C’est l’un des évènements les plus attendus d’Afrique. Le 9e forum mondial de l’Eau se tiendra à Dakar entre le 21 et 26 mars prochain, sous la tutelle du président sénégalais Macky Sall. « C’est une occasion unique pour mettre la problématique de l’eau au centre des priorités, des discussions et des échanges », explique Abdoulaye Sène, secrétaire de l’évènement, alors même que le dernier rapport du GIEC s’alarme des conséquences humanitaires potentielles d’un stress hydrique massif lié au réchauffement climatique, notamment en Afrique.
L’heure d’agir
« Dans les années 1960, les ressources en eau étaient évaluées à 2 500 mètres cubes par personne et par an. Elles sont actuellement de 600 m3. À 500 m3, on atteindra le seuil critique de pénurie. Beaucoup de régions sont déjà en deçà », s’inquiète Fouad Amraoui, spécialiste en sciences de l’eau et professeur à l’université Hassan II de Casablanca, au journal Le Monde. Touché depuis plusieurs semaines par une sécheresse rarement connue dans son histoire, le Maroc est au bord de la pénurie. Une catastrophe humanitaire et écologique en devenir, alors que les risques de lourdes mesures de restriction pèsent sur le Royaume. Hasard du calendrier, la publication ce 28 février du deuxième volet du sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) alerte sur la possibilité d’un stress hydrique majeur, lié au dérèglement climatique.
Ces travaux, fruits de plus de 6 000 études scientifiques, affirment que 4 milliards de personnes risquent de connaître une pénurie chronique d’eau dans le cas d’un réchauffement de + 4 °C d’ici 2100. Dans le cadre d’une trajectoire à + 2 °C, entre 800 millions et 3 milliards de personnes pourraient être concernées avec, à terme, un bilan humain catastrophique. L’Afrique subsaharienne s’annonce d’ores et déjà comme l’une des zones géographiques les plus exposées. À l’heure actuelle, un Africain sur 3 subit un manque d’eau, ponctuel ou chronique et 400 millions de personnes en Afrique subsaharienne n’ont pas d’accès direct à l’eau potable, selon les données fournies par l’Organisation des Nations-Unies.
« Les effets combinés du changement climatique et de l’accroissement de la population entraînant la raréfaction de l’eau, il s’avère nécessaire d’aborder la problématique de l’eau sous l’angle de la promotion de la paix » explique Macky Sall, président du Sénégal et de l’Union africaine, qui a fait de la massification de l’accès à l’eau potable un fer-de-lance de son Plan Sénégal Émergent (PSE). Et qui a pleinement conscience du caractère potentiellement conflictuel des futures crises hydriques à venir. Pas question, pour autant, de centrer l’évènement sur le seul cas sénégalais, les organisateurs tenant à conserver une vision panafricaine. « Le Sénégal accueille le Forum mondial de l’eau pour le compte de l’Afrique. L’Union africaine a décidé d’accompagner le forum en organisant un sommet spécial des chefs d’État et de gouvernement en marge de l’évènement », précise Abdoulaye Sène pour Financial Afrik.
Un Forum mondial de l’eau en forme de catalyseur politique
Cette édition s’inscrit dans une approche résolument partenariale, en rassemblant des chefs d’État, le secteur privé, la société civile et associative, mais aussi des organisations internationales. Pour le Sénégal, le Forum a aussi vocation à s’affirmer comme un puissant catalyseur politique pour exposer au monde entier les fragilités du continent africain face au réchauffement climatique. C’est en tout cas la volonté du président sénégalais qui réaffirmait au début du mois de février vouloir « parler d’une seule voix et véhiculer un discours unifié, car il n’est pas acceptable que (les Africains) restent toujours dans la position de ceux qui paient le prix de la pollution causée par les autres, une pollution qui a causé beaucoup de dégâts (au continent) », dans le cadre d’un interview accordé à des journalistes du monde arabe. L’objectif — ambitieux — reste de s’aligner sur l’Objectif de Développement Durable 6 (ODD 6) de l’ONU, qui aspire, d’ici 2030, à « garantir l’accès à l’eau de tous et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau ». Même si, « si la tendance actuelle est maintenue, en 2030, l’accès à l’eau et à l’assainissement sera pire que la situation en 2015 », déplore Abdoulaye Sène.
Plus que les autres éditions, cette 9e édition s’inscrit dans une démarche résolument inclusive, prenant aussi la forme d’une plateforme d’expression pour l’ensemble des parties prenantes issues de la société civile, avec des groupes invités de femmes, de jeunes, d’agriculteurs, d’éleveurs ou encore de pêcheurs afin de garantir, au plus haut niveau de responsabilité, la prise en compte des besoins spécifiques des populations. Surtout, cette édition souhaite devenir un « Forum des réponses » face aux grands défis qui touchent le continent, notamment dans le domaine de l’assainissement, de l’accès à l’eau pour le développement rural, de la coopération et de la résilience du continent face aux conséquences du réchauffement climatique.
Le Sénégal, « bon élève » africain
Parmi les pays africains, le Sénégal fait aujourd’hui partie des bons élèves, notamment grâce à une puissante mobilisation étatique. « Nous sommes à 45 % du taux d’accès à l’assainissement » — un chiffre supérieur à la moyenne africaine — explique Abdoulaye Sène, qui salue « des politiques et des programmes qui ont été engagés ». Le 10 juillet dernier, Macky Sall a d’ailleurs inauguré une troisième usine de traitement d’eau potable à Keur Momar Sarr, dans le nord du pays, dont le projet s’inscrivait dans le cadre du Plan Sénégal Emergent (PSE). L’usine sera en capacité de fournir 200 000 m3 d’eau par jour à un million de personnes de la région de Dakar.
Une carte en ligne informe sur l’avenir de l’élévation du niveau de la mer