Des chercheurs de l’université de Cambridge pensent avoir découvert les cellules qui permettent aux têtards de faire repousserleur queue.
Comment certaines espèces arrivent—elles à régénérer certains de leurs membres ? Ce mystère, déjà présent sous la plume d’Aristote, pourrait bien être en train délivrer ses secrets. Une équipe de l’université de Cambridge (Royaume-Uni), conduite par le Français Jérôme Jullien, a ainsi étudié le têtards la grenouille xénope, qui possède la capacité de faire repousser sa queue lorsque celle-ci est coupée. Dans une étude publié dans la revue Science, jeudi 16 mai, ils pensent avoir découvert le secret derrière cette capacité étonnante grâce à une nouvelle avancée dans l’analyse génétique.
L’idée était de chercher les différences entre les cellules anciennes et celles du membre régénéra afin de tenter d’identifier les cellules d’organisation de la régénération (ROC). Leur hypothèse était que les responsables des facteurs de croissance permettaient incidemment le développement de toutes les cellules nécessaires à la repousse du membre amputé. « Nous pensions découvrir un nouveau type cellulaire, mais c’étaient les mêmes », raconte Jérôme Jullien.
Mais les chercheurs ont exploré une autre piste : la queue de ses têtards repousse tout au long du processus de développement à moins qu’elle ait été coupée entre le 5e et le 7e jour suivant la fertilisation. « Nous avons donc pu comparer des têtards compétents et des têtards ‘incompétents’ et découvert que, chez les seconds, il manquait un type cellulaire, poursuit le biologiste français. Il se trouve bien présent sur le côté de la queue, mais il ne migre pas vers le site d’amputation. »
Cette fois, les biologistes ont greffé des tissus contenant les fameuses cellules sur le dos d’un têtard qui ne possédait pas de capacité de régénération. « Et on y a vu apparaître l’amorce d’une queue », détaille l’étude. Aussi, ces conclusions « fournissent des idées à tester sur d’autres espèces, afin d’explorer quels mécanismes pourraient être similaires », estime Michalis Averof, de l’Institut de génomique fonctionnelle de Lyon (CNRS, ENS), spécialiste de la régénération des crustacés.
L’expérience doit toutefois être poussé plus loin afin de confirmer ce résultat et ses utilisations potentielles en médecine. Jérôme Jullien, qui s’apprête à rejoindre l’Inserm, à Nantes, va se pencher sur la régénération d’autres organes de l’amphibien, comme ses pattes qui elles aussi peuvent repousser. « Bien sûr qu’on pense à la médecine régénérative », s’enthousiasme Jérôme Jullien. « Plutôt que de transplanter un organe, obtenir des cellules qui organisent sa régénération, ça ne vous paraît pas prometteur ? »