils psychologiques de victimes (au sens de psychotypes) les plus vulnérables aux cyberattaques par ingénierie sociale. Nous reprenons ainsi les quatre profils de la Tétrade Sombre auxquels nous ajoutons les « dark empaths » comme suit :
– Profil « psychopathologique »
– Profil « narcissique »
– Profil « machiavélique »
– Profil « sadique »
– Profil « empathe sombre »
Cette catégorisation augmentée de nouveaux profils issus de la psychologie des traits sombres, nous permet d’établir un référentiel de 9 psychotypes, présentant des risques de vulnérabilité majeurs face aux cyberattaques par ingénierie sociale.
Nous allons pouvoir affiner et étendre notre framework « Neurocyber » et ainsi redessiner une matrice de test à l’intersection du Big Five, du MBTI et de la Dark Tetrad. Car comme nous l’avons vu, il existe déjà de nombreuses relations et de zones de convergences entre les traits du MBTI, les facteurs du Big Five et les profils sombres.
La prochaine étape sera de construire sous la forme d’un schéma, les relations « intra-tests », les dimensions couvertes par chacun, les traits psychologiques qui y correspondent et tenter de définir et de représenter une galerie de portraits complète des profils « neurocyber » (« personnalités types ») les plus à risque, face à la recrudescence des cyberattaques par ingénierie sociale.
1) https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/approche-cognitive-des-cyberattaques-par-ingenierie-sociale/
2) https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/le-tournant-cognitif-de-la-cybersecurite-changement-de-paradigme-et-prolegomenes-a-la-cybersecurite-cognitive/
3) Paulhus, Delroy L; Williams, Kevin M (December 2002). « The Dark Triad of personality: Narcissism, Machiavellianism, and Psychopathy ». Journal of Research in Personality. 36 (6): 556–563.
4) Međedović, J., & Petrović, B. (2015). The dark tetrad. Journal of Individual Differences.
5) Nadja Heym, Fraenze Kibowski, Claire A.J. Bloxsom, Alyson Blanchard, Alexandra Harper, Louise Wallace,
6) Jennifer Firth, Alexander Sumich. The Dark Empath: Characterising dark traits in the presence of empathy,
Personality and Individual Differences, Volume 169, 2021.
7) Jonason, Peter K.; Webster, Gregory D. (2010). « The dirty dozen: A concise measure of the dark triad ». Psychological Assessment. 22 (2): 420–432.
8) Webster, Gregory D.; Jonason, Peter K. (2013). « Putting the « IRT » in « Dirty »: Item response theory analyses of the Dark Triad Dirty Dozen—An efficient measure of narcissism, psychopathy, and Machiavellianism ». Personality and Individual Differences. 54 (2): 302–306.
9) Moshagen M, Hilbig BE, Zettler I. The dark core of personality. Psychol Rev. 2018 Oct;125 :656-688.
Ingo Zettler, in The dark core of personality. Psychological Review 2018 Oct; 125:656-688.
10) Charles Spearman, « General Intelligence objectively dtermined and measured », American Journal of Psychology 15, 201-293, 1904
11) Uebelacker, S., & Quiel, S. (2014, July). The social engineering personality framework. In 2014 Workshop on Socio-Technical Aspects in Security and Trust (pp. 24-30). IEEE.
12) Papatsaroucha, D., Nikoloudakis, Y., Kefaloukos, I., Pallis, E., & Markakis, E. (2021). A Survey on Human and Personality Vulnerability Assessment in Cyber-security: Challenges, Approaches, and Open Issues. arXiv e-prints, arXiv-2106.
13) Shelby R. Curtis, Prashanth Rajivan, Daniel N. Jones, Cleotilde Gonzalez, Phishing attempts among the dark triad: Patterns of attack and vulnerability, Computers in Human Behavior.
14) Jin-Hee Cho, Hasan Cam and A. Oltramari, « Effect of personality traits on trust and risk to phishing vulnerability: Modeling and analysis, » 2016 IEEE International Multi-Disciplinary Conference on Cognitive Methods in Situation Awareness and Decision Support (CogSIMA), 2016, pp. 7-13.
Bibliographie
Baughman, H. M., Dearing, S., Giammarco, E., & Vernon, P. A. (2012). Relationships between bullying behaviours and the Dark Triad: A study with adults. Personality and Individual Differences, 52, 571–575.
