Des chercheurs français du CNRS et des chercheurs américains ont découvert l’importance du débit sanguin de très petits vaisseaux dans les premières phases de la maladie d’Alzheimer. Une avancée susceptible de ralentir le processus de la maladie.
La maladie d’Alzheimer est une maladie dégénérative qui frappe la mémoire, la réflexion et le comportement des malades. Elle est la première cause de démence (60 à 70 % des cas dans le monde) et touche environs 10,5 millions de personnes en Europe. Plusieurs études menées dans des pays occidentaux (Royaume-Uni, Pays-Bas, Suède, États-Unis, France)[1][2] indiquent une diminution du nombre de nouveaux cas de démence, donc de maladie d’Alzheimer, au cours des dernières années. Pourtant, du fait du vieillissement de la population, d’ici 2050, le nombre d’Européens atteint d’une maladie comme Alzheimer devrait pratiquement doubler.
Il n’existe actuellement aucun traitement pour cette maladie. Pourtant, certains espoirs permettent de mieux la prémunir. Des chercheurs du CNRS, réunis au sein du projet de recherches BrainMicroFlow avec une équipe de l’Université de Cornell aux Etats-Unis, viennent ainsi de publier une étude dans la revue Nature Neurosciences qui ouvre la voie vers des pistes pour ralentir la progression de la maladie. Ils ont en effet observé une baisse du débit sanguin au niveau cérébral chez les malades (un stade avancé de la maladie, le débit est réduit d’environ 30%). Ces résultats ont pour l’instant été observés sur des souris cobayes.
« Nous avons recherché la cause de la baisse de débit sanguin chez des souris en scrutant leur vascularisation cérébrale à l’aide d’une technique d’imagerie cellulaire (la microscopie par excitation à deux photons) qui permet de distinguer in vivo le flux sanguin jusque dans les petits capillaires (les plus fins et plus petits vaisseaux sanguins , NDLR) et ce, sur toute l’épaisseur du cortex » détaille Sylvie Lorthois chercheur à l’Institut de mécanique des fluides de l’Université de Toulouse III (CNRS/Paul Sabatier/INP Toulouse). Les équipes ont observé un flux sanguin interrompu dans de nombreux capillaires du cortex cérébral chez les souris souffrant de la maladie d’Alzheimer. A contrario, ce symptôme n’apparait pas chez les souris saines.
Ce phénomène est du au dépôt sur les capillaires de globules blancs appelés neutrophiles. « Nous n’avons pas détruit les neutrophiles, mais nous les avons empêchés de s’accrocher aux parois. Cela a permis aux souris de retrouver très vite leur capacité », explique la chercheuse. « On s’est rendu compte que ça débouchait les vaisseaux sanguins. Ça réaugmentait le débit sanguin cérébral et ça améliorait les performances cognitives des animaux. Elles avaient une amélioration de leur mémoire spatiale, elle se retrouvaient plus facilement dans un labyrinthe, par exemple, et elles avaient aussi une amélioration de l’intérêt, de l’humeur ».
Pour l’heure, la molécule utilisée pour décrocher ces globules blancs des parois des vaisseaux des souris affaiblit sensiblement leur système immunitaire. La transition de cette technique vers l’homme n’est donc pas évidente, et ce d’autant qu’il faudra une nouvelle amélioration des instruments d’observation (certains parlent d’un délai de 15 ans). Mais elle pourrait rapidement servir de point de départ pour une nouvelle pratique thérapeutique pour retarder en amont le développement de la maladie d’Alzheimer.
[1][1] Satizabal CL et al. Incidence of Dementia over Three Decades in the Framingham Heart Study. N Engl J Med 2016 ; 374 : 523-32
[2] Schrijvers EMC et al. Is dementia incidence declining? Trends in dementia incidence since 1990 in the Rotterdam Study. Neurology 2012 ; 19 : 1456-63