
L’Agence européenne des produits chimiques est au cœur d’une nouvelle controverse sur sa transparence – elle est accusée d’être à la botte de l’industrie pharmaceutique.
La transparence est un élément crucial dans l’évaluation de médicaments et de produits chimiques en Europe. Le règlement enregistrement, évaluation et autorisation des produits chimiques (REACH) a ainsi mis en place il y a 11 ans une collecte des données relatives aux risques humains et environnementaux des quelques 3 000 produits chimiques fabriqués et utilisés en Europe. Dans un même élan, l’APEC a été créée afin d’assurer le respect de ces règles et d’assurer le partage des informations au grand public. L’agence fait cependant l’objet d’accusations de la part de groupes de défense de l’environnement qui l’accusent d’avoir un fonctionnement opaque.
« L’APEC est détentrice d’informations stratégiques. Cela a permis aux pouvoir public d’en savoir davantage sur les risques, le pourquoi et le comment de l’usage des produits chimiques. Mais le REACH ne fonctionne pas comme il le devrait », met en garde le Dr. Apolline Roger, directrice de la branche « produits chimiques » de ClientEarth – une organisation à but non lucratif œuvrant dans les domaines du droit et de l’environnementalisme. « Il est temps de boucler la boucle et de donner accès à ces informations détenues par les pouvoirs publics au grand public », ajoute-t-elle.
Elle identifie 4 types d’information « indispensables » pour une visibilité quant au travail de l’agence et une instruction du public et des fonctionnaires européens :
- Les informations relatives aux propriétés dangereuses des produits étudiés, le nombre d’unités produites, vendues et utilisées, ainsi que les usages les plus surs ;
- Les informations relatives à leur fonctionnement, leurs avantages et inconvénients (pour permettre de les comparer à des produits alternatifs) ;
- Le nom des entreprises qui respectent bien les règlements sanitaires européens et les autres (afin de permettre aux consommateurs de se tourner vers les premières) ;
- Les raisons ayant poussé l’agence à autoriser un produit afin de renforcer sa transparence.
Il ne s’agit pas du premier appel pour plus de visibilité dans le processus de pris de décision e l’APEC. En mars dernier, l’agence avait déjà dû répondre à des accusations quant au fonctionnement de son Comité d’évaluation des risques. Elles venaient du directeur de Greenpeace Europe, Jorgo Riss.
Dans une lettre ouverte, Geert Dancet, directeur général de l’APEC a défendu la transparence de l’agence, « une de ses valeurs cardinales ». « La majorité des membres du comité bénéficient d’une expertise issue du service public ou du monde universitaire. Mais nous n’excluons toutefois pas de travailler avec des personnes issues du secteur privé ou des acteurs concernés quand leurs connaissances sont pertinentes », explique l’agence. « L’expérience et les conseils de l’industrie sont utiles à une autorité de réglementation », poursuit-elle.
L’équilibre entre la transparence et « le devoir légal de protection de la propriété intellectuelle et d’informations commerciales confidentielles » n’est pas évident. A une époque où les institutions de l’UE sont de plus en plus attaquées pour leurs manquements démocratiques, un peu plus de lisibilité, assurant aux consommateurs, à la société civile, aux innovateurs et investisseurs de peser un peu plus dans le procédé politique européen, ne peut pas faire de mal. Mais malheureusement, comme le souligne le Dr Roger, « la plupart des progrès réalisés par l’ECHA l’ont été sous la menace de poursuites pour manque de transparence. »
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