Des scientifiques européens appellent à revoir le cadre règlementaire encadrant la mutagénèse après une extension restrictive opérée par la Cour de justice de l’Union Européenne en juillet dernier.
Le 21 juillet dernier, la Cour de justice de l’Union Européenne donnait une définition actualisée du terme organisme génétiquement modifié (OGM). Si les textes de l’UE ne visaient initialement quela transgenèse – ou le fait d’implanter un ou plusieurs gènes dans un organisme vivant, les juges avaient à l’époque estimé que la réglementation restrictive s’appliquerait aussi aux « nouveaux OGM » – même si cela n’était prévu dans les textes antérieurs (principalement la directive de 2001) à l’apparitions de ces nouvelles techniques.
Cette décision étendait considérablement le champ de ce texte, qui prévoit de garde-fous contraignants afin d’éviter que les expérimentations génétiques représentent un danger pour l’environnement et la santé humaine. Il impose depuis les mêmes contraintes aux organismes obtenus par mutagenèse – et tout particulièrement grâce aux « ciseaux génétiques » CRISPR-Cas9 (à prononcer Crisper). Cette technique, découverte en 2012, permet de supprimer et d’insérer des gènes à un endroit précis du chromosome.
La précision de ces « ciseaux » en fait des outils potentiellement cruciaux pour l’innovation et le progrès scientifique. L’édition génomique suscite en effet de nombreux espoirs aussi bien pour soigner des maladies génétiques chez l’homme que pour améliorer des plantes. La Cour, dans son arrêt, a toutefois considérablement limité leur usage, que ce soit la restriction – très compréhensible – de leur mise sur le marché et celle – plus clivante – des essais sur le terrain.
Se voulant pondérée, la Cour a toutefois considéré que « les organismes obtenus par des techniques de mutagenèse qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps sont exemptés de ces obligations [renforcées] ». Mais la solution proposée est en réalité contreproductive, puisqu’elle muselle tout nouvel usage dans un domaine très récent et florissant.
Aussi, un groupe de scientifiques liés à plus de 85 centres de recherche européens et instituts spécialisés a lancé un appel aux dirigeants européens de revoir le cadre légal de ces « OGM 2.0 ». D’après eux, l’extension du champ de la réglementation actuelle « a des conséquences négatives pour l’agriculture, la société et l’économie », notent-ils, avant d’ajouter que « cela entravera les progrès vers une agriculture durable et instaurera un désavantage concurrentiel pour le secteur de la sélection végétale européen ».
Cette décision risque de conduire à « une interdiction de facto des techniques innovantes de sélection végétale », craignent les signataires du texte. Leur argumentaire déplore des barrières qui freinent le développement de plantes plus résistantes aux maladies, à la sécheresse et demandant moins de fertilisants. Si une pétition a été lancée dans le sillage de cette lettre ouverte, leur demande n’a pas donné de suite dans le processus législatif européen. En outre, elle se heurte à l’avis de nombreuses ONG de défense de l’environnement et de plusieurs confédérations paysannes européennes. Elle prouve cependant qu’il n’existe pas de vrai consensus sur l’innovation génétique – en particulier sur l’agriculture.