Black, P. J., Woodworth, M., & Porter, S. (2014). The Big Bad Wolf? The relation between the Dark Triad and the interpersonal assessment of vulnerability. Personality and Individual Differences, 67, 52-56.
Volk, A., Holden, R. R., & D’Agata, M. T. (2016). Unpacking more “evil”: What is at the core of the dark tetrad? Personality and Individual Differences, 90, 269-272.
Jakobwitz, S., & Egan, V. (2006). The dark triad and normal personality traits. Personality and Individual Differences, 40(2), 331-339.
Johnson, L. K., Plouffe, R. A., & Saklofske, D. H. (2019). Subclinical sadism and the dark triad: Should there be a Dark Tetrad? Journal of Individual Differences, 40(3), 127-133.
Jonason, P. K., & Kavanagh, P. (2010). The dark side of love: Love styles and the Dark Triad. Personality and Individual Differences, 49, 606–610.
Jonason, P. K., Slomski, S., & Partyka, J. (2012). The Dark Triad at work: How toxic employees get their way. Personality and Individual Differences, 52, 449–453.
Jonason, P. K., Li, N. P., Webster, G. D., & Schmitt, D. P. (2009). The dark triad: Facilitating a short-term mating strategy in men. European Journal of Personality, 23(1), 5-18.
Mathieu, C., Neumann, C. S., Hare, R. D., & Babiak, P. (2014). A dark side of leadership: Corporate psychopathy and its influence on employee well-being and job satisfaction. Personality and Individual Differences, 59, 83-88.
Murphy, C., & Vess, J. (2003). Subtypes of psychopathy: Proposed difference between narcissistic, borderline, sadistic, and antisocial psychopaths. Psychiatric Quarterly, 74(1), 11-29.
Nathanson, C., Paulhus, D. L., & Williams, K. M. (2006a). Predictors of a behavioral measure of scholastic cheating: Personality and competence but not demographics. Contemporary Educational Psychology, 31, 97–122.
Pajevic, M., Vukosavljevic-Gvozden, T., Stevanovic, N., & Neumann, C. S. (2018). The relationship between the Dark Tetrad and a two-dimensional view of empathy. Personality and Individual Differences, 123, 125-130.
Paulhus, D. L., Curtis, S. R., & Jones, D. N. (2018). Aggression as a trait: The dark tetrad alternative. Current Opinion in Psychology, 19, 88-92.
Paulhus, D. L., & Dutton, D. G. (2016). Everyday sadism. Dans V. Zeigler-Hill & D. K. Marcus (Éds.), The dark side of personnality : Science and practice in social, personality, and clinical psychology (p. 109-120). American Psychological Association.
Paulhus, D. L., & Jones, D. N. (2015). Measures of dark personnalities. Dans Measures of Personality and Social Psychological Constructs (p. 562-594). Elsevier.
Paulhus, D. L., Neumann, C. S., & Hare, R. D. (2014). Manual for the Self-Report Psychopathy (SRP) scale. Toronto: Multi-Health Systems.
Paulhus, D. L., Robins, R. W., Trzesniewski, K. H., & Tracy, J. L. (2004). Two replicable suppressor situations in personality research. Multivariate Behavioral Research, 39(2), 303-328.
Paulhus, D. L., & Williams, K. M. (2002). The dark triad of personality: Narcissism, machiavellianism, and psychopathy. Journal of Research in Personality, 36(6), 556-563.
Rauthmann, J. F. (2012). The Dark Triad and interpersonal perception: Similarities and differences in the social consequences of narcissism, machiavellianism, and psychopathy. Social Psychological and Personality Science, 3(4), 487-496.
Sest, N., & March, E. (2017). Constructing the cyber-troll: Psychopathy, sadism, and empathy. Personality and Individual Differences, 119, 69-72.
Stevens, D., Charman, T., & Blair, R. J. R. (2001a). Recognition of emotion in facial expressions and vocal tones in children with psychopathic tendencies. The Journal of Genetic Psychology, 162(2), 201-211.
Image par Clker-Free-Vector-Images de Pixabay
A lire également
Les 3P d’une souveraineté numérique européenne active : Puissance, Planification, Performance