Le sentiment d’une identité européenne parmi les habitants de l’Union européenne a augmenté au cours des 15 dernières années. C’est ce que révèle une étude du professeur Theresa Kuhn, récemment publiée.« Cela nous a surpris, pour être honnête », affirme la chercheuse. « Les deux dernières décennies ont été marquées par des crises, tant externes qu’internes, comme le Brexit et la crise de la zone euro. On pourrait s’attendre à ce que cela pousse les gens à se distancier de l’Union européenne, mais ce n’est pas le cas. »
Avec les élections européennes à l’horizon, une question se pose avec acuité : dans quelle mesure les habitants de l’Europe se sentent-ils connectés à l’Union européenne et d’où vient ce sentiment ?
Pour répondre à cette question, Theresa Kuhn et son équipe ont analysé diverses enquêtes d’opinion provenant de dizaines de pays sur une période de 41 ans. « Nous voulions cartographier l’évolution de l’identité européenne au fil des ans », déclare Kuhn. « Cependant, notre recherche était limitée par les types de sondages d’opinion que nous consultons habituellement. La plupart des sondages ne datent pas de très loin et ne posaient qu’un seul type de question sur le sujet. »
Pour remédier à ce problème, l’équipe de Kuhn a combiné différentes enquêtes d’opinion, appliquant un calcul pour obtenir des informations sur le développement de l’identité européenne depuis les années 1980.
Une explication possible aux résultats de l’étude est que les crises renforcent l’adhésion à un groupe. « Les gens se sentent menacés et sont plus enclins à se rapprocher de personnes partageant leurs points de vue », explique Kuhn. De plus, une génération entière n’a connu que l’Union européenne comme partie intégrante de l’Europe, avec des frontières ouvertes et l’euro comme monnaie. « Ces éléments ont rendu l’Europe tangible, permettant aux gens de vivre l’UE plutôt que de la percevoir comme une institution abstraite », ajoute Kuhn.
Il existe cependant des différences majeures dans le développement de l’identité européenne selon les pays. Dans les pays d’Europe du Nord et de l’Ouest, le sentiment d’une identité européenne est généralement plus marqué, tandis qu’en Europe du Sud et centrale, le développement est plus diversifié.
En outre, la montée des partis eurosceptiques dans les sondages pour les prochaines élections européennes ne signifie pas que les gens se sentent moins européens. Il faut distinguer la perception d’une identité européenne et le soutien à l’Union européenne, souligne Theresa Kuhn. « Quelqu’un peut se sentir européen sans être d’accord avec la politique actuelle de l’UE. L’inverse est également vrai », dit-elle.
Enfin, la recherche montre que les personnes qui s’identifient comme européennes sont moins susceptibles de voter pour des partis populistes et plus enclines à faire preuve de solidarité envers d’autres Européens.
Dans son étude, Kuhn soutient que l’Union européenne devrait faire encore plus pour renforcer le sentiment d’identité européenne. « De nombreuses décisions importantes sont prises au niveau européen. C’est pourquoi il est important pour la légitimité démocratique de l’UE qu’une proportion significative d’Européens se sentent également connectés à l’Europe », explique-t-elle.
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