Alors qu’en France, la Ministre de la santé Agnès Buzyn vient de confirmer que le taux de remboursement des traitements homéopathiques allait progressivement baisser pour arriver à un déremboursement total en 2021, EuropeanScientist a interviewé Guy André Pelouze sur ce sujet hautement polémique
EuropeanScientist : Depuis l’annonce du Ministre ce matin la polémique ne désenfle pas. Aussi les voix qui réclament ce déremboursement dénonce l’effet placébo. Quel est votre avis à ce sujet ?
Guy André Pelouze : La plus extraordinaire nouvelle de cette croisade anti-homéopathie et homéopathes – médecins que l’on entend très peu soit dit en passant – c’est que les français n’auront même pas bénéficié d’une information de qualité sur ce qu’est l’effet placébo. Nous avons comme les animaux, enfouis dans notre cerveau et recouverts de médiation inhibitrice culturelle et sociale des programmes d’auto-guérison. Nous réagissons à l’adversité par notre système neurovégétatif, immunitaire, anabolique pour guérir. Nous pouvons diminuer drastiquement la douleur, influencer nos choix alimentaires et notre sommeil face à une infection un traumatisme etc… Dans le groupe humain du paléolithique, ces programmes étaient activés spontanément ou sous la médiation des anciens. Nous avons confié ces cas au médecin depuis des siècles. Tout acte de soin, produit un effet le plus souvent placebo mais dans certains, nocebo. C’est un sujet assez bien connu en psychologie évolutionniste. Donc les dilutions homéo avec ou sans sucre ont un effet palcebo comme les manipulations d’un ostéo, comme les piqûres d’un acupuncteur, comme la piqûre de la méso comme toute médication allopathique, comme, je le répète, tout acte de soin. Cet effet placebo c’est le cerveau du patient qui le génère et il peut pour certains symptômes améliorer 30% des patients y compris durablement. L’observation que, dans le cas de l’homéopathie il n’y a que l’effet placebo est intéressante car double : il est impossible de mettre en évidence expérimentalement d’effet intrinsèque de la dilution, mais il n’y a pas non plus d’effet secondaire, de complications, nous y reviendrons.
Donc résumons nous : le placébo c’est l’acte de soin (y compris les granules mais pas que), l’effet placebo, c’est votre cerveau qui le déclenche. Cherchons donc à ce que l’effet placebo soit le plus fort possible dans l’intérêt de nos patients puisque l’effet thérapeutique spécifique est fixe par exemple quand nous utilisons un médicament allopathique mais ne faisons pas croire à une opposition entre les deux. Ils sont liés.
Maintenant pour ce qui est de la problématique du déremboursement il faut d’abord dire que c’est du paiement des médicaments homéo par les prélèvements obligatoires (abusivement appelées cotisations sociales) dont on parle. Ils pourront être remboursés par une assurance complémentaire même au-delà de la date d’arrêt total du remboursement sécu ; il suffira de souscrire un contrat et de payer la prime. Jusque là, pas de quoi en faire un débat national sauf que la boite de Pandore des dépenses inutiles a été ouverte par Mme Buzyn fort habilement et que compte tenu de l’absence d’opposition politique elle va la refermer avec les plus belles opportunités d’économie dedans sans que personne ne lui en fasse l’objection. Cures thermales, indemnités journalières, transports dits médicaux avantages en nature extravagants seront toujours payés par des coûts obligatoires. Bien joué, les maires, les taxis et d’autres sont rassurés mais ils se plaindront quand même du cout du travail ; les cotisations d’assurance maladie ne baisseront pas et la sécu sera toujours en déficit. Après avoir persuadé les français que le placébo ne valait pas un remboursement, il était pourtant facile de leur expliquer que l’effet « rien du tout » ne valait pas plus les milliards qu’on lui consacre au lieu d’acheter des IRM ou de payer les soignants.
ES : Comment l’homéopathie est-elle vue dans les autres systèmes de soin ?
Guy André Pelouze : En France l’homéopathie est devenue brutalement une cible. Rien ne l’y destinait, ni son coût, ni l’effet placebo, ni sa dangerosité sauf peut-être son succès qui est réel. Une des explications est que l’homéopathie et les homéopathes irritent les médecins conventionnels et singulièrement les médecins hospitaliers. L’esprit des Écoles de médecine ouvertes et tolérantes n’est plus. La médecine vit au gré des oukases notamment étatiques. Le résultat est tragique. Mais il y a aussi un aspect technique. Réfléchissons aux autres pratiques alternatives. Elles sont sans prescription attenante. Donc insaisissables si pratiquées par des médecins. Acu, méso, ostéo, naturo, et autres ne prescrivent pas ou rien de remboursé. Comme le codage des actes de consultation n’existe pas en France (à quoi bon, tout acte de consultation sur tout le territoire quel que soit le motif et la complexité quel que soit la spécialité est au tarif de 25 €, ce qui bien sur contribue à la raréfaction de l’offre…), il est impossible de dérembourser les actes de ces pratiques. Pourtant les preuves d’efficacité sont aussi de l’ordre du placebo ce qui n’est pas une offense je l’ai déjà dit…. Ce qui serait logique c’est que les les courageux tenants de la médecine hyper-rationnelle qui crient au scandale du placébo (cf supra) dans des « tribunes » disent un mot sur l’irrationalité de dépenser 4 milliards pour 700 000 séjours en cures thermales dont l’immense majorité est une application de boues diverses sur les articulations, c’est à dire 31 fois les remboursements des granules, autant de milliards dans des transports de type taxis dans un pays avec autant de véhicules personnels, de bus, de train et autres (je cite de tête ces montants aisément consultables sur le site de la DREES)… J’aurais applaudi.
Il n’y a pas à ma connaissance d’hostilité des autres gouvernements européens et des professions de santé vis à vis de l’homéopathie. En partie cela est dû au fait que leurs systèmes de soins sont beaucoup plus lisibles. Ils ont depuis longtemps défini un panier de soins essentiels, financé par des cotisations obligatoires, à côté duquel on retrouve les soins non conventionnels complémentaires, alternatifs, pris en charge par des assurances dans le cadre d’un contrat supplémentaire au contrat de base. Je rappelle que nous avons fait l’inverse ce qui nous coûte très cher en gestion et qui diminue l’offre. Ainsi la Suisse ne rembourse pas l’homéopathie dans le contrat de base. Aux Pays Bas, pas de remboursement par le contrat de base. Un co-payement avec les complémentaires est possible suivant une liste de pratiques médicales alternatives. En Allemagne cela dépend des Caisses. Il y a une logique à cette approche : en effet pourquoi devrions-nous payer des impôts pour un traitement qui relève du choix, de la convenance, du confort ? Par contre, on comprend bien qu’il faille impérativement conserver et financer un pot commun pour ce qui relève des maladies graves. Personne en Europe ne le conteste. Cette séparation est très claire dans de nombreux pays : d’un côté il y a des dépenses qui doivent être financées par la mutualisation, de l’autre celles qui relèvent d’un choix personnel.
ES : Comment définiriez-vous le modèle de système de santé européen, vers quoi devons-nous nous orienter ?
Guy André Pelouze : D’une manière générale, je dirais qu’il n’y a pas de modèle en Europe et c’est très bien car tout modèle est figé. Il existe en Europe des systèmes différents qui ont deux caractéristiques : il y a une garantie de dynamique de marché d’une part et d’autre part, la résilience du contrat de base. Ce système hybride est extrêmement performant. Car nous avons une histoire. De grandes inventions médicales dans le domaine des soins ont vu le jour en Europe, nos professionnels sont bien formés et nos réseaux de soins encore assez denses. Hélas, dans ce tableau plutôt positif, la France se singularise car elle a progressivement exclu tous les mécanismes de marché dans le système de soins et étatisé son fonctionnement avec les ordonnances Juppé. Ce faisant elle a totalement rigidifié l’ensemble ce qui a des conséquences délétères : planification du numerus clausus pendant plus de 40 ans, hospitalo-centrisme, dépenses inutiles non liées aux soins, impact dramatique des 35 heures.
ES : quel avenir pour l’homéopathie en France ?
Guy André Pelouze : je suis optimiste. Dégagé de la tutelle de l’assurance maladie tutelle qui tient par le remboursement l’homéopathie va continuer à attirer des patients. D’abord parce que les consultations restent remboursées. Ensuite parce que l’homéopathie est très populaire dans toute l’Europe. Cela fait bondir les tenants d’une médecine hospitalo-centrée, mais c’est ainsi. Les européens et donc les français sont libres d’acheter leurs soins non essentiels comme bon leur semble. Comme ils sont libres d’acheter l’alimentation qui leur convient ou de prendre les risques qu’ils estiment intéressants. Le « nounoutage » n’est pas de la médecine. Les médecins homéopathes dans la configuration démographique actuelle ne risquent rien. Ils développeront une relation particulière pour les patients qui demandent de l‘homéopathie et continueront à soigner les autres utilement. Les producteurs de médicaments homéo jouent une partition classique car cette annonce même progressive dans sa mise en oeuvre les place dans une configuration de diminution de leurs capacités de production et donc de licenciement économique. Sauf que je considère qu’ils iront très bien rapidement pour ceux qui sont gérés activement et dont la qualité des produits permettra une augmentation de prix. Pourtant il y a un mais… Et si les 128,6 millions annoncés (on ne peut rien vérifier puisque l’open data des données du système de soins est refusé par la CNAM) se transformaient en augmentation de dépenses ? L’aphorisme de Frédéric Bastiat sur ce qui se voit et ce qui ne se voit pas en économie pourrait bien s’appliquer. Que deviendront les dépenses des patients qui passeront à l’allopathie c’est à dire la médecine conventionnelle ? Si on tient compte des habitudes françaises (je veux parler du couple patient-médecin) les prescriptions conventionnelles vont multiplier par 3 ou 4 le prix pour les mêmes symptômes. Il y aura aussi la couche des complications et effets secondaires. Mme Buzyn nous avait promis l’équilibre des comptes et s’est ensuite ravisée après les « avantages « consentis aux gilets jaunes, il se pourrait bien que le déficit se creuse un peu plus si les patients écoutent les thuriféraires de l’orthodoxie médicale en masse… Ce n’est pas grave c’est l’état qui paye en nous endettant.
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» ces vérités qui renversent les idées reçues »
Il faudrait surligner d’une couleur les » vérités » et avec une autre les » idées reçue » pour comprendre le titre en lisant le texte.